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01/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18854C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 février 2005, 18854C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18854 C Inscrit le 12 novembre 2004

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Audience publique du 1er février 2005 Recours formé par … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 11 octobre 2004, n° 17897 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite

sous le numéro 18854C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 12 novembre ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18854 C Inscrit le 12 novembre 2004

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Audience publique du 1er février 2005 Recours formé par … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 11 octobre 2004, n° 17897 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18854C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 12 novembre 2004 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à .. (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de sa concubine, …, née le …à …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants …, née le …. à … (Belgique), …, née le … à … (Bosnie-

Herzégovine) et …, né le … à …, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 11 octobre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 21 janvier 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 11 mars 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth s’étant rapportés à leurs mémoires écrits.

Par requête, inscrite sous le numéro 17897 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 avril 2004, …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants .., … et … ont fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 janvier 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 11 mars 2004 prise sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 11 octobre 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté les consorts ….

Les premiers juges ont décidé que les consorts …, en leur qualité de ressortissants serbo-monténégrins, originaires du Kosovo, n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève de nature à justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef, étant donné, d’une part, que le fait d’être menacés de mort de la part d’un membre du parti politique LDK, et d’avoir été mélé à une dispute avec celui-ci, en raison de l’appartenance de … au parti politique PDK, ne constitue pas une persécution émanant de l’Etat, mais d’un simple particulier qui ne saurait être considéré en tant que tel comme agent de persécution au sens de la Convention de Genève et, d’autre part, qu’ils n’ont pas établi que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Kosovo ne soient pas en mesure de leur assurer une protection adéquate.

Les premiers juges ont relevé à ce sujet que suivant les affirmations des actuels appelants, les autorités locales ont arrêté l’auteur desdites menaces en l’incarcérant pendant une semaine, de sorte qu’il ne saurait être conclu à un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités. Enfin, le tribunal a relevé que les actuels appelants, en tant qu’Albanais du Kosovo, n’ont pas établi être dans l’impossibilité de s’établir dans une autre partie du territoire de leur pays d’origine afin d’échapper aux éventuelles persécutions dont ils auraient pu faire l’objet.

En date du 12 novembre 2004, Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de … et de sa concubine …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, … et …, inscrite sous le numéro 18854C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants contestent que le simple fait par les autorités en place au Kosovo d’avoir procédé à l’incarcération de l’auteur des menaces de mort établirait à suffisance de droit leur capacité de leur fournir une protection appropriée sur le territoire du Kosovo, au vu notamment de la durée limitée, à savoir une semaine, pendant laquelle ledit auteur d’une tentative d’homicide a seulement été arrêté. A ce titre, ils émettent des doutes quant à la neutralité de ces autorités publiques, en faisant notamment référence, d’une manière générale, et non autrement circonstanciée, à l’arrière-fond politique régnant actuellement au Kosovo. Enfin, ils contestent disposer d’une possibilité de fuite interne au Kosovo au vu de l’exiguïté du territoire de cette région et du risque qui en découlerait d’être retrouvés facilement dans une quelconque autre ville du Kosovo.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à bon droit que le tribunal administratif a retenu sur base des explications fournies par les appelants à l’appui de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, qu’à part un fait isolé, concernant une dispute d’ordre privée ayant opposé … à un dénommé …, qui appartiendrait à un autre parti politique que le sien, ils n’ont fait état d’aucun autre élément de nature à tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève. Or, en ce qui concerne le fait isolé en question, les appelants n’ont établi en aucune manière en quoi la dispute en question serait liée à l’un des motifs prévus par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié, de sorte que ce fait à lui seul ne saurait justifier la reconnaissance dudit statut. Par ailleurs, les appelants n’ont établi, ni même allégué, que les autorités actuellement en place dans leur pays d’origine encouragent ou tolèrent ce type de dispute ou qu’elles soient incapables de leur offrir une protection appropriée afin de protéger les appelants contre d’éventuels agissements relevant de la criminalité de droit commun. Il ressort au contraire des déclarations des appelants eux-mêmes que l’auteur des menaces proférées à l’encontre de … a été incarcéré par l’autorité compétente actuellement en place au Kosovo, de sorte que, comme l’a déjà relevé le tribunal, il ne saurait être utilement conclu à un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités. Par ailleurs, le simple fait que le prétendu auteur des agissements criminels a déjà été libéré par les autorités après une détention d’une durée d’une semaine seulement ne saurait à lui seul suffire pour démontrer l’incapacité ou le défaut de volonté desdites autorités de protéger efficacement les habitants du Kosovo contre des agissements criminels, en l’absence de tout autre élément soumis aux juridictions administratives.

Enfin, il échet de relever que les appelants déclarent être des ressortissants albanais résidant au Kosovo, région qui est peuplée presqu’exclusivement par des personnes appartenant audit groupe ethnique, de sorte qu’ils ne sauraient valablement faire état d’une impossibilité de s’établir dans une autre partie du Kosovo, afin d’échapper non pas à des persécutions au sens de la Convention de Genève, mais à des agissements auxquels ils ont été confrontés de la part d’une personne privée dans le cadre d’une dispute non autrement circonstanciée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 11 octobre 2004.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 12 novembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 11 octobre 2004 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18854C
Date de la décision : 01/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-01;18854c ?

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