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29/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17836

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 avril 2004, 17836


Tribunal administratif N° 17836 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 29 avril 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, X., contre une décision du bourgmestre de la commune de X.

en présence de Monsieur … et consorts, X.

en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 6 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, indépendant, demeurant à L-…, tendant à p...

Tribunal administratif N° 17836 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 29 avril 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, X., contre une décision du bourgmestre de la commune de X.

en présence de Monsieur … et consorts, X.

en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 6 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, indépendant, demeurant à L-…, tendant à prononcer le sursis à exécution de l'autorisation délivrée le 11 décembre 2003 par le bourgmestre de la commune de X. au bureau d'architectes A. pour compte de "la famille" … de "transformer la maison sise à X., …", ladite requête s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre l'autorisation en question, introduit le 26 mars 2004, portant le numéro 17814 du rôle;

Vu les exploits de l'huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, des 6 et 23 avril 2004, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l'administration communale de X., représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établie en sa maison communale sise à L-…, ainsi qu'à Monsieur …, pensionné, …, sans état, et …, commerçante, tous demeurant à L-…, ci-après dénommés "les consorts B.";

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Maître Marc KERGER pour le demandeur, Maître Philippe STROESSER pour l'administration communale de X. et Maître Tom FELGEN pour les consorts B. entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 décembre 2003, le bourgmestre de la commune de X. délivra au bureau d'architectes A., agissant pour compte de "la famille" …, l'autorisation de "transformer la maison sise à X., …." Estimant que l'autorisation viole différentes dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de X. et que son exécution risque de lui causer un préjudice grave et définitif, 2 Monsieur … a introduit le 26 mars 2004 un recours, inscrit sous le numéro 17814 du rôle, tendant à l'annulation de ladite autorisation de construire, et le 6 avril 2004, il a déposé une requête tendant à ordonner un sursis à l'exécution de l'autorisation de construire attaquée, en attendant la solution du litige au fond.

L'administration communale de X. ainsi que les bénéficiaires de l'autorisation de construire, à savoir Monsieur …, Madame … et Madame …, ci-après dénommés "les consorts B." dénient à Monsieur … un intérêt à agir à un double titre: d'une part, les travaux envisagés ne seraient pas de nature à aggraver sa situation de voisin; d'autre part, il faudrait examiner l'intérêt du demandeur par rapport à chacun des moyens tirés de la légalité de l'autorisation de bâtir, les moyens tirés de dispositions n'affectant pas le gabarit de la construction envisagée ou, plus généralement, les dispositions de l'autorisation ne portant pas sur des éléments affectant directement sa vue ne pouvant être critiquées par lui.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s'abstenir de préjuger les éléments soumis à l'appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu'il doit s'abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond. En revanche, il doit examiner et trancher les questions concernant la recevabilité de la demande dont il est personnellement saisi. Saisi d'une demande de sursis à exécution, il doit apprécier l'intérêt à agir du demandeur par rapport aux mesures sollicitées et débouter celui-ci s'il apparaît qu'il ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisamment caractérisé.

L'intérêt doit être direct et personnel. Il se mesure cependant non pas au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés.

Le voisin direct longeant le terrain devant accueillir une construction projetée et ayant une vue immédiate sur celle-ci justifie d'un tel intérêt personnel et direct à voir empêcher la réalisation de cette construction dès lors que sa situation de voisin se trouve aggravée par les travaux projetés. En se basant sur des considérations de vue tirées d'arguments relatifs au recul, à l'emplacement, au nombre de niveaux et à la hauteur de la construction du titulaire d'une autorisation de construire, le voisin justifie d'une telle aggravation de sa situation suffisant à faire contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur, son intérêt ne se confondant dès lors pas avec l'intérêt général.

Une fois que sa situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l'autorisation de construire critiquée, il est recevable à en faire contrôler la légalité dans son intégralité, en invoquant même des moyens tirés d'éléments qui n'ont pas d'impact direct sur sa vue, exception faite des moyens tirés de la violation de dispositions prévues dans l'intérêt exclusif de tierces personnes. En effet, l'intérêt s'apprécie au regard des conclusions de la demande et non des moyens qui y sont développés. Le juge ne peut opposer à un moyen développé une irrecevabilité tirée de ce que ledit moyen ne serait pas de ceux que le demandeur pourrait présenter eu égard à la nature de l'intérêt en considération duquel la requête a été reconnue recevable (v. C.E. fr., sous-sect. 15 mars 1957, cité in Juris-Classeur, Droit administratif, fasc. 1082, nos. 33 et 34).

En l'espèce, la requête en sursis à exécution étant basée sur ce que le champ de vision à partir de l'immeuble du demandeur sera modifié, qu'entre autres les reculs, la hauteur de 3 l'immeuble et la forme réglementaires ne seraient pas respectés, la situation de voisin du demandeur est susceptible d'être aggravée, de sorte que celui-ci justifie d'un intérêt suffisant pour agir et pour faire examiner tous les moyens tirés de la légalité de l'autorisation litigieuse dans le but de faire ordonner le sursis à exécution de l'autorisation.

Les parties défenderesses estiment par ailleurs que la continuation des travaux de construction ne serait pas de nature à causer au demandeur un préjudice grave et définitif, condition pourtant nécessaire pour justifier un sursis à exécution, étant donné que l'exécution de ces travaux n'aggraveraient pas sa situation de voisin.

Ce moyen est à rejeter, dès lors qu'il vient d'être constaté, à propos des développements consacrés à l'intérêt à agir, que sa situation de voisin se trouverait aggravée par les travaux envisagés.

L'administration communale conteste encore l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif en ce que le prétendu préjudice serait en tout état de cause réparable moyennant l'allocation de dommages-intérêts. Elle se prévaut de la jurisprudence dégagée dans le cadre de marchés publics où il serait pareillement retenu que le soumissionnaire évincé ne subirait pas un tel préjudice étant donné que son dommage pourrait être réparé moyennant compensation financière.

Un préjudice est définitif au sens de l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l'acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d'un préjudice définitif.

Au vu de la jurisprudence des juridictions judiciaires qui refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite (v. Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle), le risque de préjudice définitif, au cas où la construction serait achevée sous le couvert de l'autorisation attaquée, alors même que celle-ci serait annulée dans la suite, est établi en l'espèce.

La situation est foncièrement différente de celle existant en matière de marchés publics où l'adjudicataire évincé peut obtenir une pleine et entière satisfaction par l'allocation postérieure de dommages-intérêts compensant sa perte de bénéfices du fait de son éviction injustifiée, étant donné que l'attribution du marché lui aurait à son tour procuré essentiellement un gain financier.

Le moyen tiré de l'absence d'un risque de préjudice grave et définitif est partant à rejeter à son tour.

Les parties défenderesses estiment par ailleurs que l'autorisation litigieuse respecte toutes les dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de X..

Les critiques de Monsieur … portent sur les éléments suivants:

4 - dépassement du nombre de niveaux pleins. L'autorisation ne respecterait pas l'article 4 c) du règlement sur les bâtisses qui limite le nombre de niveaux pleins à deux, l'autorisation en prévoyant trois, y compris le rez-de-chaussée.

Les parties défenderesses rétorquent que le rez-de-chaussée, destiné à accueillir des garages et des locaux techniques, ne saurait être considéré comme niveau plein. Aucune habitation n'y serait prévue. De plus, l'article 6 du règlement sur les bâtisses accorderait au bourgmestre un pouvoir de dérogation en cas de transformation d'un immeuble.

- forme non réglementaire de la toiture. La toiture reposant sur la façade arrière du bâtiment principal, ainsi que celle reposant sur la façade droite comporteraient un angle de 70 degrés, alors que l'article 40 du règlement sur les bâtisses ne permettrait pas les toitures dont le gabarit dépasse un angle de 45 degrés sur la ligne de rive de la corniche mesurée conformément à l'article 22, la saillie de cette dernière étant de 75 cm au maximum.

L'administration communale et les consorts B. admettent que l'angle de la toiture dépasse pour partie un angle de 70 degrés, mais que la toiture respecterait dans son ensemble le gabarit de 45 degrés, seul exigé par le règlement sur les bâtisses.

- dépassement de la hauteur de la corniche. L'article 4 c) du règlement sur les bâtisses ne permettrait pas un dépassement de la hauteur de la corniche de 7 mètres, cette hauteur étant dépassée par la construction projetée.

Les parties défenderesses soutiennent que le point à partir duquel s'élève la toiture ne se trouve pas à une hauteur supérieure à 7 mètres mesurée à partir du niveau de l'axe de la chaussée.

- dépassement de la distance minimale à partir de la voie publique. Une partie de la construction ne respecterait pas la distance minimale de six mètres par rapport à la voie publique telle qu'exigée par l'article 4 b) du règlement sur les bâtisses.

L'administration communale de X. et les consorts B. rétorquent que le recul par rapport à la voie publique est identique à celui observé par l'ancienne construction. Par ailleurs, l'administration des Ponts et Chaussées aurait accordé une dérogation expresse à l'obligation de respecter un recul de six mètres par rapport à la voie publique.

- non-observation du recul latéral. La construction projetée ne respecterait pas l'article 4, d) du règlement sur les bâtisses qui exige un recul latéral de trois mètres par rapport au terrain voisin.

Les parties défenderesses se prévalent de l'accord écrit du voisin D. dont le terrain serait le seul par rapport auquel la distance minimale de trois mètres ne serait pas respectée.

- non-respect, par certaines fenêtres, du recul imposé par l'article 678 du code civil.

Les parties défenderesses se prévalent là encore de l'accord de leur voisin D..

La procédure instituée par l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, qui permet d'ordonner le sursis à exécution d'une décision administrative s'inscrit dans le cadre du recours au fond dont elle n'est qu'un accessoire étant donné qu'elle n'est destinée qu'à en régler 5 provisoirement les effets. Un sursis à exécution ne peut être ordonné qu'au cas où cette exécution risque de causer à une partie un préjudice grave et définitif et que celle-ci fait valoir, dans le cadre du recours au fond, des moyens qui apparaissent comme sérieux.

Il découle du caractère accessoire de la procédure du sursis à exécution que le juge appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens invoqués au fond ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés et accorder le sursis lorsqu'ils paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à entraîner l'annulation ou la réformation de la décision critiquée.

En l'espèce, si, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, les moyens tirés des reculs par rapport à la voie publique et à la propriété voisine, ainsi que de l'aménagement de fenêtres ne respectant pas les exigences de l'article 678 du code civil, ne paraissent pas suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution, il en va différemment des autres moyens invoqués.

Ainsi, selon l'article 20 du règlement sur les bâtisses, sont considérés comme niveaux pleins les étages situés entre et y compris le niveau du rez-de-chaussée et le niveau de la corniche, dont les vides d'étages sont de 2,40 m ou plus, l'article 4, c) disposant que le nombre maximum de niveaux pleins s'élève à 2.

Or, selon les plans versés, outre les deux niveaux d'habitation situés aux 1er et 2e étages, ayant chacun une hauteur de 2,60 m, la hauteur des pièces du rez-de-chaussée est partout d'au moins 2,45 m, répondant ainsi à son tour, après un examen sommaire des dispositions en vigueur, à la définition d'un niveau plein, l'affectation à l'habitation ou non du niveau en question étant à cet égard indifférente. Par ailleurs, la disposition de l'article 6 invoquée par les parties défenderesses comme permettant au bourgmestre de déroger au nombre de niveaux, n'envisage cette faculté que dans son alinéa 2, "dans le but de raccorder d'une façon esthétiquement valable une nouvelle construction à des constructions mitoyennes récentes, réalisées avant l'entrée en vigueur du projet d'aménagement", hypothèse non donnée en l'espèce puisqu'il ne s'agit pas de raccorder la construction envisagée à des constructions mitoyennes existantes.

Concernant la hauteur de la corniche, sa hauteur varie selon qu'on y intègre ou non la partie de la toiture présentant un angle de 70 degrés percée par des fenêtres mansardées de l'appartement du deuxième étage. Dans la logique des parties défenderesses, la toiture commence à une hauteur de la corniche de sept mètres, hauteur maximale de la corniche aux termes de l'article 4, c) du règlement sur les bâtisses. La toiture présente alors deux angles différents, 70 degrés dans la partie inférieure et 25 degrés dans la partie supérieure.

En vertu de l'article 40, a) du règlement sur les bâtisses, la toiture doit se trouver à l'intérieur d'un gabarit établi à 45 degrés sur la ligne de rive de la corniche mesurée conformément à l'article 22 (en réalité il doit s'agir de l'article 21), la saillie de cette dernière étant de 75 cm au maximum.

Qu'on fixe la ligne verticale nécessaire pour mesurer l'angle de 45 degrés en prolongeant directement la ligne donnée par la façade, ainsi que l'exige le demandeur, ou qu'on la fixe à une distance de 75 cm à partir de la façade, ainsi que l'entendent les parties défenderesses, la ligne horizontale étant fixée à la pointe supérieure de la corniche, au moins une partie de la toiture, plus ou moins grande suivant les prémisses ci-avant détaillées se 6 dégageant des positions respectives des parties, dépasse le gabarit permis selon le calcul imposé par l'article 40, a) du règlement sur les bâtisses.

Il paraît partant se dégager des pièces versées que la construction telle qu'autorisée reste en défaut de respecter au moins certaines des dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de X..

Il s'ensuit que le recours au fond contient certains moyens qui sont assez sérieux pour faire admettre des chances de réussite.

Les conditions légales d'un sursis à exécution étant remplies, il y a lieu de faire droit à la demande.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié, partant ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de l'autorisation de construire délivrée le 11 décembre 2003 par le bourgmestre de la commune de X. au bureau d'architectes A. pour compte de "la famille" … de "transformer la maison sise à X., …", en attendant la solution du litige au fond, actuellement pendant devant le tribunal administratif et portant le numéro 17814 du rôle, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 29 avril 2004 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17836
Date de la décision : 29/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-29;17836 ?

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