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21/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16890

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 août 2003, 16890


Numéro 16890 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2003 Audience publique du 21 août 2003 Recours formé par Monsieur … … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16890 du rôle, déposée le 12 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … …, né le … … à Sarajevo (Bosnie-Herzégovi

ne), actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à S...

Numéro 16890 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2003 Audience publique du 21 août 2003 Recours formé par Monsieur … … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16890 du rôle, déposée le 12 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … …, né le … … à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 16 juillet 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 août 2003.

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Suivant arrêté du ministre de la Justice du 28 mai 2003, Monsieur … … … fit l’objet d’une première mesure de placement sous une fausse identité, à savoir celle de … …, né … …, de nationalité croate.

Il ressort encore d’un procès-verbal du 4 juillet 2003, référencé sous le numéro 6/1216/2003/KL, établi par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, qu’en date du 19 juin 2003 une première tentative de rapatriement du demandeur vers la Croatie s’était avérée impossible, au vu du refus des autorités croates de reprendre le demandeur sur base d’un passeport falsifié.

Par la suite Monsieur… déclina son identité actuelle et fit l’aveu de l’usage du faux passeport établi au nom de … ….Monsieur… fut de nouveau placé, par arrêté du ministre de la Justice du 16 juillet 2003, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé a fait usage d’un passeport croate falsifié ;

- qu’il est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités bosniaques ;

- qu’en attendant ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 12 août 2003, Monsieur… a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 16 juillet 2003.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation lui déféré.

Ce même recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité de la demande pour violation de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, au motif que la requête introductive contiendrait une indication erronée de la date de la décision entreprise, à savoir le 10 octobre 2002, et que le demandeur n’aurait pas été placé au Centre pénitentiaire de Schrassig mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Ledit moyen est cependant à rejeter, étant donné que l’indication erronée de la date du 10 octobre 2002 ne constitue qu’une erreur purement matérielle, le demandeur ayant clairement indiqué au dispositif de sa requête que la décision entreprise est celle rendue en date du 16 juillet 2003, décision d’ailleurs déposée à l’appui du recours introduit. De même, le fait que le demandeur a mentionné qu’il se trouverait placé au « Centre pénitentiaire de Schrassig » ne saurait entraîner l’irrecevabilité du recours, étant donné que par règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus » appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) », de sorte que le demandeur a valablement pu faire référence dans son recours au Centre pénitentiaire de Schrassig, étant donné que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’est pas à considérer comme un établissement à part du Centre pénitentiaire proprement dit.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les conditions pour prononcer une mesure de placement à son encontre ne seraient pas données, étant donné que son identité serait à l’heure actuelle parfaitement établie, qu’il n’y aurait dans son chef aucun danger de soustraction à son rapatriement, qu’il ne constituerait d’ailleurs pas un danger pour l’ordre public luxembourgeois et que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas entrepris des démarches suffisantes en vue de son rapatriement vers la Bosnie-

Herzégovine.

Le délégué du gouvernement rétorque qu’il appartiendrait aux autorités bosniaques de confirmer l’identité du demandeur en lui délivrant un laissez-passer avant de pouvoir procéder à un nouveau rapatriement. Quant aux conditions de la mesure de placement, le représentant étatique fait valoir que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des retenus telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, précité, de sorte que toute discussion sur l’existence d’un risque de porter atteinte à l’ordre public et d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur… s’avérait non pertinente en la matière. Finalement, il ressortirait du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises auraient entrepris des démarches suffisantes en vue du rapatriement du demandeur vers son pays d’origine.

Il est constant en cause que la décision de placement litigieuse n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la décision de placement est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une décision de placement a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle mesure de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de placement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion (cf. trib. adm. 4 mars 1999, n° 11140 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 179 et autres références y citées, p. 222).

En l’espèce, parmi les motifs invoqués à l’appui de la décision de placement, le ministre de la Justice fait état du fait que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays. Dans la mesure où il est constant que le demandeur n’est en possession ni de papiers de légitimation prescrits, ni de visa, une mesure de refoulement telle que prévue par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 était en principe justifiée à son égard.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que le demandeur aurait à l’heure actuelle révélé sa véritable identité aux autorités luxembourgeoises, auxquelles il aurait d’ailleurs remis sa carte d’identité, étant donné qu’en tout état de cause la décision entreprise retient à bon droit que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au pays et qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Quant aux moyens du demandeur tirés de l’absence d’un danger de fuite et de dangerosité dans son chef, il y a lieu de relever que Monsieur… fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002. Dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, précité, de sorte que toute discussion sur l’existence d’un risque de porter atteinte à l’ordre public et d’un risque de fuite dans son chef s’avère désormais non pertinente en la matière, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-

ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Finalement, il ressort des éléments du dossier administratif que le ministre de la Justice, une fois l’identité actuelle de Monsieur… établie, s’est adressé dès le 2 juillet 2003 au consulat général de Bosnie-Herzégovine à Bonn pour solliciter un laissez-passer en vue du rapatriement du demandeur vers son pays d’origine. En outre, le ministre de la Justice a adressé en date des 14 et 28 juillet 2003 deux nouveaux écrits audit consulat général en vue du rapatriement de Monsieur… . D’après les explications orales du délégué du gouvernement à l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, le laissez-passer sollicité serait d’ailleurs entretemps disponible auprès du consulat de Bosnie-Herzégovine à Bonn.

Au vu de ces diligences, on ne saurait partant reprocher audit ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de l’éloignement du demandeur dans les plus brefs délais, de sorte que le reproche afférent laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 21 août 2003 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16890
Date de la décision : 21/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-21;16890 ?

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