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25/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19333

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 février 2005, 19333


Tribunal administratif N° 19333 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 25 février 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur et Madame … … et … … , … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en présence de la société à responsabilité limitée …, Luxembourg, et de Monsieur … … et consorts, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 21 février

2005 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 19333 du rôle, par Maître Georges KRIEGER, avocat à l...

Tribunal administratif N° 19333 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 25 février 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur et Madame … … et … … , … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en présence de la société à responsabilité limitée …, Luxembourg, et de Monsieur … … et consorts, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 21 février 2005 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 19333 du rôle, par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … et de son épouse, Madame … … , les deux demeurant ensemble à L-… …, tendant à prononcer le sursis à exécution par rapport à l'avenant 01/05 à l'autorisation de construire n° 29/03 du 7 juillet 2003, émis le 28 janvier 2005 par le bourgmestre de la commune de … au profit de la société à responsabilité limitée …, avec siège à L-… …, …, rue de … et portant sur la construction d'une terrasse au premier étage à l'arrière de l'immeuble sis …, rue … … à … et sur le déplacement des garages ayant fait l'objet de l'autorisation de bâtir n° 29/03 du 7 juillet 2003, la prédite requête en sursis à exécution s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation, sinon en réformation dirigé contre la prédite autorisation, introduit le même jour et inscrit sous le numéro 19332 du rôle;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du lendemain, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l'administration communale de …, établie en sa maison communale sise à L-… …, … … .. … , ainsi qu'à la société à responsabilité limitée …, avec siège à L-… …, …, rue de …, représentée par son gérant actuellement en fonctions;

Vu l'exploit du même huissier, du 24 février 2005, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à Monsieur … …, à son épouse, Madame … …-…, à Monsieur … … et à son épouse, Madame … …-…, tous demeurant à L-… …, …, rue … … ;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle il a été procédé en date d'aujourd'hui;

2 Ouï Maîtres Georges KRIEGER et David YURTMAN pour les demandeurs, Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH pour l'administration communale de …, Maître Sabrina MARTIN, en remplacement de Maître Marco FRITSCH, pour la société à responsabilité limitée … en leurs plaidoiries respectives.

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Le 7 juillet 2003, le bourgmestre de la commue de … délivra à la société à responsabilité limitée … l'autorisation de construire un immeuble à deux appartements aux abords de la rue … … à … sur les terrains inscrits au cadastre de la commune de …, section B de …, sous les numéros 14/474, 13/1462 et 13/1258. Suivant "Avenant n° 01/05 à l'autorisation de bâtir n° 29/03 du 7 juillet 2003", le bourgmestre délivra encore à la société … une autorisation portant sur la construction d'une terrasse au premier étage à l'arrière de l'immeuble sis …, rue … … à … et sur le déplacement des garages ayant fait l'objet de l'autorisation de bâtir n° 29/03, étant encore précisé que les propriétaires du terrain devant recevoir l'implantation des garages sont Monsieur … … et son épouse, Madame … …-… ainsi que Monsieur … … et son épouse, Madame …-…, ci-après dénommés "les consorts …." Estimant que cette autorisation viole différentes dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de …, Monsieur … … et son épouse, Madame … … ont introduit, le 21 février 2005 un recours, inscrit sous le numéro 19332 du rôle, tendant à son annulation, sinon à sa réformation, et le même jour, ils ont déposé une requête tendant à en ordonner le sursis à l'exécution, en attendant la solution du litige au fond.

Ils font exposer que l'exécution de l'autorisation litigieuse risque de leur causer un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond sont sérieux.

Ils reprochent plus particulièrement à la commune de … les éléments suivants:

- l'acte qualifié d'avenant constituerait une nouvelle décision administrative individuelle, plus précisément une nouvelle autorisation de construire qui devrait, à ce titre, respecter toutes les dispositions du règlement sur les bâtisses relatives à la procédure à suivre lors du dépôt d'une demande en autorisation de bâtir. Or, l'article 59 dudit règlement exigerait la jonction de plans détaillés et une description exacte du mode de construction et de la destination des bâtiments, ces pièces faisant défaut en l'espèce;

- l'implantation des constructions violerait l'article 2.3.2. du règlement sur les bâtisses.

En effet, les garages projetés ne respecteraient aucun recul sur les limites. Il serait vrai que l'article 2.3.2, par. 3 prévoit qu'aucun recul sur les limites n'est imposé pour les garages individuels à usage exclusif des habitants de la propriété, à condition que ceux-ci ne dépassent pas une hauteur de 3 mètres au-dessus du sol naturel. Or, d'une part, les garages litigieux seraient implantés sur une parcelle différente, de sorte qu'exception ne saurait jouer et, d'autre part, aucune pièce ne permettrait d'induire que la hauteur maximale de 3 mètres serait respectée;

- à défaut de dépôt des pièces réglementaires, le juge ne pourrait exercer son contrôle de légalité de l'autorisation litigieuse.

3 Il est vrai que les consorts … ne figurent à l'instance que depuis la visite des lieux qui a eu lieu en date d'aujourd'hui, qu'ils ne sont pas représentés par un avocat et qu'ils n'ont partant pas pu exposer leur point de vue lors de l'audience publique en date d'hier. D'autre part cependant, au vu des pièces versées, ils ne sont pas les bénéficiaires de l'autorisation de bâtir litigieuse qui a été délivrée à la société …, de sorte qu'il ne s'est avéré que des explications de l'avocat de la société … à l'audience qu'ils sont propriétaires de la parcelle devant recevoir l'implantation des garages litigieux depuis le début de l'année 2004 déjà, et partant les réels bénéficiaires de l'autorisation litigieuse. Ils ont alors été mis en intervention, à la demande du tribunal, pour pouvoir faire valoir leur point de vue lors de la visite des lieux. Lors de celle-ci, Messieurs … … et … … ainsi que Madame … …-… étaient présents et ont pu exposer leur point de vue. Ils n'étaient pas assistés d'un avocat et ils n'ont pas fait valoir qu'ils auraient voulu disposer d'un délai supplémentaire pour confier la défense de leurs intérêts à un conseil.

De toute manière, le défaut, par une partie, de charger un avocat de la défense de ses intérêts ne saurait retarder une procédure, surtout une procédure essentiellement urgente comme celle tendant à un sursis à exécution. Il suit de ce qui précède que les droits de la défense des consorts … ont été respectés.

L'administration communale et la société … soulèvent l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir d'une part que la mesure sollicitée ne saurait plus avoir aucun effet utile, la construction étant achevée.

En matière d’autorisations de construire, le sursis à exécution n’a d’utilité que pour garantir que l’exécution et l’achèvement de travaux de construction ne créent un état de fait sur lequel il sera difficile par la suite de revenir au cas où l’autorisation de construire litigieuse serait annulée par la suite. Par conséquent, il n’y a plus lieu d’ordonner le sursis lorsque la décision est déjà exécutée, c’est-à-dire lorsque les travaux sont achevés lors du jugement de la demande de sursis. Un état d'achèvement des travaux n'existe certainement pas lorsque l'ouvrage construit ne peut pas encore servir à sa destination.

En l'espèce, il se dégage des déclarations concordantes des parties lors de la visite des lieux que les deux garages, de type préfabriqué, ont été installés après l'introduction de la demande en justice. Dans l'urgence où il a été travaillé, ces garages, simplement posés, ne sont pas encore scellés au sol – ce qui a amené l'avocat de la commune de … à qualifier les deux garages de "meubles" – et, surtout, l'accès aux garages n'est nullement aménagé. Sur question, Monsieur … … a déclaré que pour l'instant, eu égard à l'absence d'un tel aménagement de l'accès aux garages, ceux-ci sont inutilisables.

Il s'ensuit que les travaux litigieux ne sont pas achevés et que le moyen d'irrecevabilité de la décision ministérielle tiré de ce que les travaux seraient achevés est à écarter.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Au fond, les demandeurs sont d'accord à reconnaître que l'article 2.3.2. du règlement sur les bâtisses de la commune de … prévoit, pour les garages individuels, une règle spéciale concernant l'implantation, en ce qu'il permet leur implantation au fond des parcelles sans 4 respecter aucun recul sur les limites, à condition qu'ils ne dépassent pas une hauteur de trois mètres au-dessus du sol naturel. Ils reprochent cependant à la commune de ne pas avoir respecté la procédure d'élaboration ordinaire d'une autorisation de bâtir avec, notamment, dépôt des plans de construction, et de s'être contentée de modifier l'autorisation initiale moyennant un "avenant" non prévu au règlement sur les bâtisses.

Le préjudice qu'ils invoquent du fait du non-respect de la procédure consiste, à leurs yeux, dans l'absence de moyen de contrôle du respect, tant par les voisins que par le juge, de la limitation de la hauteur des garages à trois mètres. Ce faisant, ils ne critiquent pas l'implantation elle-même, mais la hauteur potentiellement non réglementaire de la construction.

En l'état actuel de l'instruction du litige, ce moyen ne suffit cependant pas à justifier un sursis à exécution. En effet, même s'il est vrai que le juge administratif ne contrôle que la légalité d'une autorisation et non son exécution, il faut constater que les garages tels qu'effectivement implantés ne dépassent manifestement pas la hauteur réglementaire, de sorte qu'on voit mal le préjudice causé aux demandeurs par le non-respect de la procédure d'autorisation.

L'autre moyen, tiré de ce que les garages seraient implantés sur une parcelle différente que la maison dont ils constituent la dépendance, et que, partant, la condition réglementaire d'une implantation des garages "au fond des parcelles" ne serait pas respectée, apparaît en revanche, comme sérieux. Le sens exact de la disposition n'est en effet pas facilement décelable et mérite une interprétation par le juge du fond. Si la signification de la disposition va dans le sens que les garages doivent être implantés sur une seule et même parcelle cadastrale, l'autorisation est illégale car les garages et la résidence principale se trouvent effectivement implantés sur des parcelles cadastrales portant des numéros différents. S'il suffit, en revanche, alors même que les parcelles cadastrales portent des numéros différents, qu'elles soient contiguës et appartiennent au même propriétaire, on pourrait arriver à la conclusion qu'il y a effectivement implantation sur une même parcelle, puisque les différents terrains contigus appartiennent aux consorts …. Il faut remarquer que, dans le cadre d'une telle interprétation, des garages pourraient être implantés à des dizaines de mètres de la construction principale, et même au-delà, la seule condition étant alors que les terrains séparant la construction principale et les garages appartiennent à la même personne. Une autre interprétation de la disposition litigieuse pourrait encore consister à qualifier le terme de parcelle d'ensemble pouvant accueillir, rationnellement, une construction et ses dépendances, indépendamment de la question de savoir si les différentes constructions sont implantées sur les mêmes parcelles cadastrales, le critère étant celui d'une construction pouvant être raisonnablement considérée comme annexe d'une construction principale. Dans une telle éventualité, il n'est pas sûr comment se déciderait le juge du fond, puisque les garages litigieux ne sont pas implantés dans l'axe de la maison principale, mais en biais, derrière la maison des demandeurs.

Etant donné l'incertitude de la manière dont le litige sera résolu par le juge du fond et les arguments qui plaident raisonnablement en faveur de la thèse des demandeurs, le moyen afférent est à considérer comme suffisamment sérieux pour justifier un sursis à exécution.

Les demandeurs risquent par ailleurs un préjudice grave et définitif en cas de poursuite des travaux jusqu'à l'intervention d'une décision définitive au fond, étant donné qu'en vertu d'une jurisprudence constante, récemment réaffirmée avec vigueur, les juridictions judiciaires 5 refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite, au motif que le fait de construire sous le couvert d'une autorisation de construire qui se trouve annulée dans la suite ne constitue pas le maître de l'ouvrage en faute, que, par conséquent, il n'y a aucune responsabilité civile dans le chef de celui qui a construit et que, dans ces conditions, il ne saurait y avoir de réparation du préjudice, ni en nature moyennant démolition de l'ouvrage construit illégalement, ni d'ailleurs par équivalent (v. Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle; 8 juillet 2004, n° 27531 du rôle).

Il suit des considérations qui précèdent que la demande en sursis à exécution est justifiée en ce qui concerne la construction des garages.

Il est vrai que l'avenant à l'autorisation de bâtir critiqué porte également autorisation d'accoler une terrasse à la résidence principale. Aucun moyen d'illégalité n'étant cependant développé spécifiquement concernant cette terrasse, le sursis à exécution ne touche pas cette partie de l'autorisation.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare partiellement justifié, partant dit qu'il sera sursis à l'exécution de la décision du bourgmestre de la commune de … du 28 janvier 2005, qualifiée "Avenant 01/05 à l'autorisation de bâtir n° 29/03 du 7 juillet 2003", pour autant qu'il vise la construction de garages, en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond sur le mérite du recours inscrit sous le n° 19332 du rôle;

déclare la demande en sursis à exécution non fondée en tant qu'elle vise la construction d'une terrasse, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 février 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19333
Date de la décision : 25/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-25;19333 ?

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