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19/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18974

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 janvier 2005, 18974


Tribunal administratif N° 18974 du rôle du Grand-Duché de Inscrit le 10 décembre 2004 Audience publique du 19 janvier 2005

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Requête en sursis à exécution, subsidiairement en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … … , … … … (….), contre deux décisions de la … … … … … de , en présence de la … … … … et de la société de droit …… … … … … … , en matière de cotation d'actions

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée

le 10 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Robert WTTERWULGHE, avocat inscrit au barreau de Bruxelles, assisté de ...

Tribunal administratif N° 18974 du rôle du Grand-Duché de Inscrit le 10 décembre 2004 Audience publique du 19 janvier 2005

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Requête en sursis à exécution, subsidiairement en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … … , … … … (….), contre deux décisions de la … … … … … de , en présence de la … … … … et de la société de droit …… … … … … … , en matière de cotation d'actions

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 10 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Robert WTTERWULGHE, avocat inscrit au barreau de Bruxelles, assisté de Maîtres Denis PHILIPPE et François MOYSE, avocats à la Cour, inscrits au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … , ingénieur civil, demeurant à … … … … … , …, rue de …, tendant à voir prononcer le sursis à exécution 1) de la décision de levée de suspension de la cotation des actions … … adoptée par le conseil d'administration de la société anonyme … … … … … …, non notifiée au public moyennant un avis officiel, et 2) de la décision d'autorisation de retrait de la cotation desdites actions adoptée par le conseil d'administration de ladite société, notifiée au public par des avis officiels datés des 8 septembre et 4 novembre 2004, sinon une mesure de sauvegarde consistant dans le report de la décision de retrait de la cotation des actions … … et la prise des mesures nécessaires au rétablissement d'un marché efficient et transparent, ces demandes s'inscrivant dans le cadre d'un recours en réformation, sinon en annulation déposé à la même date, inscrit sous le numéro 18975 du rôle, dirigé contre les deux décisions précitées de la … … … … … … ainsi que contre une décision implicite de refus de la … … … … … … … d'imposer la levée de l'autorisation de retrait de la cotation desdites actions, suite à une réclamation envoyée le 15 octobre 2004 et découlant du silence de ladite commission;

Vu les exploits de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à , du 10 décembre 2004, portant signification de la prédite requête en effet suspensif sinon en obtention d'une mesure de sauvegarde à la … … … … … … , avec siège à L-… …, …, avenue … … … , représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, ainsi qu'à la … … … … … …, avec siège à …, …, route …, et du 20 décembre 2004, portant signification de la requête à la société de droit … … … … … … , avec siège à … … … …, Etat de … …, … …, …, …° … …°…, Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

2 Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Maîtres Robert WTTERWULGHE, Patrick RONSSE et François MOYSE pour le demandeur, Patrick KINSCH pour la … … … … … …, Philippe HOSS pour la société … … … … … et André MARC pour la … … … … … … entendus en leurs plaidoiries respectives en dates des 7 et 14 janvier 2005.

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Les actions de la société de droit brésilien … … … … … , en abrégé … … , filiale du groupe …, cotées à la … de … … au …, le sont également sur le marché de la … de …, sous forme de certificats, depuis les années 1930, à une époque où la … … du … et le … … des valeurs mobilières n'existaient pas encore et où les actions de … … négociées à … n'étaient logiquement pas enregistrées auprès de ces autorités.

Néanmoins, jusqu'en 1998, les dividendes correspondant aux actions de … … négociées à … étaient payés, de manière régulière, à l'agent financier payeur, la société …, filiale de la société … … … … à … … ., la société anonyme … … … organisant le système clearing via lequel les actions sont détenues actuellement, tandis que la société anonyme … … … … … … … a les attributions d'organisation, de gestion et de contrôle des opérations de la … de ….

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, la filiale … de la … … … , sous-dépositaire des titres pour le compte de la société … , se prévalant de la réglementation … concernant l'identification des propriétaires d'actions, refusa de payer les dividendes à ladite société au motif que les clients pour lesquels elle agissait n'avaient pas fait enregistrer leurs actions auprès des autorités ….

Se prévalant de ces problèmes d'enregistrement au …, des actions négociées à …, la … … … … … … publia, le 24 juillet 2004, un avis de la teneur suivante:

"… … (… … … ) (codes … … … ) actions ord. et priv. – Etant donné que la liquidation des titres n'est plus effectuée et que le fonctionnement du marché n'est plus assuré, les instances de la … ont décidé de suspendre la cotation des actions sous rubrique à partir du 24 juillet 2002 jusqu'à nouvel avis." Le 8 septembre 2004 parut au quotidien … … et sur le site internet de la … … … … … … un communiqué de la teneur suivante:

"… (… … ) Notice to shareholders [suit l'adresse de la société … … et la description des actions] In an objective to concentrate the trading volume of … … shares on its main trading place in … (… … Stock Exchange), … … has decided, in agreement with the authorities of …g Stock Exchange, to proceed to the delisting of its ordinary and preferred shares (the "Shares") from the… Stock Exchange.

Barring unforeseen circumstances, the delisting will become effective on 1st December 2004.

3 The Shares will remain listed on the Stock Exchange of … ….

Prior to 1st December 2004, shareholders may sell their shares, ex-dividend entitlement, through their financial Intermediaries on the … Stock Exchange. After such date, the Shares will no more be negotiable in ….

Shareholders who do not wish to sell their Shares on the … Stock Exchange are strongly recommended to contact their bank to enquire about the possibility of registration of their Shares in…l.

For further information shareholders are invited to contact their bank.

… … , August 26, 2004 [suivent les qualités du signataire du communiqué]" Suivant communiqué du 9 novembre 2004, la … … … … … … a annoncé qu'à la requête de … … , elle avait consenti à étendre la durée de la cotation des actions jusqu'au 31 décembre 2004 et qu'excepté des circonstances imprévues, le retrait de la cotation deviendrait effectif le 3 janvier 2005.

Par requête déposée le 10 décembre 2004, inscrite sous le numéro 18975 du rôle, Monsieur … … , en sa qualité de détenteur de 8.241.082 titres privilégiés et de 150.000 titres ordinaires … … , a introduit un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de levée de suspension de la cotation des actions … … adoptée par le conseil d'administration de la … … … … … … et de la décision d'autorisation de retrait de la cotation desdites actions adoptée par le conseil d'administration de ladite société, ainsi que contre une décision implicite de refus de la … … … … … d'imposer la levée de l'autorisation de retrait de la cotation desdites actions, suite à une réclamation envoyée le 15 octobre 2004 et découlant du silence de ladite commission. Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 18974 du rôle, il sollicite le sursis à exécution des deux décisions prises par la … … … … … … , sinon une mesure de sauvegarde consistant dans le report de la décision de retrait de la cotation des actions … … et la prise des mesures nécessaires au rétablissement d'un marché efficient et transparent.

La … … … … … , représentée dans la procédure en institution d'un sursis à exécution sinon d'institution d'une mesure de sauvegarde, a pris des conclusions dans lesquelles elle formule une réserve en faisant remarquer que le recours n'est pas dirigé contre elle, et elle prend par ailleurs des conclusions concernant la recevabilité de la requête en institution des mesures provisoires ainsi que la justification de celle-ci.

Etant donné que, s'il est bien vrai que le recours au fond est dirigé à la fois contre des décisions de la … … … … … … et contre une décision implicite de refus de la … … … … … , la requête en institution de mesures provisoires ne vise pas cette dernière.

Il y a partant lieu de la mettre hors de cause dans la présente procédure.

Sur demande du tribunal, le demandeur a mis en intervention la société … … .

4 Par ailleurs, suivant décision de son comité d'admission du 15 décembre 2004, la … … … … … … a prolongé la période de cotation jusqu'à fin janvier, les valeurs de … … devant être retirées de la cotation à compter du 1er février 2005.

Monsieur … estime que l'exécution des décisions entreprises risque de lui causer un préjudice grave et définitif, étant donné que la situation actuelle le met devant le dilemme, soit de vendre ses actions sur la … de … avant le 3 janvier 2005 – actuellement 1er février 2005 – à une décote importante et anormale de 40 à 60 % par rapport au cours en vigueur pour les mêmes actions à … … et ce dans un marché inefficient et non transparent, soit de conserver ses titres au-delà de cette date et d'être amené, le cas échéant, à tout perdre. En effet, l'irrégularité de l'enregistrement des actions au … rendrait aléatoires tous négociations et transferts de ces titres à … …, ce qui risquerait d'entraîner pour lui une perte d'environ trois millions d'euros, montant correspondant à la valeur de cotation réelle de son portefeuille … … sur la … de … …. Se prévalant de ce que nul ne saurait être forcé de vendre, il est d'avis que dans des conditions normales, en cas de cotation régulière des titres dans un marché efficient et transparent, il devrait être en mesure de conserver ses titres, de les transférer au … et les négocier sur la … de … … .

Il estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux. Il reproche en particulier à la … … … … … :

- d'avoir accepté de reprendre une cotation irrégulière, au vu de la réglementation … en la matière, du défaut d'enregistrement des titres, d'une mauvaise qualité et d'une mauvaise livraison des titres, tout en ayant connaissance de l'existence de ces irrégularités depuis la suspension de la cotation des titres à … et de leur persistance lors de la décision de reprise de la cotation. Ce faisant, la … … … … … … aurait violé l'article 2 du règlement d'ordre intérieur de la … de … qui disposerait que la situation juridique des actions et parts doit être régulière au regard des lois et règlements auxquels elles sont soumises, le point B. 6 disposant que la présentation matérielle des actions et parts émises par des sociétés ressortissantes d'un Etat tiers à la Communauté économique européenne doit offrir des garanties suffisantes pour la protection des investisseurs;

- d'avoir publié un communiqué officiel le 8 septembre 2004 contenant des informations erronées et incomplètes, violant ainsi l'article 18, point 6 du règlement grand-

ducal du 31 mars 1996 ainsi que les principes de transparence et d'information du public contenus dans les diverses directives européennes. En effet, selon le communiqué officiel, le retrait définitif de la cotation aurait été demandé par … … , alors qu'en réalité, l'initiative en aurait été prise par la … … … … … ;

- d'avoir accepté de lever la suspension de la cotation le 9 septembre 2004 sans procéder aux communications exigées par la réglementation …, violant ainsi le paragraphe 12 du point II des mesures d'exécution du règlement d'ordre intérieur de la … de … ainsi que les principes de transparence et d'information du public contenus dans diverses directives européennes;

- d'avoir laissé se dérouler un marché non efficient, non transparent et non respectueux de l'égalité de traitement des investisseurs, en violation de l'article 12 du cahier des charges de la … … … … … , ainsi que des principes de transparence et d'information du public contenus dans diverses directives européennes. Or, actuellement, on constaterait un courant vendeur massif, amplifié par plusieurs facteurs tels que la suspension de la cotation pendant deux ans, 5 des recommandations largement diffusées auprès des investisseurs de vendre, le laps de temps très court donné aux détenteurs pour vendre, l'absence de livraison des dividendes distribués, de même que la présence d'un seul acheteur semblant être le groupe … se livrant à une manipulation du marché et, en conséquence de cela, une discrimination importante par rapport à la … de … … ;

- d'avoir omis de prendre des mesures conservatoires nécessaires et utiles en vue de trouver une solution protégeant les investisseurs, violant ainsi l'article 16 du chapitre VI, paragraphe 1er du règlement d'ordre intérieur de la … , le texte en question habilitant le conseil d'administration à prononcer la suspension de la cotation d'une valeur mobilière lorsque le bon fonctionnement du marché n'est pas assuré temporairement ou risque de ne pas l'être, lorsque la protection des investisseurs l'oblige, lorsque l'émetteur des titres ne respecte pas les obligations d'information pesant sur lui, ou encore comme mesure de sanction. Eu égard à la situation de fait, Monsieur … estime que la … … … … … … était obligée de suspendre la cotation et de suspendre son autorisation de retirer définitivement ces actions de la cotation au 3 janvier 2005, mais qu'informée de la situation, elle n'aurait pris aucune mesure utile à l'exception de sa décision de reporter le retrait définitif de la cotation.

La société … … soulève l'incompétence du juge administratif à connaître de la demande, en soutenant que les deux décisions critiquées, à savoir celle d'ordonner la levée de la suspension de la cotation des actions … … et celle d'autoriser le retrait desdites actions de la cote officielle ne constitueraient pas des décisions prises dans le cadre de la loi du 23 décembre 1988 relative à la surveillance des marchés d'actifs financiers. Or, l'article 12 de ladite loi ne conférerait compétence aux juridictions administratives qu'à l'égard des décisions prises dans le cadre de cette loi.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s'abstenir de préjuger les éléments soumis à l'appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu'il doit s'abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de compétence et de recevabilité du recours qui pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier – après avoir évacué des moyens mettant éventuellement en doute la régularité de sa propre saisine sans avoir une quelconque répercussion sur la régularité de la procédure au fond – les moyens tirés de l'incompétence et de l'irrégularité de la saisine du juge du fond en y répondant non pas de manière péremptoire et affirmative, mais en en appréciant le sérieux dans ce sens que si ces moyens paraissent sérieusement mettre en doute la compétence du juge du fond ou la recevabilité de la demande au fond, ce doute se répercutera sur le sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond et entraînera le rejet de la demande de sursis à exécution, ceci conformément à l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, en vertu duquel le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

Le moyen d'incompétence soulevé par … … touchant la compétence du juge du fond au même titre que de celle du juge du provisoire, celui-ci ne saurait se prononcer de manière péremptoire sur la question soulevée, mais il doit en apprécier le sérieux étant précisé que si le 6 moyen d'incompétence du juge du fond apparaît comme sérieux, il affectera le sérieux des moyens invoqués au fond par Monsieur ….

Aucun moyen tiré de la compétence ou de la recevabilité de la seule requête adressée au soussigné n'ayant été soulevé, il y a lieu d'examiner, dans le cadre du sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond, le moyen tiré de l'exception d'incompétence du juge du fond ainsi que du président du tribunal administratif.

La loi du 23 décembre 1998, précitée, comprend un certain nombre de dispositions relatives à l'établissement de … s, à leur fonctionnement et au contrôle auquel elles sont soumises.

Si une … est amenée, essentiellement dans le cadre des prérogatives qu'elle se voit conférer par la concession qui lui est accordée par règlement grand-ducal, à prendre des décisions réglementaires et des décisions administratives individuelles, toute son activité ne relève cependant pas du droit public, mais également, pour partie du moins, du droit civil et du droit commercial (v. en France, H. de Vauplane et J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, Litec 1998, nos. 166 et s.).

En vertu des articles 84 de la Constitution, les litiges ayant pour objet des droits civils sont du ressort des tribunaux de l'ordre judiciaire, tandis que l'article 95 bis de la Constitution attribue aux juridictions administratives la connaissance du contentieux administratif. Dans la logique de cette répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et administratives, la loi du 23 décembre 1998 prévoit dans son article 12 que les décisions des … s intervenant dans le cadre de ladite loi peuvent être attaquées par voie de réclamation devant le ministre ayant dans ses attributions les … s, un recours contentieux au fond devant le juge administratif étant ouvert contre les décisions de celui-ci. En effet, si une … est amenée, dans le cadre de la concession lui accordée qui lui confère des attributions de droit public et la constitue, dans ces limites, en autorité administrative, à prendre une décision qui revêt les caractères d'un acte administratif, cet acte est attaquable suivant les règles du droit administratif.

Il y a partant lieu d'examiner si les deux décisions visées par le recours dont est saisi le soussigné constituent des décisions administratives.

Selon la jurisprudence des juridictions administratives qui s'impose au juge du provisoire, un acte administratif est un acte juridique pris par une autorité relevant, du moins pour cet acte, de la sphère du droit administratif. Une … qui bénéficie d'une concession publique participe à ce titre à l’exercice de la puissance publique, c’est-à-dire qu'elle exerce des prérogatives de droit public, étant investie pour l’acte considéré de pouvoirs exorbitants du droit commun applicable entre particuliers qui lui permettent de prendre des décisions unilatérales opposables aux destinataires. - De plus, la qualité d'acte administratif se mesure à son objet dans ce sens que l'acte administratif tend à l'exécution concrète d'une mission de service public, c'est-à-dire d’une mission de répondre d’une manière continue et régulière à des besoins collectifs jugés essentiels par les gouvernants (cf. trib. adm. 30 octobre 2000, Pas.

adm. 2004, V° Actes administratifs, n° 1 et les autres références y citées).

En l'espèce, s'il ne se dégage pas des pièces versées ni des renseignements fournis de qui émane l'initiative de la décision de mainlevée de la décision de suspension de la cote de 7 l'action … …, celle de retirer l'action de la cote officielle émane de la société … … elle-même, ainsi que l'a déclaré son mandataire à l'audience.

Celui-ci concède que la décision de suspension de la cotation d'une valeur mobilière, ainsi que celle de procéder à la radiation d'une telle valeur, lorsque les conditions pour une telle décision sont réunies, constituent des décisions administratives. Il insiste cependant sur ce qu'il y a une différence essentielle entre la radiation d'une valeur mobilière, à laquelle une … procède d'office, le cas échéant à titre de sanction, d'une part, et son retrait volontaire par l'émetteur. Il insiste sur ce qu'une telle opération relève du droit privé contractuel et que le juge administratif ne saurait en contrôler la régularité ni en suspendre les effets.

La radiation d'une valeur, comme en général, toute décision d'une … en matière de cotation de valeurs mobilières, doit être prise dans le respect de l'intérêt à la fois de l'émetteur et des investisseurs. C'est d'ailleurs la sauvegarde de ces deux intérêts, qui peuvent être conjoints, mais qui peuvent également être contradictoires, qui investit une … d'une mission de service public et qui justifie que des attributions de service public lui soient conférées.

Or, s'il est vrai que la radiation d'une valeur procède en principe de l'initiative de la … et que son retrait est effectué à la demande de l'émetteur, l'identité de l'auteur de l'initiative ne change pas, a priori, la consistance et la valeur des intérêts respectifs en cause, dont précisément, également, ceux des investisseurs.

Si le législateur a entouré d'un certain nombre de précautions l'admission d'une valeur à la cote officielle et si la radiation d'une telle valeur constitue à son tour une décision prise non pas dans l'intérêt particulier de l'émetteur, mais dans celui du public en général, et que les décisions afférentes de la … constituent, de l'accord des parties au litige, des décisions administratives, il n'est pas certain, au stade actuel du litige, que le tribunal administratif, amené à connaître du litige au fond, décide que la décision de retrait d'une valeur de la cote officielle, qui, de l'accord de … …, aboutit au même résultat que la radiation (v. note de plaidoiries de Me Hoss, p. 6, dernière phrase) et peut gravement léser les intérêts des tiers, constitue une décision de droit privé à la discrétion de l'émetteur.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du juge administratif à connaître de la décision de retrait de la cotation des actions … … ne paraît pas suffisamment sérieux, au stade actuel de l'instruction du litige, pour conclure, à ce stade, à l'incompétence du tribunal administratif.

Concernant la décision de levée de suspension de la cotation des actions … …, le parallélisme avec la décision de suspension de la cotation, décision administrative de la … , aboutit à admettre, au stade actuel de la procédure, qu'il s'agit à son tour d'une décision administrative dont la connaissance n'échappe pas au juge administratif.

La … … … … … … et … … soulèvent encore l'irrecevabilité du recours au fond en faisant valoir qu'en vertu de l'article 12 de la loi du 23 décembre 1998, les décisions de la … ne peuvent pas être directement entreprises devant le tribunal administratif, mais doivent faire l'objet, au préalable, d'une réclamation devant le ministre ayant dans ses attributions les … s.

Or, les deux décisions visées par le recours contentieux émaneraient l'une et l'autre de la … … … … … … .

8 Monsieur … rétorque que ce moyen ne saurait s'appliquer à la procédure d'urgence devant le président du tribunal administratif. De plus, le ministre compétent aurait répondu qu'il n'entend pas intervenir sur le fond du litige, de sorte que cette réponse serait à considérer comme rejet de la réclamation et que de ce fait encore, le juge administratif serait actuellement valablement saisi. Finalement, la théorie tirée de l'irrecevabilité d'un recours introduit directement devant le juge administratif, "omisso medio" en ce qu'il aurait fallu, au préalable, saisir l'autorité administrative hiérarchiquement supérieure avant d'introduire un recours contentieux, ne saurait valoir qu'au cas où l'on considérerait l'autorité hiérarchique comme juridiction de premier degré et le tribunal administratif comme juge d'appel statuant en dernier ressort. Or, depuis le remplacement du Comité du contentieux du Conseil d'Etat par respectivement le tribunal administratif et la Cour administrative, une telle théorie ne serait plus soutenable.

L'article 12, (1) de la loi du 23 décembre 1998 dispose que les décisions des … s intervenant dans le cadre de ladite loi peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le ministre. Lorsqu'une réclamation a été introduite et qu'aucune décision définitive n'est intervenue dans le délai de trois mois à partir du dépôt de la demande, le réclamant peut considérer sa réclamation comme rejetée et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision implicite de refus.

Il semble se dégager de manière suffisamment claire de ladite disposition que celui qui n'est pas d'accord avec une décision administrative d'une … doit obligatoirement saisir d'un recours hiérarchique le ministre ayant dans ses attributions les … s, seules les décisions ministérielles intervenues suite à une telle réclamation, à l'exclusion des décisions des … s elles-mêmes, étant susceptibles d'un recours contentieux devant le tribunal administratif statuant en premier ressort, à charge d'appel devant la Cour administrative.

En vertu de la jurisprudence des juridictions administratives, dès que la loi prévoit un recours hiérarchique obligatoire, l'administré doit exercer celui-ci avant de saisir le juge administratif moyennant un recours contentieux, sous peine d'irrecevabilité de celui-ci (v., par analogie, trib. adm. 18 mars 1998 et 4 février 2002, Pas. adm. 2004, V° Fonction publique, nos. 125 et 126).

Un tel système n'est nullement affecté par la mise en place des juridictions administratives ayant remplacé le Comité du contentieux du Conseil d'Etat, étant donné que l'autorité appelée à statuer sur le recours hiérarchique, en l'espèce le ministre, ne constitue pas une juridiction du premier degré, et que le tribunal administratif, compétent pour connaître de la décision ministérielle, ne constitue pas une juridiction d'appel.

En l'espèce, il se dégage clairement de la requête introductive d'instance, déposée le 10 décembre 2004, que le recours au fond est dirigé contre les décisions de la … … … … … … ayant levé la suspension de la cotation des actions … … et ayant procédé au retrait des actions de ladite société de la cotation officielle.

Il est vrai que Monsieur … a saisi, le 7 décembre 2004, le ministre du Trésor et du Budget d'une réclamation contre les deux prédites décisions de la … … … … … … …, et que celui-ci a répondu, par courrier portant un tampon illisible, mais qui paraît être le 10 janvier 2005, qu'étant donné que Monsieur … a entre-temps déposé un recours devant le tribunal contre ces décisions, il n'entend plus se prononcer sur le fond de la réclamation, tout en ajoutant quelques considérations tirés du fond du litige.

9 Il reste que le tribunal n'est pas saisi, actuellement, d'un recours contre la décision du ministre et que l'attitude de celui-ci, consistant à ne plus se prononcer sur le litige au vu de la saisine du tribunal administratif, faute d'être visée par un recours, ne saurait être discutée et moins encore sanctionnée dans le cadre du présent litige.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen tiré du non-épuisement des voies de recours hiérarchiques prévues par la loi est suffisamment sérieux pour enlever, à ce stade de la procédure, aux moyens présentés par Monsieur … à l'appui de son recours au fond dirigé contre les deux décisions incriminées de la … … … … … … le caractère suffisamment sérieux pour justifier, dans le cadre de présente procédure, un sursis à exécution ou l'institution d'une mesure de sauvegarde.

Le sursis à exécution ne pouvant être ordonné qu'au cas où les moyens invoqués à l'appui du recours au fond apparaissent comme suffisamment sérieux, une des conditions légales pour l'octroi d'une telle mesure fait défaut, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande afférente.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, met hors de cause la … … … … … … … … .. … , reçoit le recours en sursis à exécution sinon en institution d'une mesure de sauvegarde en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 19 janvier 2005 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18974
Date de la décision : 19/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-19;18974 ?

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