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05/08/2005 | LUXEMBOURG | N°20232

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 août 2005, 20232


Numéro 20232 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20232 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LAN

G, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Numéro 20232 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20232 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kremenetz (Ukraine), et de son épouse, Madame …, née le … à Kremenetz, agissant tant en leur nom propre qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité ukrainienne, demeurant actuellement à L-

…, tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision implicite du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant rejet de leur demande en obtention d’une autorisation de séjour, sinon du statut de tolérance;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 août 2005.

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En date du 21 février 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971. Cette demande fut rejetée par une décision du ministre de la Justice du 15 décembre 2003, par lui confirmée par une décision du 6 février 2004 suite au recours gracieux formé par les époux …. Le recours contentieux introduit par ces derniers à l’encontre de ces décisions ministérielles fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 28 juin 2004 (n° 17708 du rôle), confirmé sur appel par un arrêt de la Cour administrative du 11 novembre 2004 (n° 18484C du rôle).

Sur base de faits considérés par eux comme des éléments nouveaux, les époux … introduisirent le 8 février 2005 une deuxième demande d’asile qui fut déclarée irrecevable par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », du 29 juin 2005, confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 3 août 2005.

Par courrier de leur mandataire du 16 février 2005, les époux … soumirent au ministre une demande en obtention d’une autorisation de séjour, sinon du statut de tolérance.

Par courrier du 25 juillet 2005, le ministre rappela aux époux … l’obligation pour eux de quitter le territoire suite au rejet définitif de leur demande d’asile et leur réitéra l’offre du Gouvernement de les faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière, tout en annonçant l’intention du Gouvernement de procéder à leur retour forcé en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté.

Par requête déposée le 2 août 2005 et inscrite sous le numéro 20231 du rôle, les époux …, agissant tant en leur nom propre qu’en nom de leurs enfants mineurs …, ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision implicite du ministre portant rejet de leur demande d’autorisation de séjour, sinon du statut de tolérance.

Par requête déposée le même jour et inscrite sous le numéro 20232 du rôle, ils ont introduit une demande tendant à obtenir une mesure de sauvegarde à l’encontre de la décision en question, à savoir principalement à se voir accorder une autorisation de séjour provisoire au Luxembourg en attendant que leur recours au fond soit vidé, subsidiairement à se voir accorder une tolérance en attendant que leur recours au fond soit vidé et plus subsidiairement à se voir tolérés sur le territoire national jusqu’à ce que leur recours au fond soit vidé.

Pour étayer le caractère sérieux de leurs moyens au fond, les demandeurs rappellent exhaustivement l’ensemble des persécutions dont ils auraient été victimes durant les années 2001 à 2002 en raison de l’activité politique de Monsieur … au sein du parti politique UNA/UNSO, plus particulièrement ses arrestation et interrogatoires avec brutalités physiques suite à la manifestation publique du 9 mars 2001, les menaces et discriminations subies par les demandeurs dans la suite, les tentatives d’enlèvement et de viol contre Madame … et le piège mis en place contre Monsieur … par la milice qui aurait placé à dessein des tracts anti-

gouvernementaux dans sa voiture. Ils se prévalent encore du fait que même encore durant l’année 2004, le service de la sécurité nationale aurait interrogé des personnes pour obtenir des informations sur leur lieu de résidence et ils estiment que la « révolution orange » en Ukraine aurait certes « permis de « faire le ménage » dans les rangs des plus hauts organes du pouvoir exécutif », mais que ce nettoyage de l’ensemble du système politique ne serait pas encore suffisamment avancé pour garantir le respect des droits fondamentaux des citoyens ukrainiens et pour assurer que tous les membres de la milice et des services secrets ne poursuivent plus les anciens dossiers relatifs à la poursuite d’anciens opposants politiques. Ils exposent qu’ils auraient reçu la confirmation de connaissances qu’un dossier serait encore ouvert contre Monsieur … au sein des services secrets et que les demandeurs pourraient rentrer en Ukraine sous condition de verser une somme de 15.000 € afin de s’affranchir des menaces pesant sur eux. Sur base de l’ensemble de ces éléments, les demandeurs s’emparent de l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, et de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, pour conclure qu’ils ne pourraient pas être renvoyés vers l’Ukraine sous peine de subir des traitements inhumains et d’être exposés à des risques pour leur vie et leur intégrité physique et que le ministre serait obligé de leur délivrer une autorisation de séjour du moins valable jusqu’à ce qu’il soit établi que les risques pesant sur eux aient cessé en Ukraine.

Le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, au motif qu’un rapatriement des époux … et de leurs enfants ne serait pas planifié de manière imminente.

Le représentant rétorque ensuite que l’exposé des faits de la requête introductive reprendrait tous les arguments à la base de la première demande d’asile des demandeurs, mais que la situation générale en Ukraine aurait connu un changement profond rendant une persécution continue des demandeurs improbable et qu’en réalité Monsieur … n’aurait eu qu’un rôle d’une importance réduite au sein des mouvements d’opposition. Il estime encore que la prétendue tentative de membres des services secrets d’extorquer la somme de 15.000 € des demandeurs relèverait d’une criminalité de droit commun plutôt que de représenter une persécution au sens de la Convention de Genève. Il en conclut que les éléments en cause ne dégageraient pas un risque de traitements inhumains ou dégradants ou un risque pour la vie des demandeurs et que les moyens au fond manqueraient partant du caractère sérieux requis pour justifier l’institution d’une mesure de sauvegarde.

Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter, étant donné qu’au vu de la situation légale précaire des demandeurs et du courrier ministériel du 25 juillet 2005 leur indiquant la probabilité d’une mesure de rapatriement forcé, les demandeurs ont un intérêt légitime à solliciter la prise d’une mesure provisoire de nature à les protéger contre l’exécution d’une telle mesure.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Concernant le caractère sérieux des moyens soulevés par les demandeurs dans le cadre de leur recours au fond à l’encontre de la décision implicite de rejet de leur demande d’une autorisation de séjour sinon d’une tolérance, il y a lieu de constater que tous les actes invoqués par les demandeurs et survenus sous l’ancien régime politique du président KOUTCHMA ont été définitivement considérés, suite à l’arrêt prévisé de la Cour administrative du 11 novembre 2004, comme ne constituant pas des persécutions au sens de la Convention de Genève. En outre, la nouvelle demande d’asile des demandeurs fondée sur des faits plus récents, relatifs plus particulièrement à des enquêtes des services secrets sur le lieu de résidence des demandeurs et à la tentative de leur extorquer des fonds pour pouvoir vivre en sécurité, a été déclarée irrecevable par deux décisions ministérielles des 29 juin et 3 août 2005. En outre, le pouvoir politique en Ukraine a été profondément bouleversé par l’arrivée au pouvoir du président YOUCHTCHENKO qui a entamé d’importantes réformes dans le sens d’une démocratisation du pays.

Par rapport à ces éléments, les faits avancés par les demandeurs relativement à la situation actuelle en Ukraine et au risque pour eux de subir encore à l’heure actuelle des traitements inhumains ou dégradants ou des atteintes à leur vie ou liberté ne paraissent pas, au stade actuel d’instruction de l’affaire, être suffisamment graves et circonstanciés pour permettre au juge statuant au provisoire de conclure qu’ils pourront amener avec une probabilité suffisante le juge du fond à conclure au non-respect de l’article 14 de la loi prévisée du 28 mars 1972 et de l’article 3 CEDH et partant à annuler la décision implicite de rejet déférée.

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués à l'appui de la demande au fond par les demandeurs ne présentent pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier l’instauration d’une mesure de sauvegarde.

La loi exigeant qu’une mesure de sauvegarde à l’encontre d'une décision administrative ne soit prononcée qu'au cas où les conditions du sérieux des moyens et d'un risque de préjudice grave et définitif sont cumulativement remplies, il y a lieu de rejeter la demande, sans qu'il y ait lieu d'examiner par ailleurs l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs.

PAR CES MOTIFS le soussigné premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des autres magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en institution d’une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 août 2005 par M. SCHROEDER, premier juge du tribunal administratif, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20232
Date de la décision : 05/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-05;20232 ?

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