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10/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19610C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 2005, 19610C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19610C Inscrit le 6 avril 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 NOVEMBRE 2005 Recours formé par la société civile immobilière XXX, XXX contre l’administration communale de la Ville de Luxembourg, la société anonyme XXX., XXX et le ministre de l’Intérieur en matière de droit d’ester en justice au nom d’une commune Appel (jugement entrepris du 28 février 2005, no 18521 du rôle)

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19610C Inscrit le 6 avril 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 NOVEMBRE 2005 Recours formé par la société civile immobilière XXX, XXX contre l’administration communale de la Ville de Luxembourg, la société anonyme XXX., XXX et le ministre de l’Intérieur en matière de droit d’ester en justice au nom d’une commune Appel (jugement entrepris du 28 février 2005, no 18521 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 6 avril 2005 par Maître Roland Assa, avocat à la Cour, au nom de la société civile immobilière XXX, ayant eu son siège social à L-XXX, actuellement à L-XXX, contre un jugement rendu par le tribunal administratif en matière d’ester en justice au nom d’une commune à la date du 28 février 2005, sous le numéro du rôle 18521, à la requête de l’actuelle appelante contre une décision du ministre de l’Intérieur du 15 décembre 2003 portant refus d’une autorisation d’ester en justice au nom de la Ville de Luxembourg sur base des dispositions de l’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ainsi que de la décision implicite de refus sur recours gracieux résultant du silence par lui gardé pendant plus de trois mois après son introduction.

Vu la signification de ladite requête d’appel par acte d’huissier Geoffrey Gallé, en remplacement de l’huissier Roland Funk, à la date du 6 avril 2005.

Vu la constitution d’avocat du 18 avril 2005 de Maître André Marc, avocat à la Cour, pour la société anonyme XXX..

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2005 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder.

Vu le mémoire en réponse déposé à la date du 3 mai 2005 au greffe de la Cour administrative par Maître Jean Medernach, avocat à la Cour, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre actuellement en fonctions, ayant ses bureaux à Luxembourg, Hôtel de Ville.

Vu la notification dudit mémoire en réponse par téléfax à la même date.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2005 par Maître Roland Assa au nom de la société civile immobilière XXX.

Vu la notification dudit mémoire en réplique par téléfax à la même date.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 1er juillet 2005 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la présidente en son rapport à l’audience publique du 20 octobre 2005, Maître Nathalie Prüm, en remplacement de Maître Roland Assa, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Jean Medernach, ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par jugement rendu à la date du 28 février 2005, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable et a débouté la société civile immobilière XXX, ayant eu son siège social à L-XXX, actuellement à L-XXX, de son recours en réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 15 décembre 2003 portant refus d’une autorisation d’ester en justice au nom de la Ville de Luxembourg sur base des dispositions de l’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ainsi que d’une décision implicite de refus sur recours gracieux résultant du silence par lui gardé pendant plus de trois mois après son introduction.

Sur base de l’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, la société civile immobilière XXX avait, en date du 28 octobre 2003, adressée au ministre de l’Intérieur une demande tendant à l’autorisation d’intenter une action en justice au nom et pour le compte de la Ville de Luxembourg en vue d’obtenir, toujours en nom et pour compte de cette dernière, la suppression de la construction d’antenne avec tous ses équipements et accessoires, et le rétablissement dans son pristin état de la surface sur laquelle cette construction est établie concernant les éléments émanant de la station GSM installée par la société XXX. sur un terrain appartenant à la Ville de Luxembourg et inscrit au cadastre de la commune de Luxembourg, ancienne commune de Hollerich, section XXX de XXX, au lieu-dit «XXX », sous le numéro cadastral XXX.

Par décision du 15 décembre 2003, le ministre de l’Intérieur a retenu que la demande d’autorisation ministérielle sollicitée par la société XXX ne pouvait être accordée pour cause d’irrecevabilité, cette société n’étant point domiciliée sur le territoire de la Ville de Luxembourg, vu qu’elle avait son siège social à XXX, nonobstant le fait qu’il ne s’agissait point dans son chef d’un habitant, personne physique, mais d’une personne morale ne pouvant être assimilée à un habitant au sens du prédit article 85.

Par courrier de son mandataire du 11 février 2004, la société XXX a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 15 décembre 2003 qui est resté plus de trois mois sans réponse.

Par requête déposée à la date du 9 août 2004, la société XXX a fait introduire devant le tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation de la décision ministérielle de refus du 15 décembre 2003 et de la décision implicite de refus suite à son recours gracieux.

La société civile immobilière XXX ayant eu, au moment de l’introduction de sa demande, son siège social à XXX, le tribunal administratif, par jugement rendu à la date du 28 février 2005, l’a déboutée de sa demande en réformation des décisions ministérielles au motif qu’elle n’a pas le qualificatif d’habitant de la commune concernée par sa demande. Il a déclaré la demande en annulation irrecevable.

Par acte déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 6 avril 2005 et signifié par acte d’huissier à la même date aux parties intimées, la société XXX a saisi la Cour d’une requête d’appel à l’encontre du jugement du 28 février 2005.

L’appelante conclut en premier lieu à l’illégalité externe de la décision implicite de refus, son siège social ayant été transféré avant le recours gracieux sur le territoire de la commune de Luxembourg, de sorte que le ministre, par son silence gardé plus de trois mois après l’introduction du recours gracieux, ne pouvait plus se référer à son moyen de refus du 15 décembre 2003. Elle fait valoir qu’une motivation erronée équivaut à un défaut de motivation.

En deuxième lieu, l’appelante soulève l’illégalité interne des décisions de refus.

Elle critique la décision tant du ministre que du tribunal disant que l’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ne serait applicable qu’aux personnes physiques, les personnes morales étant selon elle incluses dans la notion d’habitant. Décider le contraire reviendrait à violer le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui a pour conséquence que des restrictions au libre exercice des activités tel qu’il est garanti par l’article 9(6) et 26 de la Constitution, ne peuvent l’être que par le pouvoir législatif et que la fiction de la personnalité juridique qui est propre aux personnes morales leur accorde la capacité d’ester en justice.

Elle demande finalement une indemnité de procédure de l’ordre de 10.000 euros, sous réserve de toute somme même supérieure à arbitrer ex æquo et bono par la Cour.

Le délégué du Gouvernement a déposé à la date du 2 mai 2005 un mémoire en réponse dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Maître Jean Medernach a déposé le 3 mai 2005 un mémoire en réponse au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre actuellement en fonctions, ayant ses bureaux à Luxembourg, Hôtel de Ville.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg fait exposer que suite à l’arrêt de la Cour administrative du 23 janvier 2003 ayant annulé l’autorisation d’exploitation d’une antenne Gsm sur le terrain concerné loué à la Ville de Luxembourg, la société XXX a fait procéder à l’enlèvement des équipements nécessaires à l’exploitation, c.-à-d. des émetteurs couverts par l’autorisation d’exploitation, et que seul le pylône de la station Gsm est resté en place.

Elle conclut au rejet de l’acte d’appel en exposant que l’application de l’article 85 de la loi communale exige l’intervention d’une personne physique résidant sur le territoire de la commune.

Elle explique notamment qu’il faut entendre dans la loi communale le mot « habitant » par « citoyen », c.-à-d. toute personne physique à qui l’on reconnaît, par l’article 85, le « droit de cité » d’agir au nom de la commune dont il est membre et qu’une personne morale n’est pas membre de la commune.

Elle fait encore valoir que l’habitant ne dispose pas lui-même d’un intérêt personnel à agir, mais que la commune doit être recevable à agir et y avoir un intérêt, de sorte que le ministre peut refuser une telle autorisation lorsqu’un recours apparaît d’ores et déjà non fondé.

Maître Roland Assa a déposé pour la société civile immobilière XXX un mémoire en réplique à la date du 2 juin 2005.

La société civile immobilière XXX reproche à la partie Ville de Luxembourg de ne pas avoir répondu à son moyen relatif au défaut de motivation des décisions entreprises, critique l’interprétation par la même partie de la notion d’habitant et affirme que des conditions supplémentaires à l’article 85 auraient été invoquées.

En ordre subsidiaire, la partie appelante demande le renvoi devant la Cour constitutionnelle sur la question de savoir « si une différence de traitement entre les personnes physiques et personnes morales est en rapport avec l’objectif que s’est assigné le législateur de 1988, à savoir permettre aux justiciables de remédier à l’inaction des communes et, dans l’affirmative, si elle n’est pas disproportionnée ».

Le délégué du Gouvernement Guy Schleder a déposé à la date du 1er juillet 2005 un mémoire en duplique pour expliquer que seuls les habitants, personnes physiques, sont visés par la disposition de l’article 85.

L’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 dispose que : « Un ou plusieurs habitants peuvent, à défaut du collège échevinal, ester en justice au nom de la commune, moyennant l’autorisation du ministre de l’Intérieur, en offrant, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées. Le ministre de l’Intérieur est juge de la suffisance de la caution.

La commune ne peut transiger sur le procès sans l’intervention de celui-ci ou de ceux qui ont poursuivi l’action en son nom.

En cas de refus, un recours est ouvert auprès du tribunal administratif, statuant comme juge du fond ».

Le reproche d’un défaut de motivation de la décision implicite de rejet suite au recours gracieux résultant du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois et impliquant nécessairement l’adoption de la motivation de refus exposée dans la décision du 15 décembre 2003 est à rejeter, alors que le refus ministériel initial comporte deux moyens de refus, celui du siège de la requérante et celui de la qualité de cette dernière, de sorte qu’après transfert du siège de la société sur le territoire de la Ville de Luxembourg entre les deux décisions concernées, le deuxième moyen de refus sur la qualité de la requérante motive à suffisance de droit la décision implicite de refus.

Le premier juge a signalé à bon droit le souci de réserver à une fiction juridique, telle que l’est une personne morale, une interprétation stricte.

La Cour confirme la recherche de la ratio legis et l’interprétation du premier juge de la notion d’habitant énoncé à l’article 85 précité.

Il est un fait que l’article 85 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 a été repris quasiment à l’identique de l’article 107 de l’ancienne loi communale du 24 février 1843, laquelle s’est inspirée étroitement à son tour de la loi communale belge du 30 mars 1836 prise en l’article 150.

Or, dans le commentaire de la loi communale par Robert Wilkin ( tome deuxième, no 699, éd.

1947), l’habitant visé est qualifié de « particulier » , dont « les héritiers ne peuvent reprendre l’instance, le droit d’ester en justice s’éteignant avec la personne de l’habitant qui l’a obtenu ».

Il résulte de cette terminologie qui est sans équivoque que seules les personnes physiques sont visées par l’article 85.

La partie Ville de Luxembourg relève dans cet ordre d’idées à bon droit que la capacité juridique d’une personne morale est sans lien avec l’article 85 de la loi communale et qu’en tout état de cause les personnes morales n’ont pas de droits politiques.

Elles ne sont donc pas considérées sur le plan communal comme des « habitants » d’une commune avec toutes les conséquences juridiques et politiques que cette notion comporte.

Il résulte des considérations exposées plus haut qu’aucune différence de traitement inadmissible ne saurait être dégagée à ce niveau comme équivalant soit à une discrimination, soit à une illégalité devant la loi, concernant l’application de l’article 85 de la loi communale modifiée en question.

La non-reconnaissance au bénéfice des personnes morales d’un droit d’ester en justice en lieu et place d’une autorité communale par le juge administratif résulte de l’interprétation de la ratio legis et ne saurait être considérée comme entrave au libre exercice des activités d’une société ni comme une atteinte à la séparation des pouvoirs.

La demande subsidiaire de renvoi devant la Cour constitutionnelle est à écarter pour défaut de précision par rapport à l’article de la Constitution visé en présence d’une société civile immobilière.

L’acte d’appel n’est donc pas fondé et le jugement entrepris est à confirmer.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande en indemnité de procédure présentée par la partie appelante est à rejeter comme non fondée.

Par ces motifs la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, sur le rapport de la présidente, reçoit l’acte d’appel du 6 avril 2005, le dit non fondé et en déboute, dit qu’il n’y a lieu à renvoi devant la Cour constitutionnelle, partant, confirme le jugement du 28 février 2005, déboute la partie appelante de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19610C
Date de la décision : 10/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-10;19610c ?

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