La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2004 | LUXEMBOURG | N°18058

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mai 2004, 18058


Tribunal administratif N° 18058 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2004 Audience publique du 18 mai 2004

===========================

Requête en sursis à exécution, subsidiairement en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

--------------------------------------


ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 14 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau

de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … … … à … …, de nationalité … ...

Tribunal administratif N° 18058 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2004 Audience publique du 18 mai 2004

===========================

Requête en sursis à exécution, subsidiairement en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

--------------------------------------

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 14 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … … … à … …, de nationalité … … , actuellement détenu au centre de séjour pour personnes en situation irrégulière, tendant à conférer un effet suspensif au recours en réformation introduit le même jour, portant le numéro 18057 du rôle, dirigé contre une décision du ministre de la Justice du 12 janvier 2004, lui notifiée le 26 avril suivant, ordonnant son placement au centre de séjour pour personnes en situation irrégulière, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde;

Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision entreprise;

Maître NGONO YAH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par arrêté du ministre de la Justice du 12 janvier 2004, Monsieur … … fut placé au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d'un mois à partir de la notification de la décision en question qui eut lieu le 26 avril suivant.

Par requête déposée le 14 mai 2004, portant le numéro 18057 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision de placement au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Par requête déposée le même jour, enregistrée sous le numéro 18058 du rôle, il fait exposer que depuis qu'il ne bénéficie plus des dispositions de la Convention de Genève, il a vécu au pays sans jamais commettre d'infraction. Il estime qu'il dispose de moyens personnels suffisants, qu'il ne constitue pas de menace pour l'ordre et la sécurité publics et qu'il n'existe aucun danger de fuite dans son chef.

2 Il en conclut que la mesure de placement décidée à son encontre est disproportionnée par rapport à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme proscrivant les détentions arbitraires. Il déclare vouloir faire fruit de l'article 1er de la Convention de Genève et solliciter "une nouvelle fois le statut de réfugié politique." Estimant que "la décision d'éloignement du territoire entamée au plus tard le 26 avril 2004 est manifestement disproportionnée", que l'autorité administrative ne peut refuser de prendre en considération sa nouvelle demande d'asile, il sollicite sa mise en liberté en attendant qu'il soit entendu et que le ministre de la Justice prenne une décision sur la recevabilité de sa nouvelle demande d'asile.

Le délégué du gouvernement conteste que les conditions pour un sursis à exécution ou une mesure de sauvegarde soient remplies.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

Par application de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Par ailleurs, le sursis à exécution ou une mesure de sauvegarde ne peuvent être ordonnés que lorsque l'affaire ne peut pas être évacuée dans un bref délai par le juge du fond.

Il se dégage finalement de l'agencement des mêmes textes que la compétence au provisoire du président du tribunal administratif est conditionnée par l'existence d'un recours au fond dirigé contre la décision au sujet de laquelle une mesure provisoire est sollicitée.

En l'espèce, il paraît se dégager du recours introduit au fond qu'il est exclusivement dirigé contre la décision de placement et non contre celle ordonnant l'éloignement de Monsieur … du territoire.

Or, la condition de l'impossibilité de voir l'affaire plaidée et décidée à brève échéance n'est pas remplie en matière de placement d'un étranger en attendant son rapatriement, étant donné que la loi prévoit en la matière une procédure rapide, l'affaire devant être plaidée et le 3 jugement rendu dans un délai de dix jours par la formation collégiale du tribunal administratif à partir de l'introduction de la demande.

Dans la mesure où la requête au fond pourrait être interprétée comme visant également la décision d'éloigner le demandeur du territoire, il faut constater que les conditions posées par les dispositions des articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, ne sont pas remplies.

D'une part, Monsieur … ne spécifie en aucune manière, concrètement, en quoi l'exécution de la décision d'éloignement lui causerait un préjudice grave et définitif.

D'autre part, outre la déclaration insolite, faite dans la requête introductive d'instance dont est saisi le soussigné, que le demandeur "sollicite une nouvelle fois le statut de réfugié politique", il ne se dégage d'aucune pièce qu'il soit à l'heure actuelle effectivement demandeur d'asile. Il reconnaît par ailleurs lui-même, dans la requête introduite devant les juges du fond, qu'il reconnaît se trouver en séjour irrégulier au Luxembourg. Le seul moyen qu'il paraît effectivement invoquer au fond est tiré de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953. Or, il se dégage d'une jurisprudence constante des juridictions administratives, dont le président du tribunal administratif, statuant au provisoire, ne saurait se départir, que l’article 5 § 1 point f de la Convention en question prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours, le terme d’expulsion devant être entendu dans son acceptation la plus large comme visant toutes les mesures respectivement d’éloignement et de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays (v. trib. adm. 22 mars 1999, Pas. adm. 2003, V° Droits de l'homme, n° 4, et les autres références y citées). Il s'en dégage pour le moins que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond, dans la mesure où il tendrait à viser la mesure d'éloignement décidée à l'encontre de Monsieur …, ne paraissent pas suffisamment sérieux pour justifier un sursis à exécution ou une mesure de sauvegarde.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare non fondées tant la demande en sursis à exécution que celle en institution d'une mesure de sauvegarde, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 18 mai 2004 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit , greffier en chef.

4 s. Schmit s.Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18058
Date de la décision : 18/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-18;18058 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award