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01/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16507

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juillet 2003, 16507


Tribunal administratif N° 16507 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique du 1er juillet 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … contre une délibération du conseil communal de …, en matière de discipline

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2003 Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, secrétaire communal, demeurant à L-…, tendant à prononcer le...

Tribunal administratif N° 16507 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique du 1er juillet 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … contre une délibération du conseil communal de …, en matière de discipline

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2003 Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, secrétaire communal, demeurant à L-…, tendant à prononcer le sursis à exécution d'une délibération du conseil communal de … du 10 avril 2003 par laquelle ledit conseil s'est rallié à l'avis émis le 10 mars 2003 par le conseil de discipline des fonctionnaires communaux proposant d'infliger à Monsieur … la peine disciplinaire de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de quatre mois, la demande de sursis à exécution s'inscrivant dans le cadre d'un recours en réformation déposé le même jour contre la prédite décision de sanction disciplinaire;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 6 juin 2003, par lequel la requête a été signifiée à l'administration communale de …;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées, dont notamment les pièces supplémentaires versées le 30 juin 2003, ainsi que décision entreprise;

Maître Pol URBANY, ainsi Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, mandataire de l'administration communale de …, entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 10 mars 2003, le conseil de discipline des fonctionnaires communaux émit, à l'unanimité, l'avis qu'il y avait lieu d'infliger à Monsieur …, secrétaire communal à …, la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de quatre mois. – Par délibération du 10 avril 2003, le conseil communal, prise à la majorité de cinq voix et deux abstentions, déclara se rallier à l'avis de la commission et infligea à Monsieur … la sanction proposée.

Par requête déposée le 6 juin 2003 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 16506 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en réformation à l'encontre de la délibération du conseil communal de … du 10 mars 2003, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 16507 du rôle, il sollicite le sursis à exécution de la sanction en question.

Il estime que la mise en œuvre de la décision entreprise, exécutoire dès sa notification, intervenue le 14 avril 2003, risque de lui causer un préjudice grave et définitif, étant donné qu'il est privé de rémunération pour une durée de quatre mois et qu'il a de la peine à faire face aux dépenses mensuelles de son ménage composé d'un couple et de deux enfants, étant relevé que rien que la charge mensuelle pour prêts immobiliers est importante.

Il estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui du recours introduit au fond sont sérieux. Les motifs invoqués par le conseil de discipline, à l'avis duquel le conseil communal s'est intégralement rallié, seraient irréguliers dans la mesure où ledit conseil s'est référé, pour proposer la peine disciplinaire finalement prononcée, à des antécédents disciplinaires de Monsieur …, à savoir dix avertissements lui adressés depuis 1995 qu'il n'aurait pourtant pas eu le droit de prendre en considération, étant donné que lesdits avertissements lui ont été adressés sans qu'il ait eu la possibilité de présenter au préalable sa défense, de sorte qu'ils seraient dépourvus de valeur juridique. Il est encore d'avis que la sanction disciplinaire qui fait l'objet du présent litige procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation, étant donné qu'elle serait totalement disproportionnée par rapport aux faits retenus à sa charge.

L'administration communale de … s'étonne de ce que Monsieur … n'a introduit une requête en sursis à exécution que deux mois après la prise d'effet de la sanction disciplinaire destinée à durer en tout quatre mois. Elle estime par ailleurs que ce ne sont pas les avertissements contestés par Monsieur … qui ont motivé la peine disciplinaire de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de quatre mois, mais les faits avérés, documentés par pièces, dont essentiellement les courriers émanant de Monsieur … lui-même, qui témoigneraient d'un refus de travail répété et de l'absence de la volonté de reconnaître l'autorité hiérarchique du bourgmestre.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Concernant le sérieux des moyens invoqués, il y a lieu de constater qu'en vertu des articles 68, alinéa 5, sub c) et 85 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, le conseil communal ne peut prononcer une peine disciplinaire de la gravité de celle infligée à Monsieur … qu'après avoir sollicité l'avis du conseil de discipline des fonctionnaires communaux, la sanction ne pouvant en aucun cas dépasser en sévérité celle proposée par ledit conseil. – Il se dégage par ailleurs de l'avis émis en la matière par le conseil de discipline le 10 mars 2003 que la peine de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de quatre mois fut proposée "eu égard aux antécédents disciplinaires de … qui, depuis l'année 1995, a déjà été sanctionné à de multiples reprises de la peine disciplinaire de l'avertissement", et que le conseil communal, pour lui infliger la peine proposée, a déclaré, dans sa délibération du 10 avril 2003, "se rallier à l'avis émis par le Conseil de discipline des Fonctionnaires Communaux." – Il ressort finalement d'une délibération du conseil communal de … du 22 août 2002 que ledit conseil considère ces avertissements "sans valeur vu que la procédure disciplinaire n'a pas été observée." Tel que le moyen est agencé, ce n'est pas la matérialité des reproches, qui semble se dégager des pièces versées (nombre de lettres rédigées sur un ton désobligeant à l'adresse des autorités communales, sans même une formule de politesse, refus de travailler pendant les horaires fixés par l'autorité communale), qui est litigieuse, mais la gravité de la sanction, qui semble procéder directement des antécédents disciplinaires, à savoir des avertissements, dont la pertinence est actuellement contestée.

Or, il ne semble pas certain que le conseil de discipline eût proposé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de quatre mois s'il n'avait pas pris en considération les antécédents disciplinaires de Monsieur …. Puisque le conseil communal a infligé à celui-ci le maximum légalement possible, sa décision semble tributaire, à son tour, de ces antécédents dont la valeur juridique est contestée.

Sans pouvoir se prononcer en définitive sur la valeur du moyen afférent, le président du tribunal administratif, appelé à ordonner le sursis à exécution, doit cependant constater que le moyen est sérieux.

Concernant la condition d'un préjudice grave et définitif, il est vrai que le préjudice résultant d'une perte de traitement peut revêtir les caractères en question, à condition qu'il affecte son bénéficiaire dans ses conditions d'existence, l'oblige à modifier son train de vie et à réorienter ses projets d'avenir.

Tel n'est pas le cas en l'espèce. Il se dégage en effet des pièces versées que Monsieur … profite des revenus de son épouse. Ce soutien financier ne constitue pas une simple commodité, mais un véritable droit découlant des droits et obligations du mariage. Eu égard aux revenus non négligeables de l'épouse, le ménage doit pouvoir faire face à la baisse des revenus du ménage, pendant la période essentiellement brève à prendre en question, se résumant en fait à deux mois, la privation de la rémunération prononcée pour une période de quatre mois, ayant déjà sorti ses effets depuis deux mois au moment de l'introduction du présent recours.

Si une perte intégrale ou quasi intégrale de revenus peut engendrer un préjudice grave et définitif lorsqu'elle se prolonge dans le temps et oblige son bénéficiaire à modifier l'organisation de sa vie de telle manière qu'un succès de la demande au fond n'est pas certain d'en effacer les effets, tel n'est pas le cas d'une diminution de revenus limitée dans le temps, s'accompagnant de la circonstance que l'intéressé peut profiter dans l'intervalle de revenus lui permettant le maintien d'un certain niveau de vie.

La condition d'un risque de préjudice grave et définitif n'étant pas remplie en l'espèce, la demande tendant au sursis à exécution est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 1er juillet 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16507
Date de la décision : 01/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-01;16507 ?

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