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17/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19071C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2005, 19071C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19071 C Inscrit le 23 décembre 2004

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Audience publique du 17 mars 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 24 novembre 2004, n° 18106 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le nu

méro 19071C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 23 décembre 2004 par M...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19071 C Inscrit le 23 décembre 2004

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Audience publique du 17 mars 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 24 novembre 2004, n° 18106 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19071C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 23 décembre 2004 par Maître Anne-Marie Schmit, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 24 novembre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 1er mars 2004, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que contre une décision confirmative prise sur recours gracieux par le même ministre en date du 26 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Nadine Reiter, en remplacement de Maître Anne-Marie Schmit et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18106 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004, … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er mars 2004, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le même ministre en date du 26 avril 2004.

Par jugement rendu le 24 novembre 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté ….

Les premiers juges ont basé leur décision sur le constat que l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant albanais, déclarant risquer de subir des persécutions en raison de son engagement politique en faveur du parti démocratique et d’une association politique anti-communiste, a fait état d’un risque de persécution qui se confond en majeure partie avec la situation générale d’une grande partie de la population albanaise et qu’un fait concret mis en avant par lui pour illustrer la particularité de sa situation personnelle, en l’occurrence sa participation à une manifestation illégale en 1998, remonte trop loin dans le temps pour constituer à l’heure actuelle, compte tenu notamment des changements politiques intervenus en Albanie, une raison suffisante pouvant être retenue en vue de l’obtention du statut de réfugié. Les premiers juges ont encore retenu que leur conclusion ne saurait être énervée par le fait que des membres de la famille de l’actuel appelant ont fait l’objet d’un attentat à la bombe, étant donné qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que cet incident, plutôt que de s’analyser en un crime de droit commun, devrait être interprété comme une persécution au sens de la Convention de Genève.

Ils ont encore ajouté que l’actuel appelant restait en défaut d’établir que les autorités actuellement en place en Albanie seraient incapables de lui assurer un niveau de protection suffisant, d’autant plus qu’il n’aurait apparemment plus été inquiété de manière significative à titre personnel au cours des 4 dernières années de son séjour en Albanie. En conclusion, le tribunal a constaté que la décision de l’actuel appelant de s’installer au Luxembourg présente les caractères d’une simple décision d’émigrer pour fuir une situation généralement insatisfaisante plutôt qu’une fuite animée par une crainte de persécution concrète au sens de la Convention de Genève, en relevant dans ce contexte que l’actuel appelant a séjourné pendant près de deux mois en Italie sans pour autant avoir éprouvé le besoin de s’adresser aux autorités de cet Etat pour obtenir la reconnaissance du statut de réfugié.

En date du 23 décembre 2004, Maître Anne-Marie Schmit, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19071C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il rappelle dans ce contexte qu’en raison des fonctions actives qu’il aurait exercées au sein du parti politique démocratique albanais ainsi qu’au sein de l’association politique anti-communiste, il aurait été contraint de quitter son pays d’origine. Il souligne qu’il aurait été maltraité, brutalisé et blessé au poignet par la police à la suite de son arrestation ayant eu lieu au courant des mois de septembre-octobre 1998 en raison de sa participation à des manifestations dirigées contre le communisme. Il se réfère encore à des documents soumis aux premiers juges suivant lesquels il aurait subi, au cours de l’année 2003, des menaces mettant en danger sa vie, qui lui auraient été adressées de la part non seulement du Gouvernement albanais, mais également de la part de bandes armées.

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation politique régnant actuellement en Albanie, il expose que celle-ci demeurerait toujours très instable et que la corruption ainsi que la criminalité organisée y seraient toujours d’actualité. Quant à la situation politique générale, il se réfère à des rapports établis par Ammesty International, le Conseil de l’Europe ainsi que la Commission des Communautés européennes. Il signale encore, quant à la situation générale régnant actuellement en Albanie, que lors des élections locales ayant eu lieu en 2003, de graves carences auraient été constatées et que les normes internationales n’auraient pas été respectées. Quant à sa situation personnelle, il estime avoir fourni des explications cohérentes et plausibles quant à sa qualité de personne risquant des poursuites et des peines infligées en raison de ses opinions politiques, disproportionnées par rapport à la gravité réelle de tels faits, en sa qualité de membre d’une famille d’opposants qui aurait déjà souffert sous le régime communiste en raison de leurs opinions politiques. Il fait encore état de ce que des membres de sa famille, à savoir son frère et son oncle, auraient été victimes d’un attentat à la bombe en l’année 2000, qui aurait été commis par les « socialistes ». Il craint de ce fait subir le même sort que ces personnes. Quant à ses séjours successifs en Italie et en Grèce, il expose ne pas avoir souhaité y introduire une demande d’asile, alors qu’il aurait eu comme unique objectif de s’installer au Luxembourg, à la suite de conseils d’un ami.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris, en soulignant que l’Albanie se trouve, depuis des années, placée sous la surveillance de l’OCDE qui, dans le cadre d’un rapport dressé en février 2004, ferait état de ce que les réformes progresseraient en Albanie et que la protection des droits de l’homme s’y améliorerait, même si de nombreux problèmes subsisteraient.

Il ajoute encore que ce rapport ne ferait pas état d’actions de nature politico-

criminelles contre lesquelles le pouvoir en place refuserait d’intervenir ou serait dans l’impossibilité d’intervenir. Il souligne enfin que l’Albanie serait considérée par la Suisse comme étant un pays sûr.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne la situation des demandeurs d’asile en cas de retour dans leur pays d’origine, en l’occurrence l’Albanie, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait avant leur départ, respectivement à l’époque de leur départ.

En ce qui concerne cette situation actuelle, s’il est vrai que des tensions, notamment politiques, persistent en Albanie, il est cependant vrai aussi que depuis l’année 2002, la situation générale s’est stabilisée et la situation politique y a favorablement évolué, étant relevé plus particulièrement qu’il n’appert pas des éléments d’appréciation soumis en cause que les autorités qui sont actuellement au pouvoir en Albanie ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de ce pays ou tolèrent voire encouragent des agressions à l’encontre des membres du parti démocratique.

Ceci étant, et au-delà du caractère essentiellement vague des explications fournies par l’appelant au sujet des persécutions qu’il aurait vécues en Albanie, la Cour est amenée à retenir que les seuls faits concrets de persécution invoqués ne revêtent plus un caractère d’actualité faisant dégager qu’en cas de retour en Albanie, l’appelant serait placé dans une situation qu’il faudrait considérer comme intolérable. Ainsi, il n’est pas établi à suffisance de droit qu’à l’heure actuelle, l’appelant ou d’autres membres de sa famille seraient toujours particulièrement exposés à des actes de persécution en raison de leurs activités politiques, étant précisé que le rôle politique que déclare avoir assumé l’appelant au sein du parti démocratique ainsi qu’au sein d’une organisation anti-communiste n’a pas été un rôle de dirigeant spécialement exposé, mais essentiellement un rôle de simple participant à diverses manifestations organisées par ces mouvements dans le passé.

En conclusion, il y a lieu de retenir que c’est à bon droit que les premiers juges sont arrivés à la conclusion qu’il se dégage en substance du récit présenté par l’appelant que celui-ci a eu l’intention de fuir son pays d’origine pour échapper à une situation politique et économique généralement insatisfaisante, sans toutefois y pouvoir raisonnablement craindre faire personnellement l’objet de persécutions en raison de ses activités politiques.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 24 novembre 2004.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 23 décembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 24 novembre 2004 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19071C
Date de la décision : 17/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-17;19071c ?

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