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08/08/2005 | LUXEMBOURG | N°20257

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 août 2005, 20257


Tribunal administratif N° 20257 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2005 Audience publique du 8 août 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20257 du rôle, déposée le 8 août 2005 à 17.30 heures au greffe du tribunal administratif par Ma

ître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 20257 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2005 Audience publique du 8 août 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20257 du rôle, déposée le 8 août 2005 à 17.30 heures au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Novi-Pazar (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à Mitrovica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, née le …, et …, née le …, tous de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenus au centre d’accueil intérimaire au Findel, tendant à ordonner les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que les décisions de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacentes à deux décisions de placement prises le 5 août 2005 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à leur encontre, soient suspendues dans leurs effets et qu'ils ne puissent pas être renvoyés dans leur pays d'origine, la demande s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour et inscrit sous le numéro 20256 du rôle, dirigé contre les décisions en question ;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause ;

Vu la demande de rupture du délibéré sollicité le 8 août 2005 à 19.15 heures et la production de pièces complémentaires ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives en date du 8 août à 18.15 heures respectivement 19.45 heures.

Monsieur … … et son épouse …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ci-

après dénommé les « consorts … », après s’être vus définitivement déboutés de leur demande en obtention du statut de réfugié, obtinrent en date du 9 juillet 2004 de la part du ministre de la Justice une tolérance provisoire valable jusqu’au 15 janvier 2005, conformément à l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « suite à l’avis du contrôle médical qui a conclu que l’enfant … … est atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle nécessitant la poursuite du traitement au Luxembourg pendant une durée prévisible de 6 mois ».

Par deux arrêtés du 5 août 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration ordonna le placement des consorts … au centre d’accueil intérimaire au Findel en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Par requête déposée le 8 août 2005, inscrite sous le numéro 20256 du rôle, les époux … ont introduit un recours en annulation contre les décisions de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacentes aux prédites décisions de placement, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 20257 du rôle, ils sollicitent les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que les décisions de refoulement, sinon d'expulsion en question soient suspendues dans leurs effets et qu'il ne puissent pas être renvoyés dans leur pays d'origine.

Les époux … font exposer qu’en raison de l’état de santé de l’enfant …, ils ont pu bénéficier d’un statut de tolérance explicite jusqu’au 15 janvier 2005, suite à un premier avis du 29 juin 2004 du médecin-conseil du contrôle médical de la Sécurité sociale, ci-après dénommé le « médecin-conseil », estimant que ledit enfant serait atteint d’une maladie d’une gravité exceptionnelle nécessitant la poursuite du traitement au Luxembourg pour une durée prévisible de 6 mois. Par un deuxième avis du 14 février 2005, le médecin-conseil serait arrivé à la même conclusion, préconisant même la poursuite du traitement au Luxembourg pour une durée indéterminée. Les époux … estiment qu’il serait important que ledit traitement puisse être poursuivi au Luxembourg, le temps d’arriver à une stabilisation de la situation psychique de l’enfant …, d’autant plus qu’un rapport de confiance se serait crée entre ledit enfant et les médecins traitants et qu’ils ne pourraient probablement pas accéder aux soins appropriés dans leur pays d’origine. Sur ce, ils estiment que l'exécution des mesures de refoulement risquera de causer un préjudice grave et définitif dans le chef de l’enfant …, étant donné qu'un retour au Monténégro se traduirait par une interruption du suivi médical et une absence de possibilité pour l’enfant … de pouvoir bénéficier des soins indispensables à son état de santé, ce qui risquerait de provoquer une aggravation dudit état de santé.

Par ailleurs, les moyens invoqués à l'appui de leur recours au fond seraient suffisamment sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde. En particulier, les décisions attaquées seraient contraires à :

-

l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que l’enfant … ne pourrait pas bénéficier des soins nécessaires à son état de santé, ce qui serait extrêmement préjudiciable quant à son avenir ;

-

aux articles 3, 10 et 16 de la Convention relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989, approuvée au Grand-Duché de Luxembourg par une loi du 20 décembre 1993, au motif que l’intérêt supérieur dudit enfant ne serait pas respecté, et, -

aux articles 3 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, au motif que l’enfant …, en cas de retour dans son pays d’origine, ne serait pas suffisamment protégé.

Le délégué du gouvernement expose qu’il ressort de deux certificats médicaux des 15 juin respectivement 14 décembre 2004 dressés par les services audiophonologiques de la Direction de la Santé que l’enfant … souffre d’un retard significatif dans l’apprentissage de la parole, qu’elle suivrait depuis octobre 2004 une rééducation orthophonique et qu’une évolution positive serait à noter, même si ses capacités langagières seraient encore largement insuffisantes pour son âge, et que partant la maladie décrite ne serait pas incompatible avec un retour dans son pays d’origine, d’autant plus que le médecin-conseil dans un nouvel avis du 21 juillet 2005 aurait conclu que l’enfant … « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

Le mandataire des demandeurs, au vu de l’avis du médecin-conseil du 11 juillet 2005, rétorque que ledit médecin-conseil aurait rendu deux avis contradictoires sur base des mêmes pièces et que la conclusion contenue au dernier avis ne devrait pas prévaloir, étant donné qu’aucun certificat médical postérieur à celui du 14 décembre 2004 n’aurait été versé au dossier et eu égard aux conséquences médicales graves qu’un éventuel rapatriement pourrait avoir dans le chef de l’enfant ….

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Concernant le caractère sérieux des moyens soulevés par les demandeurs dans le cadre de leur recours au fond à l’encontre des décisions implicites de refoulement respectivement d’expulsion, il y a lieu de constater que tous les moyens invoqués ont trait à l’état de santé de l’enfant …. Par rapport à ces éléments, les faits avancés par les demandeurs ne paraissent pas, au stade nécessairement très sommaire de l’instruction du litige dans une extrême urgence, comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure de sauvegarde.

En effet, le dernier avis du conseil-médical du 21 juillet 2005, estimant que l’enfant … ne présente pas de pathologie médicale empêchant son rapatriement dans son pays d’origine n’est pas en contradiction avec les deux rapports circonstanciés de la Direction de la Santé des 15 juin et 14 décembre 2004, rapports qui décrivent certes un important retard dans le développement du langage et de la parole de l’enfant … et préconisent une rééducation orthophonique, mais qui ne se prononcent pas sur les éventuelles conséquences sur les capacités langagières dudit enfant en cas de retour de l’enfant au Monténégro. Pour le surplus, l’état de santé de l’enfant, tel que décrit par les deux rapports de la Direction de la Santé, ne paraît pas incompatible avec un rapatriement dudit enfant au Monténégro et la simple affirmation des demandeurs – non-étayée par une pièce récente - que leur enfant, en cas de retour au Monténégro, ne pourrait pas bénéficier des soins nécessaires et ne serait pas suffisamment protégé, ce qui serait contraire à son intérêt supérieur, n’est pas suffisante pour permettre au juge statuant au provisoire de retenir que le tribunal saisi du fond de l’affaire sera amené à annuler les décisions implicites déférées par rapport aux moyens légaux avancés.

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués à l'appui de la demande au fond par les demandeurs ne présentent pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier l’instauration d’une mesure de sauvegarde.

La loi exigeant qu’une mesure de sauvegarde à l’encontre d'une décision administrative ne soit prononcée qu'au cas où les conditions du sérieux des moyens et d'un risque de préjudice grave et définitif sont cumulativement remplies, il y a lieu de rejeter la demande, sans qu'il y ait lieu d'examiner par ailleurs l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs.

PAR CES MOTIFS le soussigné, juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des autres magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare la demande en institution d’une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 août 2005 à 20.30 heures par M.

Spielmann, juge du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Spielmann 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20257
Date de la décision : 08/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-08;20257 ?

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