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14/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19453

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2005, 19453


Tribunal administratif N° 19453 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2005 Audience publique du 14 mars 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par M. … … , …, contre l'administration communale de … et le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. … … , de nationalité …, demeurant à L...

Tribunal administratif N° 19453 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2005 Audience publique du 14 mars 2005

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par M. … … , …, contre l'administration communale de … et le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. … … , de nationalité …, demeurant à L-… …, …, route … … …, tendant à l'institution d'une mesure de sauvegarde dans le cadre d'un recours en réformation, sinon en annulation introduit le même jour, inscrit sous le numéro 19452 du rôle, dirigé contre une décision orale puis écrite de l'administration communale …, sinon du bourgmestre de cette commune, du 28 février 2005 portant refus d'apposer un visa sur l'attestation lui délivrée par le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration relative à sa demande en obtention de l'asile politique, ainsi que contre la décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 18 février 2005 de ne pas renouveler l'attestation par lui délivrée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 8 mars 2005, portant signification de la prédite requête en institution d'une mesure de sauvegarde à l'administration communale de …, établie à L-9501 …, 2, Grand'Rue;

Vu l'article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et la décision écrite de l'administration communale de … du 28 février 2005;

Ouï Maîtres François MOYSE et Danièle WAGNER, représentant l'administration communale de …, ainsi que Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … … , demandeur d'asile possédant une attestation d'enregistrement de sa demande d'asile afférente tenant lieu de pièce d'identité lui délivrée le 19 février 2004 par le ministre de la Justice conformément à la disposition de l'article 4, alinéa 3 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile;

2. d'un régime de protection temporaire, a sollicité, ainsi que l'exige la disposition en question, de la part de l'administration communale de …, commune qu'il a indiquée comme lieu de séjour, le visa de son attestation en vue de la prorogation de la durée de validité de celle-ci, ce à quoi cette administration s'est refusée. Depuis lors, le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration refuse de proroger son attestation, ce qui le met juridiquement dans l'impossibilité de bénéficier de l'aide sociale prévue par le règlement grand-ducal du 4 juillet 2002 concernant l'aide sociale aux demandeurs d'asile.

Par requête déposée le 7 mars 2005, inscrite sous le numéro 19452 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision de refus de visa de l'administration communale de …, ainsi que contre la décision subséquente du ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration de refuser de proroger la validité de l'attestation de l'enregistrement de sa demande d'asile, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 19453 du rôle, il a introduit une demande en institution d'une mesure de sauvegarde consistant principalement dans l'injonction à faire à l'administration communale de … d'apposer son visa sur leurs attestations constatant l'enregistrement de sa demande d'asile, et subsidiairement, dans la condamnation de l'Etat à proroger la validité de cette attestation nonobstant le refus de l'administration communale d'y apposer son visa.

Il estime que le refus lui opposé par l'administration communale de … et le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration risque de lui causer un préjudice grave et définitif en ce qu'il se voit privé de toute aide sociale, pourtant essentielle, et qu'il est en même temps dépourvu de pièce d'identité, entraînant qu'il se trouve en situation irrégulière sans en être responsable. – Il est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux, dans la mesure où il estime tirer les conséquences logiques des textes en vigueur, qui prévoient que chaque demandeur d'asile puisse bénéficier de l'aide sociale, de sorte qu'aucune administration ne pourrait, par son refus d'agir, bloquer le processus d'octroi de cette aide sociale.

L'administration communale de … fait expliquer que son bourgmestre a refusé d'apposer le visa prévu par l'article 4, alinéa 3 nouveau de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée, parce que la commune estime que le pourcentage de demandeurs d'asile résidant sur son territoire est trop élevé par rapport à d'autres communes du pays et que devant l'inertie des instances étatiques face au problème qu'elle doit confronter, il ne lui reste que cette mesure de refus de délivrer le visa prévu par la disposition précitée. Elle ajoute qu'en réalité, Monsieur … continue, en fait, à toucher l'aide sociale légalement prévue, de sorte qu'il ne subirait pas de préjudice du fait de l'attitude de la commune et qu'il n'aurait partant pas d'intérêt à agir.

La déléguée du gouvernement confirme que le demandeur continue à percevoir, en fait, l'aide sociale et rejoint les conclusions de la commune en ce qui concerne l'absence de préjudice et d'intérêt à agir.

Le demandeur rétorque qu'à son avis, il n'y a pas lieu d'étaler, dans la présente espèce, le problème politique du contrôle effectif du lieu de résidence des demandeurs d'asile, mais qu'il s'agit d'appliquer un texte légal, à savoir l'article 4 de la loi précitée du 3 avril 1996 obligeant l'administration communale de viser la pièce attestant l'enregistrement de la demande de tout demandeur d'asile qui se voit assigner comme lieu de résidence le territoire de la commune en question, sans conférer à cet égard à la commune un pouvoir d'appréciation.

En vertu de l'article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Il n'est pas douteux qu'en cas de refus, par l'autorité communale, d'aviser la pièce attestant l'enregistrement de la demande d'asile, le demandeur d'asile subit un préjudice grave et définitif en ce que tant qu'un tel visa fait défaut, il ne saurait bénéficier de l'aide sociale à laquelle il a légalement droit et qu'il ne saurait bénéficier d'une prorogation de la durée de validité de la pièce en question. Il est indifférent, à cet égard, de constater qu'il continue à recevoir cette aide en fait, dès lors qu'il s'agit d'une situation essentiellement précaire et qu'il a un intérêt et un droit à faire décider par un juge s'il a effectivement droit à une telle aide sociale.

Concernant le caractère sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond, il y a lieu d'examiner, bien que sommairement seulement, dans le cadre de la présente instance, le régime juridique du visa que l'administration communale du lieu de séjour d'un demandeur d'asile doit apposer sur l'attestation tenant lieu de pièce d'identité du demandeur d'asile.

Il se dégage de la jurisprudence du tribunal administratif, dont le juge du provisoire ne saurait se départir, que l'apposition du tampon communal sur l’attestation n’entraîne pas de droits autres que ceux limitativement énumérés par la loi et n'entraîne ni l'obligation, ni le pouvoir, dans le chef de l'administration communale, de contrôler s'il s'agit d'une résidence autorisée, voire effective du demandeur d'asile sur son territoire (v. trib. adm. 26 mai 2004, n° 17137 du rôle) – étant remarqué qu'en l'espèce, la question de la résidence effective de Monsieur … sur le territoire de la commune de … n'est pas litigieuse.

Les problèmes soulevés par la commune sont de nature politique plutôt que juridique et ne sauraient être résolus par le juge.

Il s'ensuit que les moyens présentés par le demandeur sont suffisamment sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde telle que sollicitée.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en institution d'une mesure de sauvegarde telle que sollicitée recevable et fondée, partant ordonne à l'administration communale de … d'apposer le visa tel que prévu par l'article 4, alinéa 3 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2. d'un régime de protection temporaire, sur l'attestation de demandeur d'asile délivrée à Monsieur … … , dans la périodicité nécessaire pour lui assurer le bénéfice de l'octroi de l'aide sociale prévue par des dispositions du règlement grand-ducal du 4 juillet 2002 concernant l'aide sociale aux demandeurs d'asile, jusqu'à ce que tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours introduit le 7 mars 2005 sous le numéro 19452 du rôle;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 14 mars 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19453
Date de la décision : 14/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-14;19453 ?

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