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17/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19316

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 février 2005, 19316


Tribunal administratif N° 19316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2005 Audience publique du 17 février 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … … … … , … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 15 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … … … , demeurant à L-… …, .. rue … …, tendant à o...

Tribunal administratif N° 19316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2005 Audience publique du 17 février 2005

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … … … … , … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 15 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … … … , demeurant à L-… …, .. rue … …, tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport à un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 3 février 2005 lui refusant l'entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et l'invitant à quitter le territoire dès la notification dudit arrêté, la décision en question étant par ailleurs entreprise au moyen d'un recours en réformation, sinon en annulation au fond, déposé le même jour, inscrit sous le numéro 19315 du rôle;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Maître Patrick GOERGEN, ainsi que Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 3 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, constatant que Monsieur … … … … , de nationalité cap-verdienne, ne dispose pas de moyens d'existence personnels, se trouve en séjour irrégulier au pays et constitue un danger pour l'ordre et la sécurité publics, a refusé l'entrée et le séjour à l'intéressé tout en l'invitant à quitter le territoire.

Par requête déposée le 15 février 2005, Monsieur … … … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle du 3 février 2005 et par requête déposée le même jour, il sollicite le sursis à exécution de la décision critiquée en attendant la solution du recours au fond.

Il fait expliquer qu'il se trouve au Luxembourg depuis l'année 1999, qu'il y travaille depuis lors de manière ininterrompue et qu'il est régulièrement affilié à la sécurité sociale. Il fait ajouter qu'il y est lié avec sa compagne de vie et que ses frères et sœurs y vivent, de sorte qu'il a des attaches fortes avec le pays. Il est par ailleurs d'avis que l'arrêté ministériel du 3 février 2005 est illégal, étant donné qu'il serait insuffisamment motivé et qu'il mettrait en danger sa vie familiale protégée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. De plus, la décision litigieuse aurait dû faire l'objet d'une consultation de la commission consultative en matière de police des étrangers. Son comportement ne constituerait aucunement un risque pour l'ordre public. L'usage de faux papiers pour pouvoir s'installer au Luxembourg, fait reconnu, ne serait pas assez grave pour considérer que son comportement constituerait un danger pour l'ordre public, surtout au vu du laps de temps écoulé entre la date de l'usage du passeport falsifié et la date de la décision d'expulsion.

Aucune décision d'une juridiction pénale ne serait encore intervenue de ce chef, de sorte que le fait en question ne saurait être pris en considération sous peine de porter atteinte à la présomption d'innocence. Finalement, l'administration serait intervenue d'office en prenant la décision d'expulsion, sans lui donner au préalable la possibilité de présenter ses observations.

Il estime qu'un éloignement du territoire lui causerait dès lors un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution de la décision litigieuse.

La déléguée du gouvernement conteste tant le risque d'un préjudice grave et définitif et le sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond. Elle souligne qu'une vie familiale ne serait pas établie dans le chef de Monsieur … … … et qu'il ne disposerait pas d'un permis de travail. Il aurait par ailleurs fait usage de documents d'identité falsifiés non dans une situation d'urgence, mais dans le seul but de pouvoir entrer sur le territoire luxembourgeois en vue de s'y procurer un travail.

Il se pose la question de la recevabilité de la demande au vu de ce que le recours est dirigé contre une décision de refus d'entrée et de séjour, partant une décision négative qui n'est pas susceptible d'un effet suspensif étant donné qu'une telle mesure n'est pas de nature à autoriser le demandeur à séjourner sur le territoire.

Une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure ne saurait faire l'objet d'une mesure de sursis à exécution. Elle est en revanche susceptible de faire l'objet d'une mesure de sauvegarde. Il est indifférent, à cet effet, que le demandeur base sa requête sur le seul article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999, relatif à la demande d'effet suspensif d'un recours, dès lors qu'il se dégage par ailleurs du libellé de la requête qu'il sollicite une mesure provisoire nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts, prévue par l'article 12 de la même loi.

Tel étant le cas en l'espèce, dès lors que la requête de Monsieur … … … tend à l'autorisation de rester sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, la demande est à déclarer recevable.

En vertu de l'article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Concernant le sérieux des moyens présentés à l'appui de la demande au fond, le président du tribunal appelé à prendre une mesure provisoire doit nécessairement se livrer à un examen sommaire de ces moyens, sous peine d'empiéter sur les pouvoirs du juge du fond.

Il doit pareillement, dans cette même optique, apprécier les problèmes juridiques qui se posent à la lumière de la jurisprudence développée en la matière par les juridictions administratives siégeant au fond.

Concernant l'absence de moyens d'existence personnels invoqués par le ministre à l'appui de sa décision de refus, il convient de souligner qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour administrative et du tribunal administratif fermement établie, seulement des moyens actuellement disponibles et légalement acquis rentrent dans les prévisions de l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'œuvre étrangère.

Or, Monsieur … … … est en aveu de ne pas disposer, actuellement, de tels moyens, étant donné qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail.

Par ailleurs, s'il est vrai qu'il se dégage des pièces versées que Monsieur … … … vit depuis août 2002 à la même adresse que Madame ….. ….. ….. ….. ….. et que celle-ci a déclaré qu'ils ont l'intention de se marier prochainement, il ne s'en dégage pas l'existence d'une vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953. En effet, selon la jurisprudence des juridictions administratives, s'appuyant sur les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Convention ne permet pas de s'établir dans un pays de son choix pour y créer des liens nouveaux et il faut, en principe, que la vie familiale ait existé avant l'immigration. Monsieur … … … ne fournit aucun élément permettant de conclure que le juge du fond s'écartera de ces principes en l'espèce.

Les développements consacrés au non-respect de la procédure administrative non contentieuse par le ministre en ce qu'il n'aurait pas donné au demandeur la possibilité de collaborer à l'élaboration de la décision incriminée semblent non pertinents en tant qu'il se prévaut de ce que les tiers doivent être mis en mesure de participer à l'élaboration d'une décision qui affecte leurs droits, étant donné qu'en l'espèce, Monsieur … … … n'est pas à considérer comme tiers, mais comme destinataire direct de la décision litigieuse. Concernant le reproche que le ministre a pris la décision en dehors de son initiative, sans le mettre en mesure de présenter au préalable ses observations, il se dégage des renseignements fournis et des pièces versées que la décision du 3 février 2005 constitue la suite d'une procédure de rétention administrative consécutive à une décision de refoulement sous-jacente, ayant donné lieu à une procédure contentieuse dans le cadre de laquelle Monsieur … … … a pu exposer son point de vue concernant la légalité de son séjour au Luxembourg, de sorte que le reproche tiré de la circonstance qu'il n'a pas pu, au préalable, discuter la légalité de son séjour au Luxembourg, ne semble pas justifié en l'espèce.

Le moyen tiré de l'omission, par le ministre, de solliciter l'avis de la commission consultative pour les étrangers instituée par l'article 16 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main d'œuvre étrangère ne semble pas concluant non plus, étant donné qu'en vertu de l'article 2, 2° du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l'organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, tel qu'il est interprété par les juridictions administratives, l'obligation de prendre l'avis de ladite commission n'est pas obligatoire en présence de la situation d'un étranger qui a l'intention de séjourner au Luxembourg et qui se voit refuser le droit au séjour (cf. trib. adm.

15 avril 1998, confirmé par arrêt du 1er décembre 1998, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 128).

Finalement, l'usage de faux papiers d'identité dans le but de s'installer au pays caractérise, aux yeux de la jurisprudence administrative, le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics (trib. adm. 27 juin 2001, confirmé par arrêt du 10 juillet 2001, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 321).

Il suit de ce qui précède que les moyens que Monsieur … … … invoque à l'appui de son recours au fond ne paraissent pas suffisamment sérieux pour justifier l'institution d'une mesure de sauvegarde en sa faveur.

Comme les conditions ci-avant énumérées pour pouvoir bénéficier d'une mesure de sauvegarde doivent être cumulativement remplies, l'absence de moyens sérieux invoqués au fond entraîne l'échec de la demande, sans qu'il y ait lieu d'examiner si les autres conditions légales sont remplies.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande irrecevable en tant qu'elle tend à une décision de sursis à exécution, la déclare non fondée en tant qu'elle tend à l'institution d'une mesure de sauvegarde et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 17 février 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19316
Date de la décision : 17/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-17;19316 ?

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