La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16888

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 août 2003, 16888


Numéro 16888 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2003 Audience publique du 21 août 2003 Recours formé par Monsieur … … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16888 du rôle, déposée le 12 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … …, né le … …, de nationalité alg

érienne, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à...

Numéro 16888 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2003 Audience publique du 21 août 2003 Recours formé par Monsieur … … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16888 du rôle, déposée le 12 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … …, né le … …, de nationalité algérienne, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 août 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 août 2003.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 4 août 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … … … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport N° 6/867/03/AR du 30 avril 2003 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en date du 30 avril 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 10§1 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 a été adressée aux autorités françaises en date du 2 juin 2003 ;

- que les autorités françaises ont accepté cette reprise en charge en date du 22 juillet 2003 ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible, alors que les autorités françaises nécessitent d’un délai minimum de 3 jours pour organiser le transfert ».

Par requête déposée le 12 août 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 4 août 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a relevé que Monsieur… a été rapatrié vers la France en date du 13 août 2003.

S’il est vrai que le demandeur n’est plus à l’heure actuelle placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la décision de placement actuellement litigieuse, force est cependant de constater qu’il a sollicité non seulement qu’il soit mis un terme à la mesure de placement prise à son égard, mais qu’il entend également faire examiner la légalité de la mesure prise à son égard, de sorte que son recours garde un objet.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la condition légale d’un risque de soustraction à la mesure de rapatriement ultérieure n’existerait pas dans son chef au motif qu’il aurait introduit en date du 30 avril 2003 une demande d’asile auprès du bureau d’asile du ministère de la Justice, qu’il aurait résidé dans le foyer où il avait été placé par les autorités luxembourgeoises et qu’il se serait présenté au ministère de la Justice aux dates auxquelles il a été convoqué, de sorte qu’aucun indice ne justifierait la conclusion quant à un risque de fuite dans son chef. Le demandeur soutient encore que son placement constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constituerait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement, étant donné que le régime de détention serait quasiment identique à celui applicable aux détenus de droit commun.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’enquête du service de police judiciaire aurait révélé que le demandeur se serait vu refuser l’asile en France en date du 8 avril 2003, soit trois semaines avant le dépôt de la demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg, fait qu’il aurait caché aux autorités luxembourgeoises. Il serait dès lors raisonnable de penser que le requérant ferait tout pour empêcher son transfert vers la France, de sorte qu’un danger de soustraction à la mesure d’éloignement existerait.

Pour le surplus, le demandeur ne serait pas placé au Centre pénitentiaire proprement dit mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée.

Force est de constater qu’il est apparu au cours de l’instruction du dossier, que le demandeur, préalablement à sa venue au Luxembourg, avait déjà présenté une demande d’asile en France qui avait fait l’objet d’un refus en date du 8 avril 2003. Cette demande d’asile préalable en France et le refus subséquent, quelle que soient leur qualification en droit interne, à condition qu’ils puissent être de nature à tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève, déclenchent le mécanisme de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 10, 1. de la Convention prévisée de Dublin, en ce sens qu’il se trouve visé par le point e) dudit article en tant que demandeur d’asile dont la demande a été rejetée et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre. Dans ce contexte, il échet d’ailleurs de noter que suite à une demande de reprise en charge par les autorités luxembourgeoises auprès des autorités françaises, le ministère de l’Intérieur français a marqué son accord avec cette prise en charge par courrier du 22 juillet 2003.

Compte tenu du fait que le demandeur avait volontairement caché qu’il avait présenté une demande d’asile antérieure en France et eu égard au fait que le demandeur refuse de retourner en France, il y a lieu d’admettre qu’il existe en l’espèce un risque que l’intéressé tentera d’éviter dans la mesure du possible son éloignement du territoire luxembourgeois, de sorte que le ministre a valablement pu décider de le placer dans un Centre de séjour fermé destiné au séjour provisoire des étrangers en situation irrégulière en attendant leur éloignement.

Concernant ensuite le caractère approprié du lieu de placement retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Force est encore de retenir que la création d’un tel Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’a pas pour conséquence qu’aucun autre établissement ne puisse être considéré comme approprié au sens de l’article 15 précité, au vu des éléments de chaque cas d’espèce, une telle volonté ne se dégageant en effet ni de la disposition légale précitée, ni du règlement grand-ducal en question.

En l’espèce, le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, est à considérer comme un établissement approprié, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays et qu’il ne fait état d’aucun élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que son moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Le délégué du gouvernement sollicite, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 2000 € du chef d’indemnités des délégués du gouvernement en arguant que le demandeur se serait borné à reprendre des moyens de droit qui auraient été toisés et rejetés à de multiples reprises par le tribunal.

En l’espèce, les conditions d’application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 précitée ne sont pas remplies, étant donné que le tribunal est amené à apprécier la légalité et le bien-fondé des décisions lui soumises au cas par cas par rapport aux dispositions légales applicables et que la sanction du caractère pertinent ou non des arguments de droit présentés, voire du caractère manifestement infondé d’un recours se résument en principe à l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation, dans la mesure des moyens d’annulation, en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

rejette la demande de l’Etat en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 21 août 2003, par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16888
Date de la décision : 21/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-21;16888 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award