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14/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19130C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2005, 19130C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19130 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 14 avril 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 décembre 2004, n° 18394 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite s

ous le numéro 19130C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19130 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 14 avril 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 décembre 2004, n° 18394 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19130C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le XXX à Matoto-Conakry (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 6 décembre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 4 mai 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de l’appelant au greffe de la Cour administrative le 9 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 4 mai 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 6 décembre 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en constatant que l’actuel appelant, en sa qualité de personne originaire de la Ville de Conakry en Guinée, déclarant appartenir à l’ethnie des « Peuls », avoir été membre du parti politique « UNR » et craindre des persécutions dans son pays d’origine en raison de conflits ethniques avec l’ethnie des « Soussous » et des problèmes familiaux qu’il aurait eus avec une des épouses de son père qui l’aurait dénigré publiquement, n’a pas fait état de craintes justifiées de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’il a simplement fait état d’un différend d’ordre familial, qu’il déclare lui-même ne pas avoir fait l’objet de persécutions ou de menaces en raison de son activité politique qu’il déclare d’ailleurs avoir cessé en 1999 et que le conflit inter-ethnique dont il a fait état est resté à l’état de simple allégation, étant entendu pour le surplus que l’actuel appelant a lui-même admis que les relations entre les différentes ethnies en Guinée se sont améliorées depuis 2000.

En date du 7 janvier 2005, Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19130C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits qui leur ont été soumis, en rappelant que tant lui-même que sa mère auraient été des membres actifs et auraient assumé de hautes responsabilités au sein du parti politique « Union pour la Nouvelle République », qui serait un parti de l’opposition et qu’il aurait eu des « problèmes » à cause de son adhésion à ce parti. Il insiste encore sur le fait qu’il aurait été victime de conflits inter-ethniques en raison de son appartenance à l’ethnie des « Peuls » et qu’en cette qualité, il n’aurait pas eu la possibilité de se déplacer librement dans tous les quartiers de sa ville d’origine sans être agressé par des membres de l’ethnie des « Soussous », qui représenteraient la majorité de la population. Enfin, il rappelle que ce seraient également des problèmes familiaux qui l’empêcheraient de retourner dans son pays d’origine.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

En date du 9 février 2005, l’appelant a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative, dans lequel il prend notamment position par rapport à la situation politique régnant actuellement dans son pays d’origine. Quant à sa situation personnelle, il déclare notamment risquer des persécutions en raison de son homosexualité qui risquerait d’être considérée comme une infraction pénale susceptible d’être punie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 3 années. Il estime encore que le fait d’interdire l’homosexualité en Guinée constituerait une violation grave des dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, voire des articles 2 et 17 du Protocole additionnel se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de sorte que des persécutions en raison de son homosexualité devraient rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève et justifier la reconnaissance du statut de réfugié. Enfin, il conteste avoir pu bénéficier d’une possibilité de fuite interne, dans la mesure où la Guinée serait composée à 85 % de musulmans et que les lois du pays, inspirées des principes de la charia, s’appliqueraient sur l’ensemble du territoire.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant tout d’abord la crainte de l’appelant de subir des persécutions en raison de son adhésion au parti politique « Union pour la Nouvelle République » (UNR) et des « hautes responsabilités » qu’il y aurait exercées, il y a lieu de relever que la simple qualité de membre d’un mouvement ou parti politique d’opposition, en l’espèce le « UNR », ne saurait à elle seule suffire pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié et qu’en plus, l’appelant n’a pas fait état d’activités d’une importance telle qu’elles seraient de nature à l’exposer à des persécutions sérieuses de la part du Gouvernement actuellement en place dans son pays d’origine, voire de la part d’un autre parti politique. Il y a au contraire lieu de constater à la lecture du procès-verbal de l’audition de l’appelant en date du 15 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice qu’il a déclaré à cette occasion qu’il n’était plus membre dudit parti politique depuis l’année 2000 et que son adhésion et sa participation à des activités dudit parti politique n’étaient pas les raisons pour lesquelles il avait quitté son pays d’origine. Il échet surtout de constater à la lecture dudit rapport d’audition que bien qu’il avait déclaré à l’agent du ministère de la Justice avoir eu des problèmes en raison de son adhésion audit parti politique, il n’a pas indiqué, sur question afférente dudit agent, un quelconque problème précis qu’il aurait personnellement eu en raison de ses prétendues activités politiques. Il y a encore lieu d’ajouter que lors de son audition complémentaire par un agent du ministère de la Justice en date du 30 janvier 2004, il a précisé que c’était déjà en 1999 qu’il avait arrêté ses activités politiques.

Il suit de ce qui précède qu’une persécution en raison des activités ou opinions politiques ou en raison de l’adhésion à un parti politique, ne saurait être retenue dans le chef de l’appelant.

Quant aux problèmes que l’appelant aurait vécu en raison de sa prétendue homosexualité, il échet tout d’abord de constater une contradiction entre les déclarations faites par l’appelant lors de son audition précitée du 15 janvier 2004 et celles fournies à l’appui de son mémoire en réplique, dans la mesure où il ressort du procès-verbal de ladite audition qu’il contestait être homosexuel, alors que dans le cadre de son mémoire en réplique, il estime risquer des persécutions en raison de son homosexualité et qu’il risquerait même d’être condamné à une sanction pénale de ce fait. Au-delà de cette contradiction dans le récit de l’appelant, et à supposer vrai qu’il puisse, à tort ou à raison, être considéré comme ayant eu des comportements homosexuels dans son pays d’origine, l’appelant n’a pas établi qu’il risque de faire l’objet de poursuites pénales ou même d’une condamnation par une juridiction de son pays d’origine en raison de ce qu’il serait considéré par certaines personnes comme ayant eu des comportements homosexuels, d’autant plus qu’il conteste que de tels comportements aient eu lieu de sa part.

Il s’ensuit que ce motif de persécution invoqué par l’appelant n’est pas établi, de sorte qu’il ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne en outre le raisonnement tenu par l’appelant suivant lequel il devrait être reconnu comme réfugié au sens de la Convention de Genève du fait par son pays d’origine d’interdire l’homosexualité et de la punir de sanctions pénales, ce qui constituerait une violation grave des dispositions de la déclaration universelle des droits de l’homme et de deux articles du protocole additionnel se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, il échet de relever que même à supposer établi que la Guinée viole lesdits instruments juridiques internationaux du fait d’interdire sur son territoire l’homosexualité, un tel constat n’est pas de nature à autoriser une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié, étant donné que l’examen du statut de réfugié fait l’objet d’une appréciation au cas par cas à la lumière des normes juridiques existantes régissant les conditions d’octroi du droit d’asile, à savoir la Convention de Genève.

En ce qui concerne encore ses problèmes d’ordre familial dont il a fait état et notamment les problèmes qu’il aurait eus avec l’une des épouses de son père qu’il aurait frappé en raison des accusations d’homosexualité qu’elle aurait portées contre lui, il échet de constater que ces problèmes d’ordre familial ne sont pas de nature à rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève et que les poursuites judiciaires que l’appelant risque en raison de ces coups et blessures volontaires relèvent d’une procédure judiciaire faite dans le cadre d’une infraction de droit commun, insusceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Par ailleurs, en ce qui concerne les problèmes interethniques dont l’appelant fait état, il échet de constater qu’au-delà d’une description assez vague quant à la situation politique générale régnant actuellement en Guinée, l’appelant n’a pas fait état de persécutions personnelles ou de craintes de persécutions personnelles dont il pourrait faire l’objet en Guinée en raison de son appartenance à l’ethnie des « Peuls » qui regroupe environ 40% de la population de ce pays. Il admet d’ailleurs lui-même lors de son audition par un agent du ministère de la Justice que les relations entre les différentes ethnies en Guinée se sont améliorées depuis 2000.

Enfin, dans la mesure où l’appelant n’a pas su établir une crainte de persécution ou une persécution au sens de la Convention de Genève, il n’y a pas lieu d’analyser plus en avant s’il pouvait bénéficier d’une possibilité de fuite interne en Guinée.

Il suit de tout ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 6 décembre 2004.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que l’appelant a fait déposer une requête d’appel ainsi qu’un mémoire en réplique.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 7 janvier 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 6 décembre 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19130C
Date de la décision : 14/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-14;19130c ?

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