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05/08/2005 | LUXEMBOURG | N°20226

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 août 2005, 20226


Numéro 20226 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20226 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, n...

Numéro 20226 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2005 Audience publique du 5 août 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20226 du rôle, déposée le 2 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. à Serrekunda (Gambie), de nationalité gambienne, et de Madame …, née le … à Esch-sur-Alzette, de nationalité luxembourgeoise, agissant tant en son nom propre qu’en nom de ses deux enfants mineurs …, demeurant tous ensemble à L-…, tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision implicite du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant rejet d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur …;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG, en remplacement de Maître Frank WIES, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 août 2005.

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En date du 17 février 2003, Monsieur …, préqualifié, introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971. Cette demande fut rejetée par une décision du ministre de la Justice du 24 octobre 2003, par lui confirmée par une décision du 12 janvier 2004 suite au recours gracieux formé par Monsieur …. Le recours contentieux introduit par ce dernier à l’encontre de ces décisions ministérielles fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 28 juin 2004 (n° 17584 du rôle), confirmé sur appel par un arrêt de la Cour administrative du 4 janvier 2005 (n° 18482C du rôle).

Par courrier de son mandataire du 11 février 2005, Monsieur … fit introduire une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Par courrier du 26 juillet 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », rappela à Monsieur … l’obligation pour lui de quitter le territoire suite au rejet définitif de sa demande d’asile et lui réitéra l’offre du Gouvernement de le faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière, tout en annonçant l’intention du Gouvernement de procéder à son retour forcé en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté. Par courrier du 27 juillet 2005, Monsieur … et Madame Nathalie …, préqualifiée, prirent position par rapport à ce courrier ministériel du 25 juillet 2005 en renvoyant à la demande d’autorisation de séjour prévisée du 11 février 2005, à leur vie commune et à leur projet de se marier.

La demande en obtention d’une autorisation de séjour du 11 février 2005 étant restée sans réponse de la part du ministre, Monsieur … et Madame …, agissant tant en son nom propre qu’en nom de ses deux enfants mineurs …, ont fait introduire, par requête déposée le 2 août 2005 et inscrite sous le numéro 20225 du rôle, un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de cette demande se dégageant du silence gardé par ledit ministre y relativement.

Par requête déposée le même jour et inscrite sous le numéro 20226 du rôle, ils ont introduit une demande tendant à obtenir une mesure de sauvegarde à l’encontre de la décision en question, à savoir principalement à se voir accorder une autorisation de séjour provisoire au Luxembourg en attendant que leur recours au fond soit vidé, subsidiairement à se voir accorder une tolérance en attendant que leur recours au fond soit vidé et plus subsidiairement à se voir toléré sur le territoire national jusqu’à ce que leur recours au fond soit vidé.

Les demandeurs exposent d’abord qu’ils auraient fait connaissance au cours de l’année 2004, qu’ils cohabiteraient depuis novembre 2004 dans la maison appartenant à Madame … et qu’ils auraient décidé de se marier une fois que l’instance en cours de divorce par consentement mutuel entre Madame … et son époux aurait abouti. Ils font valoir que Monsieur … ferait beaucoup d’efforts d’intégration, notamment en suivant des cours de français, que deux sociétés seraient prêtes à l’engager en cas d’octroi d’un permis de travail et d’une autorisation de séjour, de manière qu’il pourrait alors se prévaloir de moyens d’existence personnels légaux, et que Madame … se serait engagée à prendre en charge tous les frais de voyage, de séjour et de soins de son futur époux, cet engagement étant même valable pour les frais de rapatriement au cas où le mariage n’avait pas lieu.

Quant au risque d’un préjudice grave et définitif, les demandeurs font valoir que le risque d’un rapatriement forcé de Monsieur … serait réel d’après les termes mêmes du courrier ministériel du 26 juillet 2005 et qu’il risquerait même de subir une mesure de rétention administrative en vue de son rapatriement, mesure qui constituerait un préjudice grave et définitif en cas d’annulation de la décision implicite de refus d’une autorisation de séjour. Ils soutiennent également qu’en cas d’un rapatriement et d’une annulation de cette décision implicite, ils se verraient contraints de débourser une forte somme d’argent pour payer le billet pour le retour de Monsieur … dans son pays d’origine et ensuite le billet pour le faire retourner au Luxembourg, alors qu’il ne serait pas certain s’ils disposent des fonds nécessaires pour financer le voyage de retour.

Concernant le caractère sérieux de leurs moyens au fond, les demandeurs s’emparent dans leur recours contre la décision ministérielle implicite de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, et affirment qu’une vie familiale entre eux-mêmes existerait de fait depuis plus d’un an et que Monsieur …, sans prétendre à remplacer le père des enfants de Madame …, leur apporterait « la stabilité et sécurité qui sont attachées à l’image masculine qui lui est propre » et aurait créé de liens très forts avec eux. Ils estiment que la notion de vie familiale au sens dudit article 8 ne devrait pas être interprétée trop restrictivement et viser également leur union. Ils ajoutent qu’il serait contraire au bien-être des enfants de leur imposer de s’installer en Gambie avec le futur époux de leur mère. Ils font encore reprocher en termes de plaidoirie que la lettre ministérielle du 26 juillet 2005 prouverait le défaut d’un examen individuel de leur demande en obtention d’une autorisation de séjour du 11 février 2005.

Le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, au motif qu’un rapatriement de Monsieur … ne serait pas planifié de manière imminente.

Le représentant expose ensuite que Monsieur … n’aurait pas eu le comportement irréprochable par lui allégué au vu des procès-verbaux dressés à son encontre pour non-

respect de la législation sur les stupéfiants. Il estime ensuite que les moyens soumis par les demandeurs à l’appui de leur recours au fond ne justifieraient pas l’institution d’une mesure de sauvegarde, au motif d’une part que, sur base des principes dégagés par la jurisprudence administrative luxembourgeoise, l’article 8 CEDH n’aurait pas été violé en l’espèce en présence d’une vie familiale non préexistante créée au pays sur base d’une situation précaire de Monsieur … et que, d’autre part, tous les motifs visés par l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère se trouveraient vérifiés en l’espèce pour justifier le refus d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur …. Quant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, le représentant étatique affirme que le préjudice en cas de rapatriement forcé et d’une annulation ultérieure du refus d’autorisation de séjour par les juridictions administratives serait susceptible de causer aux demandeurs un préjudice qui pourrait être d’une certaine gravité, mais qui ne serait certainement pas définitif.

Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter, étant donné qu’au vu de la situation légale précaire de Monsieur … et du courrier ministériel du 26 juillet 2005 lui indiquant la probabilité d’une mesure de rapatriement forcé, les demandeurs ont un intérêt légitime à solliciter la prise d’une mesure provisoire de nature à protéger Monsieur … contre l’exécution d’une telle mesure.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Concernant le caractère sérieux des moyens au fond et plus particulièrement l'existence d'une vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il se dégage de la jurisprudence récente du tribunal administratif, dont le juge statuant au provisoire ne saurait se départir nonobstant les critiques y relatives développées par les demandeurs, que dans le cadre du contrôle de proportionnalité à effectuer dans le contexte de l'ingérence dans la vie familiale, il importe de relever que la disposition en question ne confère pas directement aux étrangers un droit de séjour dans un pays précis. Lorsque des personnes nouent leur relation amoureuse sans ignorer la précarité de la situation d'un des partenaires, ils ne sauraient se plaindre de ce que, même en se mariant et en créant ainsi des liens familiaux nouveaux sur le territoire d'un Etat, ils ne sauraient en principe prétendre à séjourner sur le territoire de cet Etat sous le couvert de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour européenne des droits de l’homme n’accorde en effet qu’une faible importance aux événements de la vie d’immigrants qui se produisent durant une période où leur présence sur le territoire est contraire à la loi nationale, voire couverte par un statut de séjour précaire (trib. adm. 11 juillet 2005, n° 19445 du rôle, non encore publié).

Eu égard à ces développements, l'argument tiré par les demandeurs d'une ingérence injustifiée dans leur vie familiale ne semble pas sérieux en l'état actuel de l'instruction du dossier.

S’y ajoute que le délégué du gouvernement a relevé plusieurs motifs tirés de la loi prévisée du 28 mars 1972, à savoir plus particulièrement le défaut de moyens d’existence personnels suffisants et la susceptibilité de compromettre la sécurité et l’ordre publics, qui seraient, d’après les éléments soumis au stade actuel d’instruction du dossier, le cas échéant de nature à justifier une décision de refus d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur ….

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués à l'appui de la demande au fond par les demandeurs ne présentent pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier l’instauration d’une mesure de sauvegarde.

La loi exigeant qu’une mesure de sauvegarde à l’encontre d'une décision administrative ne soit prononcée qu'au cas où les conditions du sérieux des moyens et d'un risque de préjudice grave et définitif sont cumulativement remplies, il y a lieu de rejeter la demande, sans qu'il y ait lieu d'examiner par ailleurs l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs.

PAR CES MOTIFS le soussigné premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des autres magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en institution d’une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 août 2005 par M. SCHROEDER, premier juge du tribunal administratif, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20226
Date de la décision : 05/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-05;20226 ?

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