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12/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19131C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 avril 2005, 19131C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19131 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 12 avril 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 8 décembre 2004, n° 18511 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numÃ

©ro 19131C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 par Maîtr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19131 C Inscrit le 7 janvier 2005

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Audience publique du 12 avril 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 8 décembre 2004, n° 18511 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19131C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à Média (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 8 décembre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 12 mai 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 7 juillet 2004, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004, … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 mai 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 7 juillet 2004, suite à un recours gracieux de l’actuel appelant.

Par jugement rendu le 8 décembre 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours principal en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté … et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en constatant que l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant algérien, déclarant craindre des persécutions de la part des autorités de son pays d’origine en sa qualité de « déserteur » de l’armée algérienne, n’a pas justifié avoir fait l’objet de persécutions et n’a pas établi pouvoir raisonnablement craindre des persécutions dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève. En effet, les premiers juges ont décidé que l’insoumission de l’actuel appelant, qui constitue le seul véritable motif de persécution concrètement invoqué dans le cadre de son recours contentieux, ne saurait fonder à elle seule dans son chef une crainte justifiée d’être persécuté pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, d’autant plus que l’actuel appelant n’avait soumis au tribunal aucun élément de nature à établir qu’il a risqué ou qu’il risquerait une condamnation à une peine disproportionnée par rapport à la gravité de pareille infraction. Le tribunal a encore relevé, à partir des indications fournies par l’actuel appelant lors de son audition en date du 22 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice, que le départ de son pays d’origine était essentiellement motivé par des considérations d’ordre économique, par un sentiment d’inconfort et par un sentiment général d’insécurité, qui ne sauraient toutefois justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

En date du 7 janvier 2005, Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19131C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant estime que ce serait à tort que les premiers juges n’ont pas fait droit à sa demande tendant à se voir délivrer le statut de réfugié, en rappelant qu’il ne se serait pas présenté à l’armée afin d’y effectuer son service militaire, malgré des convocations lui adressées et qu’il risquerait de subir des « problèmes » en raison de ce refus. Il fait encore état de ce qu’il aurait fait l’objet de persécutions et de tortures, dans la mesure où il aurait été arrêté « sans aucune raison » par des agents de la gendarmerie lors d’une promenade au bord de la mer et détenu pendant une semaine, au motif que les gendarmes en question l’auraient considéré comme étant un terroriste. Il estime que dans la mesure où ces actes auraient été commis de la part des autorités publiques, il aurait été dans l’impossibilité de déposer une plainte et d’agir ainsi contre les traitements lui réservés. Il fait encore état de sa crainte de ne pas pouvoir jouir d’une sécurité suffisante en Algérie, en invoquant dans ce contexte le fait que des amis à lui auraient été tués par des terroristes. Enfin, il fait état d’une attaque dirigée contre un convoi militaire, pour tenter d’établir une situation d’insécurité régnant dans son pays.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant tout d’abord le motif invoqué de l’insoumission de l’appelant, il y a lieu de confirmer le tribunal dans son analyse suivant laquelle la simple insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Il y a encore lieu de relever que l’appelant n’a pas soumis aux juridictions administratives d’élément suivant lequel il risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, étant précisé dans ce contexte qu’il a simplement relevé craindre des « problèmes » en raison de son insoumission. Pour le surplus, l’appelant n’a pas établi à suffisance de droit qu’une condamnation serait susceptible d’être prononcée à son encontre du chef d’une éventuelle insoumission, voire qu’il risquerait une condamnation à une peine disproportionnée par rapport à la gravité de pareille infraction.

En ce qui concerne la prétendue persécution dont l’appelant aurait fait l’objet de la part d’autorités publiques du fait de son incarcération pendant une semaine en raison de la présomption desdites autorités qu’il soit un terroriste, il échet de constater que ce fait à lui seul, à le supposer établi, en l’absence d’un quelconque élément quant à des mauvais traitements qu’il aurait subis au cours de cette incarcération, ne saurait établir une persécution dirigée à son encontre au sens de la Convention de Genève, et il témoigne tout au plus de ce qu’il a fait l’objet, le cas échéant à tort, d’une instruction policière. Ce fait, en dehors de tout autre élément apporté par l’appelant, n’est pas de nature à établir à lui seul qu’il n’a pas été en mesure d’obtenir réparation adéquate du chef de cette incarcération à condition que celle-ci se soit révélée illégale ou inappropriée.

Quant au fait que des amis de l’appelant auraient été tués par des terroristes, il échet de relever que ces faits ne concernent pas l’appelant et à défaut par lui d’avoir établi, voire même allégué, un lien entre le traitement réservé à ses amis et sa situation personnelle, ces faits ne sauraient être retenus pour établir une éventuelle persécution dont il risquerait de faire l’objet dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève.

Enfin, comme l’appelant le relève d’ailleurs lui-même dans sa requête d’appel, celui-ci se plaint essentiellement de la situation d’insécurité régnant dans son pays d’origine, qui constitue, ensemble avec des motifs d’ordre économique, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, les véritables motifs qui l’ont amené à quitter son pays d’origine. Or, de telles raisons ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il suit de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu refuser la demande d’asile lui soumise par l’appelant et que le tribunal administratif a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles critiquées, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 8 décembre 2004 est à confirmer.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, l’arrêt est rendu contradictoirement à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience des plaidoiries.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 7 janvier 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 8 décembre 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19131C
Date de la décision : 12/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-12;19131c ?

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