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02/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17674,17675

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2004, 17674,17675


Tribunal administratif Nos 17674 et 17675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 1er mars 2004 Audience publique du 2 mars 2004

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Requêtes en sursis à exécution, sinon en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Monsieur … … contre des décisions du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 1er mars 2004 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 17674 du rôle, par Maître Fran

çois MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif Nos 17674 et 17675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 1er mars 2004 Audience publique du 2 mars 2004

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Requêtes en sursis à exécution, sinon en institution d'une mesure de sauvegarde introduites par Monsieur … … contre des décisions du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 1er mars 2004 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 17674 du rôle, par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, de nationalité … …, actuellement détenu au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à voir ordonner le sursis à exécution par rapport à une décision d'incompétence du ministre de la Justice, prise le 2 février 2004, d'examiner sa demande d'asile au motif que la compétence afférente reviendrait à l'Allemagne;

Vu la requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 17675, par le même demandeur, tendant à voir ordonner le sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de la Justice ordonnant son transfert en Allemagne en exécution de la décision d'incompétence du ministre de la Justice luxembourgeois à examiner sa demande d'asile, les autorités allemandes ayant accepté de l'accueillir en vue d'examiner cette demande, sinon à voir ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans l'autorisation du demandeur à rester sur le territoire luxembourgeois en attendant l'examen au fond de sa requête en réformation, sinon en annulation, introduite le 1er mars 2004, inscrite sous le numéro 17676 du rôle, dirigée contre la décision ministérielle d'incompétence ci-avant visée;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Maître Claudia MONTI, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives le 2 mars 2004 à 11.00 heures.

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2 Le 22 octobre 2003, Monsieur … …, de nationalité … …, introduisit oralement une demande en obtention du statut de réfugié politique auprès du service compétent du ministère de la Justice. Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l'itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il fut encore entendu le 1er décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d'asile.

Par décision du 2 février 2004, le ministre de la Justice, se basant sur la disposition de l'article 16, paragraphe 1er, sub e) du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ci-après désigné par "le règlement n° 343/2003", se déclara incompétent pour connaître de la demande d'asile, soulignant que ce serait la République fédérale d'Allemagne qui serait responsable du traitement de sa demande d'asile.

Les autorités luxembourgeoises ont dans la suite sollicité et obtenu, de la part des autorités allemandes, un engagement de reprise en charge de Monsieur … ….

Par décision du 20 février 2004, le ministre de la Justice, estimant qu'un éloignement immédiat de Monsieur … … n'était pas possible, ordonna son placement, dans l'attente de cet éloignement, au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d'un mois.

Par requête déposée le 1er mars 2004, inscrite sous le numéro 17676 du rôle, Monsieur … … a introduit un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation de la décision d'incompétence du ministre de la Justice du 2 février 2004.

Par deux requêtes déposées le même jour, inscrites respectivement sous les numéros 17674 et 17675 du rôle, Monsieur … … sollicite du président du tribunal administratif le sursis à exécution de la décision d'incompétence du ministre de la Justice du 2 février 2004 ainsi que de celle ordonnant son transfert vers l'Allemagne, sinon une mesure de sauvegarde consistant dans l'autorisation de rester sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en attendant que sa situation comme demandeur d'asile soit examinée au Luxembourg.

Les deux requêtes, régulières en la forme, sont recevables.

Les deux émanant de la même partie, étant dirigées contre une seule et même partie et tendant par ailleurs au même but, à savoir le non-transfert de Monsieur … … vers l'Allemagne, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule et même ordonnance.

Monsieur … … estime que l'exécution des décisions incriminées lui causerait un préjudice grave et définitif. Il fait exposer qu'il était demandeur d'asile en Allemagne depuis 1992 mais que sa demande y a été entre-temps rejetée définitivement, de sorte qu'en cas de retour dans ce pays, il risquerait d'être renvoyé vers son pays d'origine où son intégrité physique serait menacée. Un départ vers l'Allemagne l'empêcherait encore de continuer à poursuivre activement au Luxembourg les procédures qu'il y a engagées, étant donné qu'il perdrait tout contact avec son avocat.

Il estime par ailleurs que les moyens invoqués dans le cadre du recours au fond sont sérieux. Il se prévaut de l'article 7 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d'une 3 procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2. d'un régime de protection temporaire, pour soutenir qu'en instruisant sa demande, le ministre de la Justice aurait renoncé de manière implicite à se déclarer incompétent pour connaître de sa demande d'asile et qu'il aurait partant accepté d'examiner sa demande d'asile. – Les faits invoqués à l'appui de sa demande d'asile au Luxembourg seraient différents de ceux invoqués au cours de la procédure de demande d'asile qui s'est déroulée en Allemagne et qui y a abouti à un débouté de ses prétentions, de sorte que même si une demande d'asile avait été introduite antérieurement en Allemagne, le ministre de la Justice luxembourgeois serait actuellement compétent pour connaître de sa nouvelle demande d'asile. – En vertu de l'article 13 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes, la reprise par les autorités allemandes aurait dû intervenir dans le mois de l'acceptation par les autorités allemandes, intervenue le 22 janvier 2004.

Le délégué du gouvernement conteste tant le risque de préjudice grave et définitif que l'existence de moyens sérieux au fond.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

L'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose que le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En l'espèce, Monsieur … … reste en défaut de prouver en quoi la décision d'incompétence et l'exécution de la décision de reprise par les autorités allemandes risqueraient de lui causer un préjudice grave et définitif.

Aux termes de son premier considérant, le règlement n° 343/2003 considère qu'une politique commune dans le domaine de l'asile, incluant un régime d'asile européen commun, est un élément constitutif de l'objectif de l'Union européenne visant à mettre en place progressivement en espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans la Communauté. Tablant sur l'équivalence des procédures devant assurer la protection des demandeurs d'asile applicables dans les différents Etats membres, le règlement en question fixe des règles de compétence en 4 vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile émanant d'un ressortissant d'un Etat tiers. Il s'ensuit qu'un demandeur d'asile ne saurait se prévaloir d'un préjudice quelconque qu'il risquerait de subir au cas où sa demande d'asile serait examinée dans un Etat membre plutôt que dans un autre. Par conséquent, le seul fait que le ministre de la Justice luxembourgeois se soit déclaré incompétent en faveur des autorités allemandes n'est pas de nature à causer un préjudice à Monsieur … ….

Celui-ci se prévaut encore de ce qu'il a vu sa demande d'asile rejetée par les autorités allemandes et qu'il risque de se voir renvoyer vers son pays d'origine au cas où il serait pris en charge par ces autorités.

Cette argumentation ne saurait valoir à son tour. En effet, l'article 16, paragraphe 1er, sub e) du règlement n° 343/2003 prévoit que l'Etat membre qui a rejeté la demande d'asile du ressortissant d'un Etat tiers qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre, est obligé de reprendre ledit ressortissant, ce qui implique logiquement qu'un tel rejet d'une demande d'asile dans un Etat membre produit ses effets dans les autres Etats membres. Admettre le contraire priverait de toute justification les règles de compétence établies par le règlement précité et les priverait par ailleurs de toute efficacité en ce qu'un demandeur d'asile débouté dans un Etat membre pourrait tenter d'obtenir l'asile politique dans chacun des autres Etats membres, dans le cadre de procédures successives, sur base de mêmes faits et arguments ayant motivé la demande initiale.

L'argumentation selon laquelle la demande d'asile actuellement pendante au Luxembourg serait basée sur des faits différents de ceux ayant motivé la demande présentée et rejetée en Allemagne ne saurait valoir non plus, étant donné qu'au point de vue du risque de préjudice grave et définitif qui pourrait justifier le sursis à exécution ou l'institution d'une mesure de sauvegarde, il est indifférent que les nouveaux faits de persécution invoqués soient examinés en Allemagne ou au Luxembourg.

Par ailleurs, à une époque où les moyens de télécommunication – téléphone, télécopieur, courrier électronique – permettent à des personnes de communiquer aisément à distance, l'argument selon lequel un éloignement du territoire luxembourgeois ne permettrait plus à Monsieur … … d'entretenir avec son avocat les contacts nécessaires pour poursuive utilement les procédures engagées au Luxembourg, ne convainc pas.

Le demandeur n'ayant pas établi que l'exécution des décisions entreprises risque de lui causer un préjudice grave et définitif, il est à débouter de ses demandes respectives de sursis à exécution et d'institution d'une mesure de sauvegarde.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit les requêtes introduites sous les numéros respectifs 17674 et 17675 du rôle en la forme, les joint, 5 déclare les demandes non fondées et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 2 mars 2004 à 16.00 heures par M.

Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17674,17675
Date de la décision : 02/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-02;17674.17675 ?

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