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08/07/2005 | LUXEMBOURG | N°20075

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juillet 2005, 20075


Tribunal administratif N° 20075 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2005 Audience publique du 8 juillet 2005

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … , né le 1e...

Tribunal administratif N° 20075 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2005 Audience publique du 8 juillet 2005

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … , né le 1er janvier 1985 à … (…), de nationalité …, actuellement détenu au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à ordonner les mesures nécessaires afin de sauvegarder ses intérêts dans le sens que la décision de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente à une décision de placement prise le 10 mai 2005, prorogée pour une durée d'un mois par décision du 8 juin 2005 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à son encontre, soit suspendue dans ses effets et qu'il ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine, la demande s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour et inscrit sous le numéro 20074 du rôle, dirigé contre la décision en question;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Maître Ardavan FATHOLAHZADEH ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 10 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration a ordonné le placement de Monsieur … … au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette mesure a été prorogée pour la durée d'un mois par décision du même ministre du 8 juin 2005.

Par requête déposée le 8 juillet 2005, inscrite sous le numéro 20074 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente aux prédites décisions de placement, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 20075 du rôle, il sollicite les mesures nécessaires afin de sauvegarder ses intérêts dans le sens que la décision de refoulement, sinon d'expulsion en question soit suspendue dans ses effets et qu'il ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine.

Il fait exposer qu'il a fui son pays d'origine en septembre 2004 et qu'il a présenté, le 27 septembre 2004, auprès du service des réfugiés du ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration une demande en obtention du statut de réfugié. Une décision ministérielle de refus du 22 novembre 2004 aurait été adressée par voie postale à son ancienne adresse à …, …, avenue … … … , alors même que le ministère de la Famille l'aurait logé, depuis le 4 novembre 2004, à …. Voulant renouveler son attestation de demandeur d'asile, il aurait été informé qu'en l'absence de recours exercé contre la décision de refus du 22 novembre 2004, sa demande serait à considérer comme définitivement rejetée. Il se serait alors rendu en Autriche pour y déposer une nouvelle demande d'asile, mais que les autorités autrichiennes l'auraient retransféré aux autorités luxembourgeoises, compétentes pour traiter sa demande d'asile. Il risquerait une expulsion imminente, étant donné que les autorités luxembourgeoises le considéreraient comme demandeur d'asile débouté.

Il estime que l'exécution de la mesure de refoulement lui causera un préjudice grave et définitif étant donné qu'en cas de retour dans son pays d'origine, sa vie serait mise en danger.

Par ailleurs, les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond seraient suffisamment sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde. En particulier, la décision de rejet de sa demande d'asile, faute de lui avoir été régulièrement notifiée, serait nulle et ne saurait justifier une mesure d'éloignement du territoire, étant donné qu'il serait toujours à considérer comme demandeur d'asile et qu'au vu que les délais de recours ne seraient pas expirés, il ne pourrait pas être rapatrié vers son pays d'origine. – Par ailleurs tant l'article 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés que l'article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'œuvre étrangère consacreraient le principe du non-

refoulement.

Le délégué du gouvernement fait valoir que la notification de la décision de refus d'octroi du statut de réfugié a été notifiée, le 26 novembre 2004 à la seule adresse connue de Monsieur … et si celui-ci avait entre-temps déménagé, il lui aurait appartenu, en raison de son devoir de collaboration avec les autorités, d'en avertir le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration. Il serait à considérer comme demandeur d'asile définitivement débouté et le recours introduit contre la décision de refus le 7 juillet 2005, soit plus de sept mois après la notification de celle-ci, serait à considérer comme tardif et partant non susceptible d'entraîner la suspension du droit de le refouler.

La requête est basée sur les articles 11, relatif au sursis à exécution, et 12, relatif aux mesures de sauvegarde, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2. d'un régime de protection temporaire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif contre les décisions de refus du statut de réfugié. Ce recours, qui a un effet suspensif dans ce sens que tant que le litige n'a pas été vidé par le tribunal, un éloignement du territoire du demandeur d'asile n'est pas permis, doit être introduit dans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision de refus.

En l'espèce, il se dégage des pièces versées que la notification a été opérée, le 26 novembre 2004, par lettre recommandée à la poste à l'adresse suivante: …, avenue … … …, L-… …. L'envoi n'a pas été délivré à son destinataire pour le motif suivant, marqué sur l'enveloppe de transmission: "absent". Il a été retourné à l'expéditeur le 26 décembre 2004 avec la mention: "non réclamé".

Le délégué du gouvernement entend en tirer la conclusion que Monsieur … avait comme adresse régulière celle marquée sur le courrier pré-indiqué, et que si ce dernier a entre-temps changé d'adresse, il lui aurait appartenu d'en informer le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration dont on ne saurait exiger qu'il se mette à la recherche des demandeurs d'asile ayant, de leur propre gré, changé d'adresse.

Il se dégage cependant du dossier administratif versé par le délégué du gouvernement que la déclaration d'arrivée émise le 10 novembre 2004 par le service des étrangers renseigne comme lieu de "résidence exacte" de Monsieur …, "…, … L-… …", le même document renseignant encore sous "Résidence au cours des dernières années", "… av. … … … L-… … (L)." Par ailleurs, le document en question porte un tampon d'entrée du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, service des réfugiés, du 19 novembre 2004.

Dans ces conditions, le moyen du demandeur consistant à soutenir que la décision de refus aurait dû lui être notifiée à son adresse à … et qu'il ignorait tout de la notification du 26 novembre 2004 à l'adresse à …, apparaît comme sérieux et le moyen de défense du gouvernement consistant à dire qu'il ignorait légitimement que Monsieur … résidait à …, ne présente pas ce caractère.

Il suit de ce qui précède que le moyen tiré de l'absence d'expiration du délai de recours contentieux contre la décision de refus de l'octroi du statut de réfugié pour défaut de notification régulière de la décision apparaît comme sérieux. Eu égard à l'introduction d'un recours contre la décision de refus, qui ne semble pas hors délai, et de l'effet suspensif que la loi attache à l'exercice de ce recours, la prétention de Monsieur … de ne pas être rapatrié tant que ce recours ne sera pas vidé, semble fondée.

Par ailleurs, l'exécution de la mesure d'éloignement du territoire avant que sa demande d'asile, qui est précisément basée sur le fait qu'il risque sa vie en cas de retour vers son pays d'origine, soit vidée, risque de lui causer un préjudice grave et définitif.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la demande en institution d'une mesure de sauvegarde est justifiée et qu'il y a lieu d'y faire droit.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en institution d'une mesure de sauvegarde justifiée, partant dit que Monsieur … … est autorisé à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en attendant que le recours contentieux exercé contre la décision ministérielle du 22 novembre 2004 lui refusant le statut de réfugié soit vidé par le tribunal administratif, statuant au fond, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 8 juillet 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20075
Date de la décision : 08/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-08;20075 ?

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