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18/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20655

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 novembre 2005, 20655


Tribunal administratif N° 20655 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2005 Audience publique du 18 novembre 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde, sinon en sursis à exécution, introduite par Monsieur ….. …..

contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Arda

van FATHLOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif N° 20655 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2005 Audience publique du 18 novembre 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde, sinon en sursis à exécution, introduite par Monsieur ….. …..

contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHLOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….. ….., né le 22 février 1967 à ….., de nationalité ….-….., actuellement détenu au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à ordonner une mesure de sauvegarde, sinon le sursis à exécution par rapport à une décision implicite de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente à une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 27 octobre 2005, ordonnant son placement au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois, le recours en question s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre la prédite décision implicite, déposé le même jour, inscrit sous le numéro 20654 du rôle, Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées;

Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Se basant sur le fait qu'un éloignement du territoire de Monsieur ….. ….., de nationalité ….-….., ne serait pas possible, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, par décision du 2 septembre 2005, ordonna le placement de celui-ci au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d'un mois en attendant son éloignement. Cette mesure fut prorogée, chaque fois pour la durée d'un mois, par décisions des 29 septembre et 27 octobre 2005.

Par requête déposée le 16 novembre 2005, inscrite sous le numéro 20654 du rôle, Monsieur ….. ….. a introduit un recours en annulation contre la décision implicite de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente aux décisions de placement, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 20655 du rôle, il a introduit une demande dans laquelle il demande à ce que "la décision implicite critiquée soit suspendue dans tous ses effets et qu'en conséquence le requérant est autorisé à résider au pays en attendant l'issue de sa demande d'asile, ainsi que son recours au fond pendant devant le Tribunal administratif." A l'appui de son recours au fond, il fait valoir la "violation des principes généraux à savoir le principe de proportionnalité pour excès du pouvoir." Il fait expliquer, en fait, qu'il a "accidentellement tué un autre ….. en Allemagne en 1996 et a été condamné pour ce crime à plusieurs années d'emprisonnement." Après avoir purgé sa peine, il serait retourné au ….., mais n'y aurait échappé que de justesse à plusieurs tentatives d'assassinat. Il lui aurait en effet été reproché par certains groupes de s'être absenté du pays lors de la guerre civile. Il serait par ailleurs poursuivi par la famille de la victime de son crime qui tenterait de se venger sur lui.

Il souligne qu'il a introduit une demande d'asile qui serait toujours pendante et qui interdirait la prise d'une décision de refoulement ou d'expulsion à son égard tant que la demande d'asile n'aurait pas été vidée. Il se prévaut par ailleurs de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme protégeant le droit à la vie et faisant valoir que sa vie serait sérieusement menacée dans son pays d'origine.

Il invoque, dans le même contexte, le risque d'un préjudice grave et définitif en cas de retour dans son pays d'origine.

Le délégué du gouvernement souligne qu'en vertu de l'article 1er, F, sub b) de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés, aux termes duquel les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés, Monsieur ….. a été exclu, par décision du 2 septembre 2005, de la procédure d'asile prévue par la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire.

Il estime par ailleurs que s'il est vrai qu'en cas de retour dans son pays d'origine, Monsieur ….. ne sera pas à l'abri de tout risque concernant son intégrité physique, non de la part des autorités en place, mais émanant de groupes privés, sa personnalité profondément instable en ferait un danger permanent pour la société luxembourgeoise. Il se prévaut à cet effet d'un rapport établi par un médecin psychiatre le 17 octobre 2005 dont il ressort qu'il présente "un état mental gravement perturbé, totalement instable et imprévisible" et qu'il a, outre le meurtre pour lequel il a été condamné, causé à une autre personne des blessures graves ayant entraîné une atteinte définitive à l'intégrité physique de celle-ci.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

L'article 12 de la même loi dispose que le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Le moyen tiré de la demande d'asile pendante manque du sérieux nécessaire pour pouvoir justifier un sursis à exécution ou une mesure de sauvegarde. En effet, il se dégage d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 2 septembre 2005, notifiée le même jour en mains propres de l'intéressé, que sur base de l'article 1er, F, sub b) de la Convention de Genève, Monsieur ….. a été exclu de la procédure d'asile. S'il est vrai que le délai du recours contentieux n'a pas expiré à l'heure actuelle, il est tout aussi vrai qu'un tel recours n'a pas été introduit à ce jour, de sorte qu'au moment auquel la présente ordonnance est rendue, une procédure d'asile n'est pas pendante. Il y a lieu de souligner, dans ce contexte, que si les voies de recours exercées contre une décision de refus d'asile ont, dans les conditions déterminées par la loi, un effet suspensif, tel n'est pas le cas du simple délai du recours contentieux.

Concernant le moyen du danger pour l'intégrité physique de Monsieur ….. en cas de rapatriement et l'interdiction d'effectuer ce rapatriement en raison des exigences de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, il se dégage d'un échange de correspondance entre le gouvernement luxembourgeois et la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), responsable de l'administration et de la sécurité au Kosovo, territoire vers lequel Monsieur ….. doit être expulsé, que celle-ci estime qu'actuellement, ni elle-même, ni aucune institution (police, KFOR), ne sont actuellement en mesure d'assurer la sécurité de celui-ci en cas de rapatriement et qu'en raison de cet état de choses, elle refuse pour l'instant ce rapatriement.

Il s'en dégage qu'en fait, tant que les autorités au Kosovo (MINUK et autres) ne sont pas en mesure d'assurer la sécurité physique de Monsieur ….., celui-ci ne pourra être rapatrié.

Il en découle encore qu'une fois que sa sécurité pourra être raisonnablement garantie, son rapatriement pourra être organisé.

Il en découle que la mesure attaquée par le recours au fond, à savoir la mesure de refoulement, sinon d'expulsion implicite sous-jacente à la mesure de placement – en fait il se dégage des pièces versées qu'en date du 2 septembre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration a pris une décision explicite de refus d'entrée et de séjour à l'encontre du demandeur – ne pourra être exécutée qu'une fois que la sécurité de Monsieur ….. sera assurée dans son pays d'origine.

Par voie de conséquence, il n'existe pas de risque d'un préjudice grave et définitif dans le chef de Monsieur ….. en cas d'exécution de la mesure attaquée.

Or, comme les conditions tirées du sérieux des moyens invoqués et du risque d'un préjudice grave et définitif doivent être cumulativement remplies pour justifier une telle mesure, la demande est à rejeter, sans qu'il y ait lieu d'examiner, de plus, le sérieux du moyen tiré de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, précité.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en sursis à exécution, sinon en institution d'une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 18 novembre 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20655
Date de la décision : 18/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-18;20655 ?

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