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22/10/2003 | LUXEMBOURG | N°17053

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 octobre 2003, 17053


Tribunal administratif N° 17053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 22 octobre 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston STEIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Laurent LUCAS, avocat, inscrits au tableau de l'ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … …, employée privée, ayant demeuré à L-… …, demeurant...

Tribunal administratif N° 17053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 22 octobre 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston STEIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Laurent LUCAS, avocat, inscrits au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … …, employée privée, ayant demeuré à L-… …, demeurant actuellement à B-… …, tendant à conférer un effet suspensif au recours en réformation, subsidiairement en annulation introduit le même jour, portant le numéro 17052 du rôle, dirigé contre un arrêté ministériel du 27 avril 2001 lui refusant la carte d'identité d'étranger et lui enjoignant de quitter le territoire dans le délai d'un mois, décision confirmée sur recours gracieux le 4 septembre 2003;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Laurent LUCAS et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 27 avril 2001, confirmé sur recours gracieux le 4 septembre 2003, le ministre de la Justice refusa de délivrer à Madame … … la carte d'identité d'étranger et l'invita à quitter le pays dans le délai d'un mois, au motif qu'elle avait été condamnée le 6 juillet 1998 par le tribunal correctionnel du Havre (France) à une peine d'emprisonnement de quatre ans, dont deux avec sursis, du chef d'escroquerie et d'escroquerie réalisée en bande organisée, le 29 novembre 1974 par le tribunal correctionnel de Bruxelles à une peine d'emprisonnement de trois mois pour escroquerie, chèque sans provision et banqueroute simple, et le 2 octobre 1996 par le même tribunal à une peine d'emprisonnement de cinq ans et à une amende de 500.000,-

francs belges du chef de faux en écritures et usage de faux, banqueroute, escroquerie, abus de confiance / détournement, recels, association de malfaiteurs, chèque sans provision, infraction en matière de comptabilité et comptes annuels des entreprises et insolvabilité frauduleuse;

finalement que par son comportement personnel l'intéressée est susceptible de troubler l'ordre public.

2 Par requête déposée le 16 octobre 2003, inscrite sous le numéro 17052 du rôle, Madame … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle du 27 avril 2001, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 17052 du rôle, elle a introduit une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de la décision en question.

Elle fait exposer que la décision entreprise est de nature à lui causer un préjudice grave et définitif étant donné que si elle est obligée de quitter le pays, elle perdra les attaches sociales et professionnelles qu'elle y a créées. Elle fait expliquer, dans ce contexte, qu'elle était domiciliée au Luxembourg depuis 1989, qu'elle y occupe un emploi, qu'elle y effectue un stage au CESD et qu'elle y remplit des fonctions bénévoles auprès de l'association d'entraide STEMM VUN DER STROOSS.

Elle estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui du recours déposé au fond sont sérieux. Elle invoque à cet effet l'article 5, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main d'œuvre étrangère en vertu duquel seule une condamnation à l'étranger pour crime ou délit donnant lieu à une extradition conformément à la loi et aux traités en la matière pourrait justifier un refus de la carte d'identité. Or, en l'espèce, la condamnation pénale en Belgique visée, relative à la fiscalité, ne justifierait pas l'extradition. La condamnation subie en France, ayant effectivement donné lieu à une extradition, serait à relativiser, eu égard au rôle effacé joué par Madame … dans la commission des infractions par d'autres personnes ayant réussi à lui faire endosser leurs responsabilités. Finalement, la décision ministérielle de refus ne spécifierait pas en quoi le comportement personnel de la demanderesse serait susceptible de troubler l'ordre public.

Le délégué du gouvernement soulève l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'intérêt dans le chef de la demanderesse au motif que celle-ci réside actuellement en Belgique, de sorte qu'elle n'aurait aucun intérêt à solliciter une carte d'identité d'étranger lui permettant de résider au Luxembourg.

Ce moyen est à rejeter, étant donné qu'il ressort clairement de l'exposé des faits que Madame …. a déménagé en Belgique suite au refus de la délivrance d'une carte d'identité par les autorités luxembourgeoises et qu'elle compte y retourner en cas de succès de sa demande.

Le délégué du gouvernement soulève encore l'irrecevabilité de la demande au motif que le refus de la carte d'identité constitue une décision négative à l'égard de laquelle un sursis à exécution ne se conçoit pas.

Il est vrai qu'une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure ne saurait faire l'objet d'une mesure de sursis à exécution. Tel est le cas d'une décision de refus de délivrance d'une carte d'identité.

Une telle mesure est en revanche susceptible de faire l'objet d'une mesure de sauvegarde.

Il se dégage de l'exposé des motifs de la requête en sursis à exécution que Madame ….

entend pouvoir résider au Luxembourg en attendant la solution de son recours au fond. Dans ce sens la demande tend à l'institution d'une mesure de sauvegarde tendant à lui conférer ce 3 droit. Il y a lieu de relever, dans ce contexte, qu'elle invoque non seulement l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, relative au sursis à exécution, mais également l'article 12 prévoyant l'institution de mesures de sauvegarde.

Le moyen d'irrecevabilité tiré de ce que le recours est dirigé contre une décision négative est partant à admettre en tant que la demande tend à voir ordonner le sursis à exécution.

La demande est par contre à déclarer recevable en tant qu'elle tend à l'institution d'une mesure de sauvegarde.

Au fond, le délégué du gouvernement estime que la décision de refus de délivrer à Madame …. une carte d'identité d'étranger n'est pas de nature à lui causer un préjudice grave et définitif, étant donné qu'elle peut résider en Belgique et continuer à venir travailler au Luxembourg. Il est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne sont pas sérieux. Il souligne à cet effet que Madame …. a effectivement fait l'objet d'une extradition vers la France en 1997, de sorte que les conditions de l'article 5, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, sont remplies.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Il se dégage des pièces versées que Madame …. occupe actuellement un emploi régulier consistant à s'occuper des enfants d'un couple habitant à …. Il s'agit d'une occupation qui exige une présence presque continue sur le lieu de travail. Logiquement, le contrat de travail prévoit que Madame …. est logée auprès de ses employeurs. Elle suit par ailleurs des formations et elle est active dans le bénévolat. Une résidence en dehors du pays menacerait à court terme son emploi et lui ferait perdre les avantages découlant des formations qu'elle suit 4 au Luxembourg. Dans cette optique, le maintien de la décision de refus de lui délivrer une carte d'identité d'étranger risque de lui causer un préjudice grave et définitif.

Concernant le sérieux des moyens invoqués à l'appui de son recours au fond, il y a lieu de remarquer que la demanderesse a effectivement été extradée vers la France en 1997 et qu'a priori, les conditions de l'article 5, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sont remplies.

– Eu égard cependant au fait que la demanderesse a intégralement purgé sa peine en France, que les autorités luxembourgeoises ont refusé son extradition vers la Belgique, que par ailleurs les autorités belges se sont déclarées d'accord à la faire bénéficier du régime de la libération conditionnelle par rapport à la peine à laquelle elle a été condamnée en Belgique, notamment au vu de son emploi du temps au Luxembourg, que finalement, elle n'a pas commis d'infractions au Luxembourg et n'y a pas troublé l'ordre public, il n'est pas exclu que le juge du fond, par application du principe de proportionnalité, ancré en droit administratif luxembourgeois (v. Cour adm. 2 juillet 1998, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 2;

6 juin 2002, loc. cit., n° 14), procède à l'annulation du refus de la délivrance d'une carte d'identité d'étranger.

Les conditions d'application de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, étant remplies, il y a lieu d'ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans l'autorisation de Madame …. de séjourner sur le territoire luxembourgeois en attendant la solution du litige au fond.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare le recours en sursis à exécution irrecevable, déclare la demande en institution d'une mesure de sauvegarde recevable et fondée, partant, dit qu'en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond, introduit le 16 octobre 2003, inscrit sous le numéro 17052 du rôle, Madame … … est autorisée à séjourner sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 22 octobre 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier assumé.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17053
Date de la décision : 22/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-22;17053 ?

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