La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16751

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2003, 16751


Tribunal administratif N° 16751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2003 Audience publique du 25 juillet 2003

===============================

Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame … et …, …, et par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d'autorisation de séjour

--------------------------------------


ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 22 juillet janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son...

Tribunal administratif N° 16751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2003 Audience publique du 25 juillet 2003

===============================

Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame … et …, …, et par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d'autorisation de séjour

--------------------------------------

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 22 juillet janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Madame …, née le…, et de leur enfant mineure …, née le…, les trois demeurant à L-…, ainsi que de leur fils majeur … …, né le …, demeurant à L-…, tendant à l'institution d'une mesure de sauvegarde par rapport à une décision ministérielle implicite de rejet tiré du silence de plus de trois mois concernant une demande d'autorisation de séjour formée le 7 février 2003, consistant principalement dans la délivrance d'une autorisation de séjour provisoire pour les époux …-… et leur enfant mineure …, et subsidiairement dans l'interdiction faite aux autorités d'éloigner ces personnes du territoire luxembourgeois en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond, introduit le même jour que la demande en institution d'une mesure de sauvegarde, inscrit sous le numéro 16750 du rôle;

Vu l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées;

Ouï Maître Olivier LANG, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Suivant courrier du 7 février 2003, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom propre qu'en celui de leur fille mineure …, ont sollicité du ministre de la Justice la délivrance d'une autorisation de séjour. Dans leur demande, ils exposent qu'ils sont venus au pays respectivement en 1998 et 1999 et qu'ils y ont déposé une demande d'asile qui s'est soldée par un rejet définitif suivant un arrêt de la Cour administrative du 5 novembre 2002. Etant depuis lors en situation irrégulière au pays, ils estiment pourtant ne pas être en mesure de rentrer dans leur pays au vu du sort qui les y attend. A cet effet ils rappellent les 2 faits invoqués antérieurement à l'appui de leur demande en obtention du statut de réfugiés, à savoir des actes de vengeance personnelle de certains individus bénéficiant, vu leur position, de la complicité des autorités. Ils ajoutent qu'ils se trouvent au pays depuis un temps assez long pour avoir pu s'y intégrer, et que leur fille … est entièrement intégrée au système scolaire luxembourgeois. Ils exposent encore que Madame … souffre de troubles psychologiques dus à la perspective d'un retour forcé dans son pays d'origine. Ils relèvent finalement que leur fils …, qui bénéficie d'une autorisation de séjour au Luxembourg et est engagé auprès d'une entreprise de transports moyennant un contrat de travail à durée indéterminée, a signé en leur faveur une déclaration de prise en charge.

N'ayant pas reçu de réponse à leur demande, Monsieur et Madame …-…, agissant en leur nom propre ainsi qu'en celui de leur fille …, et Monsieur … … ont fait déposer, le 22 juillet 2003, au greffe du tribunal administratif, un recours en annulation contre la décision ministérielle implicite de refus. Par requête déposée le même jour, ils ont introduit une demande en institution d'une mesure de sauvegarde consistant principalement dans la délivrance d'une autorisation de séjour provisoire pour les époux …-… et leur enfant mineure …, et subsidiairement dans l'interdiction faite aux autorités de les éloigner du territoire luxembourgeois en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond.

Ils estiment que l'exécution de la mesure leur causerait un préjudice grave et définitif.

Dans ce contexte, ils font exposer qu'en cas de retour dans leur pays d'origine, leur sécurité ne serait pas garantie, étant donné qu'ils devraient s'attendre à des actes de vengeance privée de la part de certains individus soutenus par les autorités en place. Madame … risquerait un traumatisme psychologique grave, étant donné qu'elle souffre actuellement déjà de troubles dus à la peur de devoir rentrer au Monténégro. - Ils estiment par ailleurs que les moyens invoqués au fond sont sérieux. A défaut d'indication d'une base légale à leur demande dans la requête au fond, leur mandataire a exposé à l'audience que cette base était constituée par le regroupement familial, les différents membres de la famille ayant toujours vécu dans une seule et même maison au Monténégro et leur fils s'étant déclaré prêt à accueillir les autres membres de la famille dans son appartement spacieux dont il viendrait de faire l'acquisition à ….

Le délégué du gouvernement estime que les craintes de persécution dont font état les demandeurs sont les mêmes que celles qui ont déjà été discutées et rejetées par les juridictions administratives dans le cadre de leur demande d'asile politique. Il se base en outre sur un certificat établi par l'administration du contrôle de la sécurité sociale selon lequel Madame … ne souffrirait pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d'origine.

Il est par ailleurs d'avis qu'on ne saurait parler, en l'espèce, de regroupement familial, étant donné qu'une vie familiale n'existerait pas à l'heure actuelle, les différents membres de la famille …, au pays depuis 1999, ne vivant pas sous un même toit.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de 3 la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En l'espèce, le moyen tiré du regroupement familial apparaît, en l'état actuel de l'instruction de l'affaire, comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure de sauvegarde, ceci eu égard à la jurisprudence du tribunal administratif qui estime qu'en cas de préexistence d’une vie familiale effective avant l'installation des différents membres d'une famille au Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu d’admettre qu’en dépit du caractère différé de l’immigration familiale, une rupture de la vie familiale effective n’est pas établie (v.

trib. adm. 2 octobre 2002, n° 14146 du rôle). Il se dégage en effet des pièces versées qu'avant leur arrivée au Luxembourg, les quatre demandeurs habitaient ensemble dans une même maison à Lodznice au Monténégro . Il s'en dégage encore que Monsieur … … bénéficie d'une autorisation de séjour au Luxembourg, qu'il y travaille régulièrement et qu'il a déclaré vouloir prendre en charge ses père et mère et sa sœur. S'il est vrai que depuis leur arrivée, de manière successive, en 1998 et 1999, au Luxembourg, les différents membres de la famille … n'ont pas cohabité, il n'est pas à exclure que cette situation soit due aux conditions de logement particulières des demandeurs d'asile.

Par ailleurs, encore qu'au cas d'un rapatriement préalable à un succès possible du recours au fond, les époux …-… et leur fille aient la possibilité théorique d'organiser leur retour au Grand-Duché de Luxembourg, le risque d'un préjudice grave et définitif dès avant leur hypothétique retour est réel. En effet, il n'est pas certain qu'ils disposent des fonds nécessaires pour financer le voyage de retour pour eux-mêmes et pour leur fille. De plus, celle-ci est actuellement scolarisée au Luxembourg et en cas de retour dans son pays d'origine en attendant un jugement définitif au fond, elle aura irrémédiablement perdu l'année scolaire en cours.

Il suit des considérations qui précèdent qu'en attendant la solution du litige au fond, il y a lieu d'ordonner une mesure de sauvegarde destinée à rendre possible une vie familiale commune, celle-ci ayant été empêchée jusqu'à présent, selon les déclarations des demandeurs, par l'absence d'un local approprié. Or, au vu de la déclaration de Monsieur … … qu'il a fait l'acquisition d'un appartement assez spacieux pour y loger les autres membres de sa famille, cette vie familiale devrait désormais être possible.

Il y a pourtant lieu de limiter la durée de la mesure de sauvegarde et de refixer l'affaire à une audience ultérieure où elle pourra le cas échéant être reconduite ou rapportée, au vu de la réponse à apporter à la question de savoir si l'absence actuelle de cohabitation des différents membres de la famille … est due aux seuls problèmes matériels qui devraient en principe être résolus depuis l'acquisition de l'appartement par Monsieur … ….

Par ces motifs, 4 le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit la demande en la forme, déclare justifiée, partant dit que les époux … et … ainsi que leur fille … sont provisoirement autorisés à séjourner sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dit que cette mesure sortira ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours introduit au fond, inscrit sous le numéro 16750 du rôle, sauf si elle est rapportée dans l'intervalle par le soussigné, refixe l'affaire en vue d'une nouvelle appréciation des circonstances de l'affaire à l'audience du lundi, 22 septembre 2003 à 14.30 heures à la salle d'audience du tribunal administratif, en vue de la reconduction ou du rapport de la mesure de sauvegarde ordonnée par la présente, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 juillet 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16751
Date de la décision : 25/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-25;16751 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award