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24/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19024C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2005, 19024C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19024 C Inscrit le 16 décembre 2004

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Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par les époux XXX XXX et XXX XXX et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 novembre 2004, n° 18117 du rôle)

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Vu la req

uête d’appel, inscrite sous le numéro 19024C du rôle et déposée au greffe de la Cour adm...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19024 C Inscrit le 16 décembre 2004

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Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par les époux XXX XXX et XXX XXX et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 novembre 2004, n° 18117 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19024C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 16 décembre 2004 par Maître Fränk Rollinger, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 15 janvier 1958 à XXX (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame XXX XXX, née le 3 août 1956 à XXX (Macédoine), accompagnés de leurs deux fils communs XXX, né le 1er juin 1988 à XXX (Macédoine), et XXX, né le 29 octobre 1984 à XXX, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-

XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 15 novembre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 16 février 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre en date du 26 avril 2004, suite à un recours gracieux des actuels appelants ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 2005 en nom et pour compte des consorts XXX-XXX ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Sébastien Rimlinger, en remplacement de Maître Fränk Rollinger, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2004, Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX, accompagnés de leurs deux fils communs XXX et XXX, ont fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 16 février 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre en date du 26 avril 2004, suite à un recours gracieux.

Par jugement rendu le 15 novembre 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié, en en déboutant les consorts XXX-

XXX.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que les actuels appelants, déclarant être d’origine albanaise, ayant acquis la nationalité macédonienne et avoir quitté leur pays d’origine en raison des menaces et discriminations dont ils auraient été victimes tant de la part de membres de la minorité albanaise de Macédoine et de l’UCK, qui les considéreraient comme étant des traîtres pour avoir opté pour la nationalité macédonienne, que de la part des Macédoniens eux-mêmes, et avoir peur des persécutions qui pourraient être dirigées contre Monsieur XXX XXX en raison de sa désertion de l’armée macédonienne, n’ont pas établi à suffisance que Monsieur XXX XXX risque à l’heure actuelle une condamnation du fait de sa désertion, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien le 7 mars 2002 et, en ce qui concerne les menaces et traitements discriminatoires dont ils déclarent avoir fait l’objet de la part de membres des communautés albanaise et macédonienne en raison de leur origine ethnique, le tribunal a retenu que les événements relatés ne revêtent pas une gravité suffisante pour valoir comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Le tribunal a encore constaté que les craintes exprimées par les actuels appelants s’analysent en substance en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution. Pour le surplus, les premiers juges ont relevé que les actuels appelants n’ont pas démontré que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place dans leur pays d’origine ne soient pas capables de leur assurer un niveau de protection suffisant.

En date du 16 décembre 2004, Maître Frank Rollinger, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte des consorts XXX-XXX, inscrite sous le numéro 19024C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, en exposant qu’ils risqueraient des représailles, dans leur pays d’origine, de la part non seulement des Albanais qui les considéreraient comme étant des traîtres pour avoir opté pour la nationalité macédonienne, mais également de la part des Macédoniens qui les considéreraient comme étant des Albanais. Ils font encore état de ce que Monsieur XXX XXX aurait déserté de l’armée macédonienne pour ne pas être obligé à aller au front et y combattre des Albanais. Ils prétendent à ce sujet qu’ils risqueraient à l’heure actuelle d’être recherchés par les autorités macédoniennes en raison de sa désertion et de subir la vengeance de la population macédonienne. Ils se réfèrent encore à la situation générale existant en Macédoine, telle qu’exposée par Amnesty International dans son rapport d’activité des années 2003 et 2004, en insistant plus particulièrement sur de violents affrontements inter-

ethniques qui y auraient lieu et sur les règlements de compte auxquels participeraient souvent les forces de police qui seraient en outre souvent impliquées dans des affaires de disparition de personnes et qui de ce fait ne pourraient ou ne voudraient pas protéger Monsieur XXX XXX ainsi que sa famille.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 janvier 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

En date du 10 février 2005, les appelants ont fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative. Ils y font référence à la situation politique régnant actuellement en Macédoine, en soutenant que les autorités publiques actuellement en place dans cet Etat ne disposeraient ni des capacités ni de la volonté de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de personnes telles que Monsieur XXX XXX ainsi que les membres de sa famille.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à bon droit que le tribunal a constaté que les éléments de persécution mis en avant par les appelants, à savoir un certain nombre de problèmes qu’ils auraient rencontrés dans la vie de tous les jours et des remarques désobligeantes dirigées contre eux, à les supposer établis, constituent certainement des pratiques condamnables, mais ne dénotent pas en l’espèce une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans leur chef au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine.

Il y a encore lieu de confirmer les juges de première instance dans leur analyse suivant laquelle les actes concrets de persécution mis en avant par les appelants émanent de deux groupes différents de la population, à savoir, d’un côté, les Macédoniens qui s’opposeraient à la communauté ethnique minoritaire des Albanais, à laquelle les appelants déclarent appartenir, et, d’un autre côté, les Albanais qui les considéreraient comme des traîtres du fait d’avoir adopté la nationalité macédonienne, de sorte qu’ils émanent non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ils ne sauraient dès lors être reconnus comme motifs d’octroi du statut de réfugié que si les personnes en cause, à savoir en l’espèce les appelants, ne bénéficient pas de la protection des autorités de leur pays d’origine pour l’une des 5 causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

S’y ajoute que, s’agissant d’actes émanant de certains groupements de la population, force est de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel. En effet, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf.

Jean-Yves Carlier : Qu’est ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113 nos 73-s).

Si les appelants tendent en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité dans leur pays d’origine, ils n’ont soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de leur fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place. En effet, il ne se dégage d’aucune pièce du dossier que les appelants auraient porté plainte auprès des autorités compétentes de la Macédoine en vue d’obtenir une protection adéquate. Il en résulte que les appelants restent en défaut d’établir l’incapacité des autorités en place de leur assurer une telle protection.

Enfin, concernant le motif invoqué de la désertion de la part de Monsieur XXX XXX, il y a encore lieu de confirmer le tribunal dans son analyse suivant laquelle la simple désertion n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Il y a lieu de préciser dans ce contexte que la paix s’est établie dans la région dont sont originaires les appelants et que ceux-ci n’ont pas soumis aux juridictions administratives d’élément suivant lequel Monsieur XXX XXX risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Pour le surplus, les appelants n’ont pas établi à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef d’une éventuelle désertion, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien en mars 2002.

Il suit de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu refuser la demande d’asile lui soumise par les appelants et que le tribunal administratif a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 15 novembre 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 16 décembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 15 novembre 2004 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19024C
Date de la décision : 24/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-24;19024c ?

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