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14/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19129C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2005, 19129C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19129 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 14 avril 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 décembre 2004, n° 18424 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite s

ous le numéro 19129C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19129 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 14 avril 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 décembre 2004, n° 18424 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19129C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le XXX à Urhonigbe-Edo State (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 6 décembre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 20 avril 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18424 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 avril 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 6 décembre 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en constatant que l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant du Nigeria, déclarant avoir été obligé de quitter son pays d’origine en raison de ses craintes de subir des mauvais traitements de la part de villageois fétichistes du fait de son refus de participer à une procession organisée par le chef prêtre de son village d’origine qui l’aurait obligé à porter une statue sur laquelle les autres villageois auraient dû tirer à l’aide de fusils et de machettes, ce qui aurait pu entraîner sa mort en cas de tirs mal ciblés, et craignant ne pas pouvoir profiter d’une protection efficace de la part des autorités nigérianes, n’a pas démontré que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics au Nigeria ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant donné qu’il ne s’est même pas adressé auxdites autorités pour obtenir une protection, face à la prétendue menace pesant sur lui et due aux agissements du chef prêtre de son village d’origine et des villageois fétichistes. Pour le surplus, le tribunal a constaté que l’actuel appelant n’a pas établi se trouver dans l’impossibilité de pouvoir profiter d’une possibilité de fuite interne à l’intérieur de son pays d’origine, en rejetant comme insuffisante la simple affirmation de l’actuel appelant suivant laquelle il risquerait d’être retrouvé par les adeptes du festival sur l’intégralité du territoire du Nigeria.

En date du 7 janvier 2005, Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19129C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits leur soumis, en soutenant que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, il risquerait des persécutions au Nigeria du fait de son appartenance à une certaine classe sociale, ainsi qu’à une religion déterminée. Il fait dans ce contexte état de rites religieux et traditionnels qui seraient fortement ancrés dans les traditions des pays africains et contre lesquels le Gouvernement en place serait dans l’incapacité de lui fournir une protection appropriée. Il conteste par ailleurs avoir été en mesure de s’installer dans une autre région du Nigeria, puisqu’il aurait risqué d’y être retrouvé non seulement par des adeptes du festival en question, mais également par des membres de sa famille.

Enfin, il prend position par rapport à la situation politique instable qui régnerait actuellement au Nigeria et à la criminalité qui y pourrait être constatée qui en ferait l’un des pays les moins sûrs de l’Afrique de l’Ouest.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de constater que l’appelant invoque essentiellement sa crainte d’être poursuivi non seulement par des membres de sa famille mais également par des adeptes d’un festival traditionnel de type religieux. Or, les faits allégués par l’appelant, même à les supposer établis, n’émanent pas de l’Etat, mais de personnes privées et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-

Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, n°s 73-s).

Or, en l’espèce l’appelant ne démontre pas que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant donné qu’il ne s’est même pas adressé aux autorités en place pour obtenir une protection, face à la prétendue menace pesant sur lui et due aux agissements des participants à des rites religieux et traditionnels.

Pour le surplus, les risques allégués par l’appelant se limitent essentiellement à sa région d’origine et il reste en défaut d’établir à suffisance de droit qu’il ne peut pas trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie du Nigeria, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 6 décembre 2004 est à confirmer.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que l’appelant a fait déposer une requête d’appel.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 7 janvier 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 6 décembre 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19129C
Date de la décision : 14/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-14;19129c ?

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