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29/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19545

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2005, 19545


Tribunal administratif N° 19545 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 29 mars 2005

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Requêtes en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Madame … … et par Monsieur … … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 24 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … … , de nationalité …, d...

Tribunal administratif N° 19545 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 29 mars 2005

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Requêtes en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Madame … … et par Monsieur … … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 24 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … … , de nationalité …, demeurant à … … … … , , … … … , et de Monsieur … … , ressortissant de … …, actuellement détenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à ordonner les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que l’ordre de quitter le territoire du 10 mars 2005, sinon la décision de refoulement, sinon d’expulsion, sous-jacente à une décision de placement prise le 10 mars 2005 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à l'encontre de Monsieur … soit suspendue dans ses effets et que celui-ci ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine, la demande s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour et inscrit sous le numéro 19544 du rôle, dirigé contre l’ordre de quitter le territoire pris le 10 mars 2005 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, sinon les décisions de refoulement voire d’expulsion prévisées ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Maître Guy THOMAS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêtés séparés du 10 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration a refusé l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur … … , d’une part, et a ordonné son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, d’autre part.

2 Par requête déposée le 24 mars 2005, inscrite sous le numéro 19544 du rôle, Madame … … , de nationalité …, déclarant vivre en communauté de vie avec Monsieur … depuis deux ans et être sur le point de se marier avec lui, ainsi que Monsieur … lui-même ont introduit, entre autres, un recours en réformation sinon en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, respectivement la décision de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente à la prédite décision de placement, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 19545 du rôle, ils sollicitent les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que la décision de refoulement, sinon d'expulsion en question soit suspendue dans ses effets et que Monsieur … ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine.

Ils font exposer que Madame … « vivrait » depuis pratiquement deux ans avec Monsieur …, qu'ils ont entrepris les démarches nécessaires en vue de la célébration de leur mariage, les publications légalement prévues ayant été faites et la date du mariage civil ayant été fixée dans un premier temps au 5 février 2005, la célébration du mariage ayant cependant été annulée par la suite en raison de formalités administratives que l’administration communale aurait prétendument omises.

Ils estiment que la mesure de rapatriement prévue leur causera un préjudice grave et irréparable, étant donné qu'elle entraînerait pour le couple une séparation et une mise en cause, ne se justifiant pas par aucune mesure impérieuse, contraire à toute conduite raisonnable de l'autorité administrative et partant disproportionnée.

Ils sont par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui de leur recours au fond sont sérieux, étant donné que la décision attaquée serait contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui protège la vie familiale, d’une part, aux articles 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme protégeant le droit de se marier ensemble le principe de proportionnalité de la décision prise, d’autre part.

La requête est basée sur les articles 11, relatives au sursis à exécution, et 12, relatif aux mesures de sauvegarde, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

S'il est vrai qu'une décision administrative négative ne modifiant pas une situation de droit ou de fait antérieure – comme celle qui refuse l'entrée et le séjour à un ressortissant étranger – n'est pas de nature à donner lieu à une décision juridictionnelle de sursis à exécution, une telle décision peut cependant donner lieu à une mesure de sauvegarde.

Les demandeurs sollicitant expressément que Monsieur … soit admis à continuer à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond, il y a lieu d’examiner leur demande au regard de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999.

En vertu de cette disposition légale, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de 3 la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Pour s'opposer à la demande, le délégué du gouvernement : - expose que Monsieur … séjourne de manière illégale au Grand-Duché de Luxembourg depuis le refus définitif de sa demande d’asile par jugement du 22 octobre 2003 ; - soutient que le refoulement de Monsieur … ne causerait pas aux demandeurs un préjudice grave et définitif, spécialement le caractère définitif n’étant pas établi en cause ; - conteste l'existence d’une vie familiale effective dans le chef des demandeurs et la mise en cause de leur droit de se marier, soutenant ainsi en substance que les moyens à l’appui du recours au fond ne seraient pas sérieux.

Concernant l'existence d'une vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, s'il est vrai qu'il se dégage de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que les liens du mariage ne sont pas indispensables pour caractériser la vie familiale d'un couple, une certaine stabilité des liens extra-conjugaux est cependant exigée. D'autres facteurs entrant en compte sont l'intention de se marier et de concevoir un enfant (F. SUDRE et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, PUF 2003, p. 375).

En l'espèce, en l'état actuel de l'instruction du dossier, il semble se dégager de différentes attestations versées par les demandeurs que ceux-ci se fréquentent (terme employé par le frère de Monsieur … dans l’attestation testimoniale qu’il a émise) depuis un an et demi et qu’ils projettent de se marier et de fonder une famille, l’existence d’une communauté de vie ne ressort cependant pas clairement des attestations testimoniales. S’y ajoute que même s’il fallait retenir que les demandeurs avaient vécu ensemble pendant tout ou partie de cette période, pareil état des choses resterait encore insuffisant pour faire admettre, au stade actuel de l'instruction du dossier, la caractérisation de l'effectivité d'une vie familiale.

De plus, si l'exécution de la mesure faisant l'objet du recours au fond entraîne, en fait, l'impossibilité pour Monsieur … de se marier au Luxembourg tant qu'il n'y sera pas revenu, la mesure ne met cependant pas en cause son droit de se marier, le cas échéant dans son pays d'origine, la même chose valant pour Madame … qui ne se voit pas empêchée de se marier, et qui pourra se marier avec Monsieur … ailleurs qu'au Luxembourg. Le fait que le projet de mariage se voit ainsi retardé ou soumis à des complications n’est pas de nature à faire admettre qu’il soit porté atteinte au droit de se marier proprement dit ni encore que le comportement des autorités administratives doive être considéré comme étant disproportionné, étant donné que le but poursuivi par l’administration paraît légitime et les moyens appropriés, les demandeurs n’ayant pas pu se méprendre sur la précarité de leur situation.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne paraissent pas assez sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde.

4 Par conséquent, la demande en institution d'une mesure de sauvegarde est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné, vice-président au tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et du magistrat plus ancien en rang, tous les deux légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare la demande non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique extraordinaire du 29 mars 2005 à 14.15 heures par M. Campill, en présence de M. Rassel, greffier.

Rassel Campill


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19545
Date de la décision : 29/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-29;19545 ?

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