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05/08/2005 | LUXEMBOURG | N°20228

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 août 2005, 20228


Numéro 20228 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20228 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe d

u tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord...

Numéro 20228 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20228 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, 2. Madame …, née le …, épouse du demandeur sub 1., demeurant à la même adresse, 3. Monsieur …, né le …, fils des requérants sub 1. et 2., demeurant à la même adresse, 4. Madame …, née le …, épouse du demandeur sub 3., demeurant à la même adresse, 5. Monsieur …, né le …, fils des demandeurs sub 1. et 2. et frère du demandeur sub 3., demeurant à L-…, 6. Madame …, née le …, épouse du demandeur sub. 5., demeurant à la même adresse, 7. Monsieur …, né le …, fils des demandeurs sub 5. et 6., petit-fils des demandeurs sub 1. et 2., neveu des demandeurs sub 3. et 4., demeurant à la même adresse, 8. les demandeurs sub 5. et 6. agissant en nom de leurs enfants mineurs …, demeurant à la même adresse, tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde par rapport à deux décisions implicites du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant rejet d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur des époux … et de leurs enfants;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 août 2005.

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En date du 23 août 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs …, tous préqualifiés, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971. Cette demande fut rejetée par une décision du ministre de la Justice du 4 novembre 2002, par lui confirmée par une décision du 13 décembre 2002 suite au recours gracieux formé par les époux …. Le recours contentieux introduit par ces derniers à l’encontre de ces décisions ministérielles fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 22 mai 2003 (n° 15849 du rôle), confirmé sur appel par un arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 2003 (n° 16602C du rôle).

Par courrier de leur mandataire du 19 juillet 2005, les époux … ainsi que les époux …, préqualifiés, parents de Monsieur …, firent introduire une demande en obtention d’une autorisation de séjour sur base du droit au regroupement familial.

Par courrier du 25 juillet 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », rappela aux époux … l’obligation pour eux de quitter le territoire suite au rejet définitif de leur demande d’asile et leur réitéra l’offre du Gouvernement de les faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière, tout en annonçant l’intention du Gouvernement de procéder à leur retour forcé en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté. Un courrier de teneur identique fut adressé le 26 juillet 2005 à Monsieur ….

Par requête déposée le 2 août 2005 et inscrite sous le numéro 20227 du rôle, les époux …, agissant tant en leur nom propre qu’au nom de leurs deux enfants mineurs …, les époux …, Monsieur …, ainsi que les époux …, préqualifiés, ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de deux décisions implicites du ministre des 25 et 26 juillet 2005 portant rejet de leur demande d’autorisation de séjour, ces décisions se dégageant concernant les époux … du courrier ministériel du 25 juillet 2005 et concernant Monsieur … du courrier ministériel du 26 juillet 2005.

Par requête déposée le même jour et inscrite sous le numéro 20228 du rôle, ils ont introduit une demande tendant à obtenir une mesure de sauvegarde à l’encontre des décisions en question, à savoir principalement à se voir accorder une autorisation de séjour provisoire au Luxembourg en attendant que leur recours au fond soit vidé, subsidiairement à se voir accorder une tolérance en attendant que leur recours au fond soit vidé et plus subsidiairement à se voir tolérés sur le territoire national jusqu’à ce que leur recours au fond soit vidé.

Les demandeurs exposent d’abord que les époux … vivraient au Luxembourg depuis 1994, que les époux … seraient au pays depuis peu de temps et que les époux … résideraient au pays depuis suffisamment de temps pour avoir pu s’intégrer parfaitement au pays, leurs trois enfants ayant notamment réussi à obtenir d’excellents résultats dans leurs écoles respectives. Ils font valoir que le centre de leur famille ne se situerait plus en Macédoine, mais au Luxembourg où habiterait la totalité de la famille KOCAN et les frères de Madame … et que leurs liens familiaux n’auraient jamais été rompus malgré leur émigration non concomitante mais successive vers le Luxembourg. Ils relèvent encore que Madame … souffrirait d’un état anxiodépressif chronique et qu’elle présenterait un risque suicidaire en cas de stress.

Quant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, les demandeurs font valoir qu’en cas de rapatriement avant que leur recours au fond ne soit vidé ils se retrouveraient dans un pays où ils n’auraient plus aucune attache et où ils seraient plongés dans un état de précarité très sérieux et qu’ils ne seraient pas en mesure, en cas d’annulation des décisions ministérielles litigieuses, de réunir les fonds nécessaires pour organiser leur retour vers le Luxembourg. Ils se prévalent également du risque de traitements inhumains et de persécutions en cas de retour en Macédoine, d’autant plus que Monsieur … risque d’avoir été entretemps condamné pour insoumission faute d’avoir répondu à l’appel à l’armée en raison de son séjour au Luxembourg. Les demandeurs renvoient finalement au risque d’un choc psychologique plus particulièrement dans le chef de Madame … et de ses enfants en cas de rapatriement vers la Macédoine et à l’atteinte au droit fondamental à l’éducation de ces derniers au vu de leurs résultats obtenus dans le système scolaire luxembourgeois et de leurs inscriptions pour l’année scolaire 2005-2006.

Quant au caractère sérieux de leurs moyens au fond, les demandeurs s’emparent de l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, et de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, pour conclure qu’ils ne pourraient pas être renvoyés vers la Macédoine sous peine de subir des traitements inhumains et d’être exposés à des risques pour leur vie et leur intégrité physique et que le ministre serait obligé de leur délivrer une autorisation de séjour du moins valable jusqu’à ce qu’il soit établi que les risques pesant sur eux aient cessé en Macédoine. Ils s’emparent encore des articles 3, 4 et 26 de la Convention relative aux droits de l’enfant pour soutenir que le ministre aurait méconnu ses obligations découlant de cette Convention en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur des enfants des époux … en ne s’assurant pas que ces derniers bénéficieraient en Macédoine d’un niveau d’éducation équivalent à celui dispensé au Luxembourg. Les demandeurs se prévalent encore de l’article 8 CEDH et des liens familiaux entre eux pour conclure au non-respect de cette disposition d’ordre international.

Le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, au motif qu’un rapatriement des époux … et de leurs enfants ne serait pas planifié de manière imminente.

Le délégué du gouvernement expose ensuite qu’une autorisation de séjour aurait déjà été refusée aux époux …, suite à une demande afférente du 20 septembre 2004, par décision ministérielle du 30 décembre 2004 non attaquée et partant coulée en force de chose décidée, de manière que la recevabilité du recours au fond serait douteuse.

Les demandeurs résistent à cette argumentation en faisant valoir que, par rapport à la décision du 30 décembre 2004, les parties demanderesses dans le cadre de la nouvelle demande du 19 juillet 2005 ne seraient pas les mêmes, les parents de Monsieur … s’y étant associés, et cette dernière demande comporterait des éléments nouveaux par rapport à celle du 20 septembre 2004 se trouvant en relation avec la vie familiale existant entre tous les demandeurs.

Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter, étant donné qu’au vu de la situation légale précaire des époux … et de leurs enfants et des courriers ministériels des 25 et 26 juillet 2005 leur indiquant la probabilité d’une mesure de rapatriement forcé, les demandeurs ont un intérêt légitime à solliciter la prise d’une mesure provisoire de nature à protéger les personnes prévisées contre l’exécution d’une telle mesure.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Concernant le caractère sérieux des moyens au fond, il y a lieu de se référer à l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif aux termes duquel « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ». Il découle de cette disposition légale qu’une décision implicite de refus découlant de cette fiction légale ne se cristallise qu’à l’expiration du délai de trois mois, de manière qu’un recours contentieux introduit avant la fin de ce délai ne peut être considéré comme étant dirigé valablement contre une décision administrative existante. Or, il découle des éléments en cause que la demande en délivrance d’une autorisation à la base de la prétendue décision implicite de rejet date du 19 juillet 2005, de manière que le recours au fond déposé le 2 août 2005 ne respecte pas ce délai légal de trois mois.

En outre, il y a lieu d’admettre que les courriers ministériels des 25 et 26 juillet 2005 paraissent d’abord rappeler aux demandeurs y visés l’obligation pour eux de quitter le territoire suite au rejet définitif de leur demande d’asile par arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 2003 et ensuite leur réitérer l’offre du Gouvernement de les faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière. Le dernier volet dudit courrier ministériel apparaît en substance comme l’annonce, par le Gouvernement, de son intention de procéder au retour forcé des demandeurs y visés en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté, sans pour autant véhiculer d’emblée à leur égard une décision d’éloignement ou d’expulsion telle que requise conformément à l’article 13 (1) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, en vue de leur éloignement du territoire (cf. également en ce sens trib. adm. 24 mars 2003, n° 15565 ; ord. prés. trib. adm. 3 août 2005, n° 20202). A fortiori, ces courriers ne peuvent être considérés comme véhiculant une décision de refus d’autorisation de séjour à l’égard des époux … et de leurs enfants.

Il en découle que, d’après l’état d’instruction actuel de l’affaire, l’existence d’une décision administrative attaquable paraît douteuse. Or, la compétence du juge administratif statuant au provisoire est conditionnée par l'existence d'un recours au fond dirigé contre une décision existante au sujet de laquelle une mesure provisoire est sollicitée (trib. adm. prés. 20 février 2001, n° 11940, Pas. adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 242).

Il y a lieu d’ajouter que, d’après les éléments soumis au stade actuel d’instruction de l’affaire, la décision ministérielle du 30 décembre 2004 a acquis force de chose décidée à défaut de voie de recours entamée à son encontre et qu’il ne paraît pas suffisamment probable que l’adjonction des parents de Monsieur … comme demandeurs dans le cadre de la nouvelle demande du 19 juillet 2005 et l’argumentation relative à l’existence d’une vie familiale avec ces derniers soient qualifiés d’éléments nouveaux de nature à donner lieu à un nouveau délai de recours en cas de décision négative, étant donné que le moyen de la vie familiale des époux … et de leurs enfants avec les autres membres de la famille résidant au pays avait déjà été soumis dans le cadre de la demande du 20 septembre 2004, de sorte que le recours au fond risque également d’être déclaré tardif.

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués à l'appui de la demande au fond par les demandeurs ne présentent pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier l’instauration d’une mesure de sauvegarde.

La loi exigeant qu’une mesure de sauvegarde à l’encontre d'une décision administrative ne soit prononcée qu'au cas où les conditions du sérieux des moyens et d'un risque de préjudice grave et définitif sont cumulativement remplies, il y a lieu de rejeter la demande, sans qu'il y ait lieu d'examiner par ailleurs l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs.

PAR CES MOTIFS le soussigné premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des autres magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en institution d’une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 août 2005 par M. SCHROEDER, premier juge du tribunal administratif, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20228
Date de la décision : 05/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-05;20228 ?

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