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10/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19446

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2005, 19446


Tribunal administratif N° 19446 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2005 Audience publique du 10 mars 2005

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Requêtes en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Madame … … et par Monsieur … … contre des décisions du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … … , de nationalité …, demeurant...

Tribunal administratif N° 19446 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2005 Audience publique du 10 mars 2005

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Requêtes en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Madame … … et par Monsieur … … contre des décisions du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … … , de nationalité …, demeurant à L-… …, …, rue … … , et de Monsieur … … , ressortissant de … … , actuellement détenu au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à ordonner les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que la décision de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente à une décision de placement prise le 12 février 2005 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à l'encontre de Monsieur … soit suspendue dans ses effets et que celui-ci ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine, la demande s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour et inscrit sous le numéro 19445 du rôle, dirigé contre la décision en question;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 12 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration a ordonné le placement de Monsieur … … au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par requête déposée le 7 mars 2005, inscrite sous le numéro 19445 du rôle, Madame … … , de nationalité …, déclarant être la fiancée de Monsieur … avec lequel elle serait sur le point de se marier, ainsi que Monsieur … lui-même ont introduit, entre autres, un recours en annulation contre la décision de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacente à la prédite décision de placement, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 19446 du 2 rôle, ils sollicitent les mesures nécessaires afin de sauvegarder leurs intérêts dans le sens que la décision de refoulement, sinon d'expulsion en question soit suspendue dans ses effets et que Monsieur … ne puisse pas être renvoyé dans son pays d'origine.

Ils font exposer que Madame … vit au Luxembourg depuis 2003 avec son compagnon de vie, Monsieur …, et qu'ils ont entrepris les démarches nécessaires en vue de la célébration de leur mariage, les publications légalement prévues ayant été faites et la date du mariage civil ayant été fixée au 21 décembre 2004. Sur intervention du ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration, se prévalant de ce que Monsieur … ne serait pas en possession d'une autorisation de séjour, la célébration du mariage aurait été annulée.

Ils estiment que la mesure de rapatriement prévue leur causera un préjudice grave et irréparable, étant donné qu'elle entraînerait pour le couple un déracinement lourd de conséquences, ne se justifiant pas par aucune autre mesure impérieuse, contraire à toute conduite raisonnable de l'autorité administrative et partant disproportionné. La mesure constituerait encore pour Madame … une entrave à la libre circulation dont elle bénéficie en tant que ressortissante communautaire.

Ils sont par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui de leur recours au fond sont sérieux, étant donné que la décision attaquée serait contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui protège la vie familiale, au principe de proportionnalité de la décision prise, à l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme protégeant le droit de se marier ainsi qu'aux dispositions du droit communautaire assurant la libre circulation des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.

La requête est basée sur les articles 11, relatives au sursis à exécution, et 12, relatif aux mesures de sauvegarde, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

S'il est vrai qu'une décision administrative négative ne modifiant pas une situation de droit ou de fait antérieure – comme celle qui refuse l'entrée et le séjour à un ressortissant étranger – n'est pas de nature à donner lieu à une décision juridictionnelle de sursis à exécution, une telle décision peut cependant donner lieu à une mesure de sauvegarde.

Comme il ressort clairement du dispositif de la requête introductive d'instance que Madame … et Monsieur … demandent que ce dernier puisse continuer à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond, il appert que la demande est à examiner au regard de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999.

En vertu de cette disposition légale, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux 3 mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Pour s'opposer à la demande, le délégué du gouvernement expose que Monsieur … séjourne de manière illégale au Grand-Duché de Luxembourg depuis une dizaine d'années déjà; qu'il a fait l'objet d'une condamnation pénale en 1996; qu'il a de nouveau été appréhendé en 2004 en train de commettre une infraction, de sorte que son comportement constitue un danger pour l'ordre public. Il conteste l'existence de toute vie familiale dans le chef des demandeurs, de même que tout projet réel de mariage.

Il estime qu'un refoulement ou une expulsion ne causeront pas à Monsieur … ou à Madame … un préjudice grave et définitif, aucune "cellule familiale" n'étant détruite en l'absence d'une vie familiale effective. – Il estime par ailleurs que les différents moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne sont pas sérieux.

Concernant l'existence d'une vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, s'il est vrai qu'il se dégage de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que les liens du mariage ne sont pas indispensables pour caractériser la vie familiale d'un couple, une certaine stabilité des liens extra-conjugaux est cependant exigée. D'autres facteurs entrant en compte sont l'intention de se marier et de concevoir un enfant (F. SUDRE et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, PUF 2003, p. 375).

En l'espèce, en l'état actuel de l'instruction du dossier, il semble se dégager de différentes attestations versées par les demandeurs que ceux-ci vivent ensemble depuis un an environ. Selon deux attestations versées aux débats ils avaient projeté de se marier le 21 décembre 2004. De plus, les certificats médicaux prénuptiaux ainsi qu'une copie de la publication du projet de mariage à la maison communale de Luxembourg sont versés.

Ces différents éléments ne suffisent cependant pas, au stade actuel de l'instruction du dossier, à caractériser l'effectivité d'une vie familiale. Aucun détail permettant d'apprécier l'effectivité de la vie commune pendant n'est livré. De plus, aucune explication plausible concernant l'échec du projet de mariage le 21 décembre 2004 n'est fournie. Les auteurs des attestations se bornent à indiquer cette date comme ayant été celle de la célébration projetée du mariage sans livrer la moindre explication concernant les circonstances de l'événement, le cas échéant une invitation suivie d'une annulation, ce qui est surprenant surtout dans le chef de l'auteur de l'attestation qui affirme ayant été choisi comme témoin du mariage. Pendant la période en question, Monsieur … était libre de ses mouvements et s'il se prévaut d'un refus de l'administration communale de Luxembourg de célébrer le mariage, il aurait pu se ménager une quelconque preuve, ne serait-ce qu'un témoignage, étayant son affirmation.

La violation du principe de proportionnalité, alléguée de manière abstraite sans explication en quoi ce principe serait violé, ne met pas le juge en mesure de pouvoir mesurer le sérieux des moyens afférents.

4 De plus, si l'exécution de la mesure faisant l'objet du recours au fond entraîne, en fait, l'impossibilité pour Monsieur … de se marier au Luxembourg tant qu'il n'y sera pas revenu, la mesure ne met cependant pas en cause son droit de se marier, le cas échéant dans son pays d'origine. La même chose vaut pour Madame … qui ne se voit pas empêchée de se marier, et qui pourra se marier avec Monsieur … ailleurs qu'au Luxembourg.

Il ne se dégage pas, au stade actuel de l'instruction du litige, dans quelle mesure le droit communautaire, en particulier le droit des ressortissants communautaires et de leurs conjoints non communautaires de circuler librement et de travailler dans les autres Etats membres, serait violé, étant donné que Monsieur … n'est pas le conjoint marié de Madame … et que le droit de celle-ci de circuler librement et de travailler dans un Etat membre de son choix n'est pas mis en cause par la mesure critiquée.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne paraissent pas assez sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde.

Par ailleurs, le préjudice grave et définitif invoqué, tiré d'un "déracinement" du couple n'est pas établi à son tour, en l'absence de preuve, au stade actuel de la procédure, d'une vie familiale.

Par conséquent, la demande en institution d'une mesure de sauvegarde est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 10 mars 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19446
Date de la décision : 10/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-10;19446 ?

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