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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20538

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20538


Tribunal administratif Numéro 20538 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2005 Audience publique du 14 novembre 2005

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20538 du rôle, déposée le 3 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de M

onsieur …, né le … , de nationalité biélorusse, actuellement placé au Centre de séjour proviso...

Tribunal administratif Numéro 20538 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2005 Audience publique du 14 novembre 2005

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20538 du rôle, déposée le 3 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité biélorusse, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 11 octobre 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 novembre 2005.

Par décision du 11 octobre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig. Ladite décision est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 21 septembre 2005, lui notifié le 6 octobre 2005 ;

Considérant que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

1- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 11 octobre 2005 ;

- qu’il était titulaire d’un visa polonais valable jusqu’au 3 janvier 2006 ;

- qu’une demande de prise en charge en vertu du règlement /CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités polonaises dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 3 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision précitée du 11 octobre 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que la mesure litigieuse ne serait pas justifiée, alors qu’en date du 11 octobre 2005 il a déposé une demande d’asile auprès des autorités luxembourgeoises et qu’il serait partant en droit d’être protégé par ces mêmes autorités. Il relève dans ce contexte qu’une mesure de rétention ne serait légalement admissible que dans l’hypothèse où l’éloignement ne peut pas être immédiatement mis à exécution en raison de circonstances de fait et qu’il faudrait dès lors qu’il existe dans le chef de la personne concernée un danger réel qu’elle essaye de se soustraire à la mesure d’éloignement projetée. Dans la mesure où un tel danger ne saurait être présumé, mais devrait être prouvé par l’autorité administrative qui l’invoque, le ministre serait resté en défaut d’invoquer le moindre élément de fait de nature à établir de façon suffisante l’existence d’un risque d’un danger de fuite dans son chef. Pour le surplus, il fait valoir que le fait pour lui de ne pas disposer de moyens d’existence personnels suffisants ne saurait justifier une mesure de rétention administrative à son encontre, étant donné qu’il revêt la qualité de demandeur d’asile. Tout en admettant pour le surplus que l’organisation d’un transfert vers la Pologne implique un minimum de démarches à effectuer, il reproche néanmoins au ministre d’être resté en défaut de rapporter la preuve d’avoir fait toutes les diligences nécessaires rendant la décision litigieuse inévitable.

A titre subsidiaire, il fait valoir que la mesure litigieuse serait disproportionnée, tant au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée qu’au regard de sa situation personnelle.

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement signale d’abord que l’intéressé avait été intercepté par la police grand-ducale en date du 9 août 2005 pour avoir participé à un vol, qu’il a toutefois été libéré le 9 septembre 2005, date à laquelle un premier arrêté de rétention administrative fut pris, et qu’après une prorogation de cet arrêté le 5 2octobre 2005, Monsieur … fut finalement remis en liberté afin de lui permettre de retourner volontairement dans son pays d’origine, étant entendu qu’un visa lui fut même accordé à cette fin par les autorités luxembourgeoises. Dans la mesure où l’intéressé, au lieu de retourner en Biélorussie, tel que promis, avait décidé de déposer une demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg le 11 octobre 2005, le ministre a pris un arrêté de mise à la disposition le même jour et, le lendemain, 12 octobre 2005 au motif qu’il n’aurait pas d’argent pour retourner, a sollicité la prise en charge de l’intéressé auprès des autorités polonaises, étant donné qu’il est titulaire d’un visa polonais valable jusqu’au 3 janvier 2006.

Il fait valoir que la décision litigieuse serait justifiée tant en fait qu’en droit, étant donné que ce serait visiblement afin d’échapper au retour vers son pays d’origine, voire pour obtenir de l’argent de la part des autorités luxembourgeoises, que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg, et qu’actuellement le ministère serait dans l’attente de la réponse des autorités polonaises par rapport à la demande de prise en charge leur adressée en vue de l’éloignement de l’intéressé vers le pays responsable de l’examen de sa demande d’asile.

Même s’il se dégage en l’espèce du libellé de la décision litigieuse que Monsieur … a introduit une demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg en date du 11 octobre 2005, il n’est pas moins constant à partir des faits retenus à la base de la même décision qu’il n’a pas soumis sa demande d’asile spontanément en se présentant aux autorités luxembourgeoises, mais que l’introduction de cette demande fut manifestement précédé d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour du 21 septembre 2005, notifié à Monsieur … le 6 octobre 2005.

Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa demande d’asile, le ministre pouvait valablement ordonner en date du 11 octobre 2005 une décision de placement à l’encontre de la personne concernée afin de mettre ses services en mesure d’entreprendre les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé vers le pays responsable de l’examen de sa demande d’asile.

En ce qui concerne la situation suite au dépôt de la demande d’asile, le placement a valablement pu être maintenu, en attendant la finalisation des formalités d’éloignement.

En l’absence de toute explication cohérente fournie en cause pour justifier la présence de l’intéressé au pays malgré l’arrêté de refus d’entrée et de séjour lui notifié le 6 octobre 2005, ainsi que le fait d’avoir attendu plus d’un mois à partir de la notification dudit arrêté pour introduire une demande d’asile, le moyen du demandeur fondé sur sa qualité de demandeur d’asile laisse dès lors de convaincre.

Quant au moyen du demandeur tendant à établir le caractère disproportionné de la décision litigieuse au regard de sa situation personnelle, force est de constater qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu 3égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

La conclusion ci-avant dégagée ne saurait être énervée par les affirmations du demandeur qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, étant donné que le seul fait d’avoir déposé une demande en obtention du statut de réfugié ne saurait constituer une preuve suffisante à cet égard.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par:

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20538
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20538 ?

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