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20/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16581

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2003, 16581


Tribunal administratif N° 16581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juin 2003 Audience publique du 20 juin 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d'autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 18 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …

, de nationalité philippine, demeurant à L-…, tendant principalement à prononcer le sursis à exécutio...

Tribunal administratif N° 16581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juin 2003 Audience publique du 20 juin 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d'autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 18 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité philippine, demeurant à L-…, tendant principalement à prononcer le sursis à exécution de la décision du ministre de la Justice du 13 juin 2003 lui refusant l'autorisation de séjour au pays et l'invitant à quitter le territoire sans délai, et subsidiairement à ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans l'autorisation de séjourner sur le territoire en attendant le sort du recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision de refus d'entrée et de séjour, déposé le même jour, inscrit sous le numéro 16580 du rôle;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Guy PERROT, en remplacement de Maître Roland ASSA, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du ministre de la Justice du 13 juin 2003 Madame …, de nationalité philippine, s'est vu refuser l'autorisation de séjourner au pays, la même décision l'invitant encore à quitter le territoire sans délai.

Par requête déposée le 18 juin 2003, inscrite sous le numéro 16580 du rôle, elle a introduit un recours en réformation, sinon annulation contre la prédite décision ministérielle et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 16581 du rôle, elle demande au président du tribunal administratif d'ordonner le sursis à exécution de la décision ministérielle du 13 juin 2003, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans l'autorisation de séjourner sur le territoire en attendant la solution du litige au fond.

2 Elle fait exposer que l'exécution de la décision critiquée lui causera un préjudice grave et définitif. En effet, si elle doit quitter le territoire avant que son recours au fond ne soit toisé, une situation sur laquelle il sera difficile de revenir aura été créée. Elle aura perdu l'emploi qu'elle occupe aujourd'hui au Luxembourg, sans avoir de réelles perspectives, vu la situation économique dans son pays d'origine, d'y gagner sa vie. Son mandataire a ajouté, en termes de plaidoiries, qu'en cas de rentrée dans son pays, elle ne pourra que difficilement se consacrer à la défense de ses intérêts dans le cadre du recours pendant au fond.

Elle est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux. Ces moyens sont les suivants:

- la décision lui enjoignant de quitter le territoire sans délai serait illégale, étant donné que la loi prévoirait l'indication d'un délai dans lequel l'étranger qui se voit refuser l'autorisation d'entrée et de séjour doit quitter le pays;

- ce serait à tort que le ministre de la Justice estime qu'elle ne dispose pas des moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, étant donné qu'elle est actuellement occupée auprès d'une famille où elle s'occupe de l'enfant et du ménage; que, dans ce contexte, l'exigence formulée par le ministre qu'elle devrait disposer de moyens légalement acquis – condition non remplie en raison de l'absence de permis de travail dans son chef – serait illégale en ce qu'elle ne serait pas légalement prévue, et que, par ailleurs, un recours contre le refus de lui accorder un permis de travail serait pendant, l'issue du litige en question devant être attendue avant l'exécution de la décision d'expulsion;

- la décision de refus d'entrée et de séjour intervenue à un moment où Madame … avait introduit un recours contre le refus d'octroi d'un permis de travail serait à qualifier de détournement de pouvoir, dans ce sens que la décision de refus d'entrée et de séjour servirait de moyen détourné pour ruiner son recours introduit contre la décision de refus du permis de travail;

- la décision ministérielle du 13 juin 2003 n'indiquerait aucun élément dont se dégagerait l'urgence à l'obliger de quitter le territoire sans délai;

- d'autres personnes se verraient accorder des délais plus longs, de sorte que l'égalité devant la loi ne serait pas respectée.

Le délégué du gouvernement estime en revanche qu'aucun risque de préjudice grave et définitif n'existerait dans le chef de la demanderesse, étant donné que, d'une part, elle n'aurait à craindre aucun mauvais traitement en cas de retour et que, d'autre part, rien ne l'empêcherait de revenir au Luxembourg en cas d'annulation de la décision ministérielle du 13 juin 2003.

Il estime par ailleurs qu'au vu de la jurisprudence constante en la matière, les moyens invoqués à l'appui du recours au fond n'apparaissent pas comme sérieux.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

3 Une décision administrative négative ne modifiant pas une situation de droit ou de fait antérieure n'est pas de nature à donner lieu à une décision juridictionnelle de sursis à exécution.

Une décision de refus d'entrée et de séjour constitue essentiellement une telle décision négative, même si elle s'accompagne, comme conséquence logique, de l'obligation de l'étranger de quitter le territoire.

Il s'ensuit que la demande est à rejeter en tant qu'elle tend au sursis à exécution de la décision ministérielle du 13 juin 2003 faisant l'objet du recours au fond.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En l'état actuel de l'instruction du dossier, les moyens que Madame … invoque à l'appui de son recours au fond ne paraissent pas suffisamment sérieux pour pouvoir justifier une mesure de sauvegarde en sa faveur.

En effet, tant le moyen tiré de l'absence d'un délai indiqué pour quitter le territoire, alors que la loi prévoit qu'une telle décision doit indiquer un délai, que celui tiré d'un ajout à la loi par les décisions juridictionnelles qui exigent que l'étranger qui veut s'établir au Luxembourg doit disposer non seulement des moyens suffisants pour y assurer son séjour, mais en plus que ces moyens soient légaux – pour en exclure les revenus gagnés en vertu d'un contrat de travail régulièrement conclu mais en l'absence d'un permis de travail – sont clairement résolus en jurisprudence administrative dans le sens qu'un ordre de quitter le territoire sans délai est valable pour les étrangers non communautaires (v. Cour administrative 21 novembre 2000, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 116 et autre référence y citée), et que seuls sont pris en considération, pour l'appréciation des moyens d'existence suffisants, les moyens légalement acquis, à l'exclusion de ceux gagnés en vertu d'un contrat de travail conclu sans permis de travail (v. trib. adm. 28 juillet 1999, Pas. adm. 2002, loc. cit., n° 124 et les autres références jurisprudentielles y citées).

Or, pour l'appréciation du sérieux des moyens invoqués à l'appui d'un recours au fond, le président du tribunal doit se livrer à une évaluation des chances de succès de la demande au fond. Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l'issue du litige – que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec – n'est plus affectée d'un aléa.

4 En l'espèce, en vertu des solutions jurisprudentielles acquises concernant les deux premiers moyens invoqués par Madame …, ceux-ci ne sont pas à considérer comme suffisamment sérieux pour faire admettre une chance raisonnable de succès au fond.

Le troisième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir en ce que la procédure d'expulsion serait utilisée en vue de tenir en échec le recours introduit contre le permis de travail manque à son tour du sérieux nécessaire, au vu du fait que le recours dirigé contre le refus du permis de travail n'est pas suspensif et que, de toute manière, même un rapatriement de la demanderesse n'affectera pas l'examen du recours en question.

Finalement, les autres moyens, tirés de l'absence d'urgence qui seule justifierait l'octroi d'un délai tellement court (en fait aucun délai) pour quitter le territoire, ainsi que de la violation du principe d'égalité, en ce que d'autres se verraient accorder des délais plus longs, paraissent à leur tour ne pas être assez sérieux pour faire admettre des chances de succès du recours au fond, étant donné, d'une part, qu'aucun texte ne prévoit le constat de l'urgence pour ordonner le rapatriement d'un étranger en situation irrégulière, et que, d'autre part, le ministre de la Justice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation lui permettant d'octroyer, en raison de circonstances de fait, des délais d'une inégale durée, mais essentiellement brefs, en vue de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que les moyens invoqués ne paraissent pas assez sérieux pour justifier une mesure de sauvegarde.

Eu égard au fait que les conditions tirées de l'existence de moyens sérieux et du risque d'un préjudice grave et définitif doivent être cumulativement remplies, la demande est à rejeter sans qu'il y ait lieu d'examiner, par ailleurs, le risque d'un préjudice grave et définitif.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit la demande en la forme, le déclare non justifiée et en déboute, laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 20 juin 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16581
Date de la décision : 20/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-20;16581 ?

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