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24/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19512

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2005, 19512


Tribunal administratif N° 19512 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … …, … contre une décision du bourgmestre de la commune d'… en présence de la société anonyme … … … … …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 21 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … …, …, demeurant à L-… …, …, … … … , tendan...

Tribunal administratif N° 19512 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … …, … contre une décision du bourgmestre de la commune d'… en présence de la société anonyme … … … … …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 21 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … …, …, demeurant à L-… …, …, … … … , tendant à prononcer le sursis à exécution par rapport à l'autorisation de construire une annexe à l'immeuble sis à L-… …, …, … … … (… …), délivrée le 11 juin 2004 par le bourgmestre de la commune d'… à la société anonyme … … … … …, avec siège social à L-… …, …, rue … … …, la prédite requête en sursis à exécution s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre la prédite autorisation, introduit le 3 février 2005 et inscrit sous le numéro 19248 du rôle;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 21 mars 2005, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l'administration communale d'…, établie en sa maison communale sise à L-… …, …, … … … , ainsi qu'à la société anonyme … … … … …, préqualifiée;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Maître Pascale HANSEN pour le demandeur et Maître Jean-Louis UNSEN, en remplacement de Maître Jean-Marie ERPELDING, avocat constitué pour l'administration communale d'… et la société anonyme … … … … …, entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 juin 2004, le bourgmestre de la commue d'… délivra à la société anonyme … … … … … l'autorisation de construire une annexe à l'immeuble sis à L-… …, …, … … … (… …).

Estimant que cette autorisation viole différentes dispositions légales et réglementaires, Monsieur … … a introduit, le 3 février 2005, un recours, inscrit sous le numéro 19248 du rôle, 2 tendant à son annulation, et le 21 mars 2005, il a déposé une requête tendant à en ordonner le sursis à l'exécution, en attendant la solution du litige au fond.

Il expose que l'exécution des autorisations litigieuses risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond seraient sérieux.

Il reproche plus particulièrement à la commune d'… les éléments suivants:

- violation de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en ce que la commune a omis d'informer le demandeur, en sa qualité de voisin et donc de partie tierce intéressée, de son intention de délivrer une autorisation de bâtir portant sur le terrain contigu, et cela dès avant la délivrance de l'autorisation en question;

- violation de l'article 84.2. du règlement sur les bâtisses de la commune d'… en ce que l'autorisation aurait été délivrée en l'absence de plans élaborés en bonne et due forme par un architecte;

- violation de l'article 7.5. du même règlement en ce que le recul latéral réglementaire de 3 mètres ne serait pas respecté;

- abus, sinon détournement de pouvoir, en ce que l'autorisation de construire litigieuse aurait été antidatée;

- erreur de fait, sinon erreur manifeste d'appréciation en ce que l'administration communale aurait mal apprécié l'envergure du projet et la gêne qu'elle constituera pour les voisins.

L'administration communale et la société anonyme … … … … … soulèvent l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que Monsieur …, en sa qualité de seul propriétaire de la maison contiguë sans habiter celle-ci, ne serait pas concrètement troublé par la construction projetée et ne justifierait donc pas d'un intérêt suffisamment caractérisé pour demander le sursis à exécution de l'autorisation de bâtir litigieuse.

Concernant l'intérêt à agir de Monsieur … en sa qualité de simple propriétaire d'une maison voisine mais ne l'habitant pas, fait au demeurant contesté par celui-ci, il y a lieu de souligner que la compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. S'il doit examiner et trancher les questions concernant la recevabilité de la demande dont il est personnellement saisi et que, saisi d'une demande de sursis à exécution, il doit apprécier l'intérêt à agir du demandeur par rapport aux mesures sollicitées et débouter celui-ci s'il apparaît qu'il ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisamment caractérisé, il doit en revanche s'abstenir de préjuger les éléments soumis à l'appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu'il doit s'abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond.

En l'espèce, il n'est pas certain que le tribunal saisi du fond du litige déniera à Monsieur …, en sa qualité de propriétaire de la maison contiguë, même en admettant qu'il ne 3 l'habite pas personnellement, l'intérêt à agir en vue du respect, par la commune, des dispositions légales et réglementaires concernant la construction projetée par la société anonyme … … … … …, de sorte qu'il n'appartient pas au soussigné de préjuger le fond en appréciant l'intérêt du demandeur à agir comme propriétaire du terrain contigu.

Concernant l'intérêt à solliciter une mesure provisoire, cet intérêt est vérifié au vu, notamment, du caractère non achevé de la construction litigieuse.

La demande étant par ailleurs régulière en la forme, elle est recevable.

Au fond, l'administration communale d'… et la société anonyme … … … … … contestent tout risque de préjudice grave et définitif dans le chef du demandeur, ainsi que le sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Le demandeur risque par ailleurs un préjudice grave et définitif en cas de poursuite des travaux jusqu'à l'intervention d'une décision définitive au fond, étant donné qu'en vertu d'une jurisprudence constante, récemment réaffirmée avec vigueur, les juridictions judiciaires refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite, au motif que le fait de construire sous le couvert d'une autorisation de construire qui se trouve annulée dans la suite ne constitue pas le maître de l'ouvrage en faute, que, par conséquent, il n'y a aucune responsabilité civile dans le chef de celui qui a construit et que, dans ces conditions, il ne saurait y avoir de réparation du préjudice, ni en nature moyennant démolition de l'ouvrage construit illégalement, ni d'ailleurs par équivalent (v. Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle; 8 juillet 2004, n° 27531 du rôle).

La circonstance que la construction est presque achevée ne doit pas porter à conséquence, la mesure étant utile tant qu'elle empêche le titulaire d'une autorisation susceptible d'être annulée dans la suite d'utiliser effectivement la construction, cette utilisation constituant pour le voisin une nuisance supplémentaire qu'il n'aura à tolérer que dans l'hypothèse où cette construction est légale. Admettre le contraire reviendrait à autoriser l'achèvement d'une construction qui se résume le cas échéant au gros-œuvre étant donné qu'une habitation achevée est moins laide et cause, esthétiquement du moins, moins de nuisances.

Il découle du caractère accessoire de la procédure du sursis à exécution que le juge appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens invoqués au fond ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés et accorder le sursis lorsqu'ils paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à entraîner l'annulation ou la réformation de la décision critiquée.

4 Concernant le moyen tiré de ce que les voisins, parmi lesquels figure Monsieur …, n'ont pas été mis en mesure de présenter leurs observations préalablement à la délivrance de l'autorisation de construire critiquée, il y a lieu de constater que les juridictions administratives ne prononcent pas systématiquement l'annulation d'autorisations délivrées en violation de l'obligation afférente, mais examinent si le voisin peut, dans le cadre du recours contentieux introduit dans la suite, faire utilement valoir les moyens tenant à la légalité de l'autorisation auquel cas ils examinent cette légalité sans prononcer d'annulation fondée sur l'inobservation des règles concernant la participation des voisins à la procédure d'élaboration de la décision attaquée. Lorsque le demandeur en sursis à exécution n'invoque – comme en l'espèce – que des moyens tirés de la légalité de l'autorisation délivrée, il peut raisonnablement être admis que le tribunal, statuant au fond, examinera ces moyens sans prononcer l'annulation de l'autorisation pour la seule inobservation des exigences tirées de l'obligation d'associer les voisins à la procédure de délivrance de l'autorisation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Concernant le moyen tiré de l'absence de plans régulièrement établis et signés par un architecte, les parties défenderesses entendent se prévaloir de l'article 5 de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d'architecte et d'ingénieur-conseil qui dispenserait du recours aux services d'un architecte dès lors que le coût de la construction ne dépasserait pas un montant déterminé par règlement grand-ducal, en l'occurrence le règlement grand-ducal du 19 février 1990 déterminant le montant des travaux de construction non soumis au recours obligatoire d'un architecte ou d'un ingénieur-conseil en constructions, qui fixe en son article 1er le montant en question à 250.000,- francs (soit 6.197,34 €), indice 100, ce qui donnerait à l'heure actuelle, avec un indice de 670,70, le montant de 41.565,56 €, largement supérieur au coût de la construction autorisée.

Il se dégage cependant de l'article 5, alinéa 1er de la loi précitée du 13 décembre 1989 que la dispense du recours aux services d'un architecte ou d'un ingénieur de construction ne s'applique qu'aux personnes physiques. Or la bénéficiaire de l'autorisation de construire, la société anonyme … … … … …, est une personne morale.

De plus, l'article 5, alinéa 3 de la loi en question dispose que les dispenses afférentes ne s'appliquent pas aux cas où des dispositions légales ou des règlements communaux prescrivent le recours obligatoire à un architecte ou à un ingénieur de construction. Or, l'article 84.4. du règlement sur les bâtisses de la commune d'… prévoit, sans exception, que "pour garantir les buts poursuivis par le présent règlement, tous les plans de construction, d'aménagement et de morcellement doivent être établis et signés par une personne exerçant la profession d'architecte indépendant au Grand-Duché inscrit à l'ordre des architectes et ingénieurs. Le requérant doit de plus fournir un certificat de l'Ordre des Architectes et des Ingénieurs Conseils (loi du 12/12/89)", de sorte qu'il semble, au stade actuel de l'instruction du litige, devant l'aveu des parties défenderesses de l'inexistence de plans de construction établis par un architecte, que l'autorisation litigieuse viole le règlement sur les bâtisses de la commune d'….

De plus, devant l'absence de tels plans, il est impossible de vérifier, au stade actuel de la procédure, si la construction autorisée respecte le recul latéral de trois mètres exigé par l'article 7.5. du règlement sur les bâtisses.

5 Il suit des considérations qui précèdent que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond apparaissent comme suffisamment sérieux au sens de l'article 11 de la loi du 21 juin 1999, précité.

Les conditions légalement exigées pour le prononcé du sursis à exécution étant cumulativement remplies, il y a lieu de faire droit à la demande.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié, partant dit qu'il sera sursis à l'exécution de l'autorisation de construire délivrée le 11 juin 2004 par le bourgmestre de la commune d'… au profit de la société anonyme … … … … …, et portant sur la construction d'une annexe à l'immeuble sis à L-… …, …, … … … (… … ), en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond sur le mérite du recours introduit le 3 février 2005, inscrit sous le numéro 19248 du rôle, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 24 mars 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19512
Date de la décision : 24/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-24;19512 ?

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