La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2003 | LUXEMBOURG | N°17059

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2003, 17059


Tribunal administratif N° 17059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 23 octobre 2003

=============================

Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … contre une décision de la commission pénitentiaire en matière d'exécution des peines

--------------------------------------


ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo

nsieur …, né le …, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à conférer un...

Tribunal administratif N° 17059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 23 octobre 2003

=============================

Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … contre une décision de la commission pénitentiaire en matière d'exécution des peines

--------------------------------------

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à conférer un effet suspensif au recours en annulation introduit le même jour, portant le numéro 17058 du rôle, dirigé contre une décision prise le 23 septembre 2003 par la commission pénitentiaire instituée par l'article 12 de la loi modifiée du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des peines privatives de liberté, lui refusant la libération anticipée;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Henri FRANK ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par arrêt de la Cour d'appel de Luxembourg du 10 janvier 1992, Monsieur … fut condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans, dont deux avec sursis, du chef de viol à l'aide de violences et de menaces et d'attentat à la pudeur avec violences et menaces.

Le 26 mai 1997, le ministre de la Justice prit à son encontre un arrêté d'expulsion, basé sur ses antécédents judiciaires.

Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 26 novembre 1998, il fut condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont un an assorti du sursis probatoire.

En vertu d'une décision rendue le 15 juin 2000 par la commission prévue par l'article 12 de la loi modifiée du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des peines privatives de liberté, il bénéficia d'une libération anticipée à partir du 1er juillet 2000, entre 2 autres sous la condition de ne plus revenir au pays, sous peine de devoir purger le restant de sa peine.

Lors d'un contrôle d'identité effectué le 19 mars 2003, il fut appréhendé à Luxembourg et incarcéré.

Trois demandes de libération conditionnelle furent rejetées en dates respectivement des 30 avril, 4 juin et 23 septembre 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003, inscrite sous le numéro 17058 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision de refus du 23 septembre 2003, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 17059 du rôle, il sollicite le sursis à exécution de la décision attaquée.

Il fait valoir que la décision de rejet de sa demande de libération anticipée du 23 septembre 2003 est basée sur une première décision de rejet du 4 juin 2003 qui ne contient pas de motifs, de sorte que la décision attaquée pâtirait du même tiré du défaut de motivation et serait partant illégale. Il fait ajouter que son élargissement, le 3 juillet 2000, ne trouverait pas sa cause, comme soutenu par le gouvernement, dans l'article 11 de la loi du 26 juillet 1986, précitée, mais dans le fait qu'à cette date, il avait purgé l'intégralité de sa peine prononcée par le tribunal correctionnel de Luxembourg le 26 novembre 1998. Dans la mesure où il serait actuellement détenu sur base de l'arrêt de la Cour d'appel du 10 janvier 1992, sa détention serait illégale étant donné que cette peine serait prescrite. – Il estime par ailleurs qu'il y a extrême urgence à ce qu'il soit libéré étant donné qu'il est privé de liberté.

La déléguée du gouvernement soulève à titre principal l'irrecevabilité du recours en tant que celui-ci a été adressé au tribunal administratif, alors que le sursis à exécution et les mesures de sauvegarde ne peuvent être ordonnés que par le président dudit tribunal, par application des articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Il est vrai que le président du tribunal administratif est seul compétent pour ordonner les mesures visées aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, dispositions sur lesquelles la requête litigieuse est basée.

Il ne découle cependant pas à l'exclusion de tout doute que le demandeur ait eu l'intention de s'adresser au tribunal administratif siégeant dans sa formation collégiale. En l'absence de l'utilisation d'une formule dans laquelle il s'adresserait à une pluralité de magistrats (comme p. ex. "A Mesdames et Messieurs les président et juges composant le tribunal administratif"), une telle conclusion ne saurait en effet se déduire du seul intitulé de la requête ("Recours en référé devant le tribunal administratif"), ni du dispositif, dans lequel il est demandé au "tribunal administratif" d'ordonner le sursis à exécution, étant donné que le président du tribunal administratif constitue à son tour une formation dudit tribunal.

Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que le demandeur a entendu saisir de sa demande le magistrat compétent pour ordonner les mesures sollicitées et de rejeter le moyen d'irrecevabilité, qui s'analyse en réalité en un moyen d'incompétence.

L'exception de chose jugée n'étant pas un moyen d'ordre public, il n'appartient pas au soussigné, en l'absence d'invocation dudit moyen par la partie défenderesse, d'y statuer par 3 rapport à l'ordonnance rendue le 1er octobre 2003 entre les mêmes parties, ayant le même objet et la même cause, quitte à ce que les moyens invoqués à l'appui de la nouvelle requête soient différents.

Au fond, la déléguée du gouvernement expose que du fait de la nouvelle condamnation du 26 novembre 1998 et par application de l'article 627 du code d'instruction criminelle, il y a eu déchéance du sursis dont était assortie la peine prononcée par arrêt du 10 janvier 1992, étant donné que Monsieur … avait commis une nouvelle infraction dans les cinq ans du prononcé de l'arrêt, à savoir le 25 juin 1995. Elle explique par ailleurs que la peine encourue en 1998 a été purgée le 16 août 1999 et que les cinq ans de prison – en raison de la déchéance du sursis – de la peine prononcée par l'arrêt de 1992 ont été subis du 12 août 1991 au 11 octobre 1993 et de nouveau à partir du 16 août 1999, la fin théorique ayant été le 21 mai 2002. Elle estime qu'à la date de sa libération anticipée, le 3 juillet 2000, Monsieur … était partant en train de purger le restant de la peine encourue le 10 janvier 1992 et que suite à la révocation de la mesure de libération anticipée, il est actuellement encore en train de purger le restant de la peine prononcée en 1992. – Elle est d'avis que cette peine n'est pas prescrite étant donné que par application de l'article 92 du code pénal, le délai de prescription de la peine est de dix ans et que ce délai a été interrompu par l'ordre d'écrou délivré à son encontre le 9 juillet 1999 pour faire courir un nouveau délai de prescription de la peine de dix ans.

Monsieur … fait répliquer qu'en l'espèce, le délai de prescription de la peine est de cinq ans seulement, et que seule une arrestation, et non un ordre d'écrou, est de nature à interrompre la prescription.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

L'article 92, alinéa 1er du code pénal prévoit que les peines correctionnelles se prescrivent par cinq années révolues, tandis que l'alinéa 2 du même article précise que si la peine prononcée dépasse trois années, la prescription est de dix ans. L'article 95 dispose que la prescription de la peine est interrompue par l'arrestation du condamné.

4 En l'espèce, la peine prononcée par la Cour d'appel dans son arrêt du 10 janvier 1992 a été de cinq ans, quitte à ce que la Cour ait précisé qu'il serait sursis à l'exécution de cette peine pendant deux ans, ce qui ne constitue qu'une modalité d'exécution de la peine, de sorte qu'on ne saurait admettre que par l'effet du sursis, une peine de trois ans d'emprisonnement seulement aurait été prononcée.

D'autre part, on ne saurait sérieusement prétendre que, lorsqu'une personne se trouve d'ores et déjà la disposition de la justice, un ordre d'écrou émis pour purger une peine ne serait pas interruptif de la prescription de la peine et que seule une arrestation du condamné serait de nature à l'entraîner, sous peine, en cas de deux peines à subir de manière subséquente, ce qui se produit précisément en cas de déchéance du sursis auquel cas, par application de l'article 627 du code d'instruction criminelle, la confusion des peines est exclue, de devoir libérer une personne emprisonnée pour ensuite pouvoir l'arrêter en vue de l'exécution de la seconde condamnation.

Il suit des considérations qui précèdent que les moyens invoqués à l'appui de la demande en institution d'une mesure provisoire ne présentent pas, en l'état actuel de l'instruction du dossier, le degré de sérieux suffisant pour justifier l'institution d'une telle mesure.

La demande doit partant être rejetée sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le risque d'un préjudice grave et définitif, la condition du sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond devant être cumulativement remplie avec celle d'un tel risque.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit la demande en la forme, au fond la déclare non justifiée et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 23 octobre 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17059
Date de la décision : 23/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-23;17059 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award