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06/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16706

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 août 2003, 16706


Tribunal administratif N° 16706 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2003 Audience publique du 6 août 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16706 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2003 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, assisté de Maître Renaud LE SQUEREN, avocat, tous les deux inscrits a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Nsa Sra da Kuz-Praia ...

Tribunal administratif N° 16706 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2003 Audience publique du 6 août 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16706 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2003 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, assisté de Maître Renaud LE SQUEREN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Nsa Sra da Kuz-Praia (Cap Vert), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 avril 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 17 juin 2003, suite à un recours gracieux du demandeur du 6 juin 2003;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Renaud LE SQUEREN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … introduisit le 7 avril 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 18 avril 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 28 avril 2003, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, aux motifs que, d’une part, il n’aurait introduit sa demande d’asile qu’après huit ans de séjour illégal au Luxembourg et suite à son arrestation par la police grand-ducale pour détention et usage de faux et, d’autre part, il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 6 juin 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 17 juin 2003.

Par requête déposée le 10 juillet 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 28 avril et 10 juillet 2003.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu en la matière.

Il ressort des éléments du dossier, notamment de la décision ministérielle du 28 avril 2003, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche en premier lieu au ministre de la Justice de ne pas avoir suivi la « pratique administrative » qui serait instituée sur base du règlement ministériel du 15 octobre 1992 portant institution d’une commission consultative pour les réfugiés, en ce que ladite commission consultative n’aurait pas été saisie de son dossier de demande d’asile et que partant « l’auteur de la décision [aurait] exercé des fonctions attribuées à une autre autorité ». La décision du 28 avril 2003 devrait partant être annulée « du chef d’incompétence ».

Ce moyen d’annulation doit être rejeté pour manquer de fondement, étant donné que, comme l’a soutenu à bon droit le délégué du gouvernement, l’article 3, paragraphe 3 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose que le ministre de la Justice a la faculté de saisir la prédite commission consultative en vue d’obtenir son avis sur un dossier individuel, mais que la saisine de cette commission n’est en aucun cas obligatoire. Ainsi, le fait de ne pas avoir soumis le dossier du demandeur à la commission consultative pour les réfugiés ne saurait entraîner l’annulation d’une décision ministérielle prise pour juger du bien fondé de sa demande d’asile. En outre, le demandeur reste en défaut d’établir l’existence d’une pratique administrative constante relativement à la saisine de la prédite commission consultative, malgré la modification de la loi précitée du 3 avril 1996 par la loi du 18 mars 2000, remplaçant la saisine obligatoire de la commission par une consultation facultative de celle-ci.

Le demandeur reproche encore au ministre de la Justice de ne pas avoir indiqué « une véritable motivation » dans la décision du 28 avril 2003, au motif que celle-ci ne contiendrait que des « affirmations sommaires non autrement circonstanciées en fait qui ne contiennent aucun élément qui permettrait de vérifier les motifs à sa base » et il conclut partant à l’annulation de ladite décision pour défaut de motifs légaux.

Force est de constater que ledit moyen laisse également d’être fondé, étant donné qu’il ressort du libellé de la décision précitée du 28 avril 2003 – à laquelle la décision confirmative du 18 juin 2003 s’est référée, de sorte que ladite motivation doit être considérée comme faisant partie intégrante également de cette deuxième décision -, que le ministre de la Justice a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur.

Ensuite, le demandeur estime que la motivation ne serait pas légalement justifiée au motif qu’on ne saurait lui reprocher d’avoir attendu 7 ou 8 ans avant d’introduire sa demande d’asile au motif qu’il aurait été dans une situation précaire et dans l’ignorance de la possibilité de solliciter l’asile.

Concernant ses craintes de persécution au Cap-Vert, il se dit appartenir à la minorité portugaise qui serait persécutée par la majorité créole et, plus particulièrement, qu’il risquerait d’être persécuté par deux anciens collègues de travail, dont il en aurait dénoncé un comme voleur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile».

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le même article précise dans son alinéa 2, e) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur « ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, a présenté la demande en vue de prévenir une mesure d’expulsion imminente ».

En l’espèce, il est constant en cause que Monsieur … a vécu et travaillé illégalement au Luxembourg pendant huit ans avant le dépôt de sa demande d’asile en date du 7 avril 2003 et que l’introduction de cette demande d’aile n’est intervenue qu’après que l’intéressé a été interpellé par la police grand-ducale et arrêté comme ayant été en séjour illégal et porteur de papiers falsifiés. Il se dégage encore des éléments du dossier et spécialement du libellé de la demande d’asile de l’intéressé, qu’il l’a introduite afin de « pouvoir rester avec [ses] fils et les élever au Luxembourg avec toute[sa] famille qui se trouve ici au Grand-Duché de Luxembourg ».

S’il est certes constant que conformément aux dispositions de l’article 6 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996, précité, la demande d’asile ne sera pas automatiquement déclarée manifestement infondée si le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif aux procédures en matière d’asile lui reproché, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, l’explication fournie par le demandeur, consistant à dire qu’il n’aurait pas demandé l’asile parce qu’il aurait été dans une situation précaire et partant dans l’ignorance de la possibilité d’introduire une demande d’asile, n’est pas convaincante et ne saurait légalement justifier son manquement à introduire une demande d’asile en temps utile.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les décisions ministérielles déférées, déclarant la demande en question manifestement infondée sont légalement justifiées au motif que le demandeur a abusivement eu recours aux procédures en matière d’asile, étant donné que tout en ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, il ne l’a présentée que sur le tard, lorsqu’il a vu son séjour au Luxembourg sérieusement compromis en fait.

Par ailleurs, la demande d’asile sous examen ne repose pas non plus sur un des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant donné qu’il ressort du rapport de l’audition du 18 avril 2003 que le demandeur se dit persécuté par deux anciens collègues de travail en raison de sa dénonciation d’un vol commis à son lieu de travail et que de tels agissements relèvent d’une criminalité de droit commun, laquelle, quels que soient la gravité et le caractère condamnable desdits actes, ne saurait être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Il s’y ajoute qu’il ne ressort pas des éléments en cause que le demandeur ait fait l’objet de persécutions visant de manière ciblée la minorité portugaise du Cap-Vert.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, Mme Lenert, premier juge, et lu à l’audience publique du 6 août 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16706
Date de la décision : 06/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-06;16706 ?

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