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20/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16439

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mai 2003, 16439


Tribunal administratif N° 16439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mai 2003 Audience publique du 20 mai 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … et consorts, … contre une décision conjointe des ministres de la Justice et du Travail et de l'Emploi en matière d'autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ainsi que de le...

Tribunal administratif N° 16439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mai 2003 Audience publique du 20 mai 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … et consorts, … contre une décision conjointe des ministres de la Justice et du Travail et de l'Emploi en matière d'autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 16 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ainsi que de leurs deux enfants mineurs …, née le … et …, né le …, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à prononcer le sursis à exécution de la décision ministérielle du 30 décembre 2002 leur refusant l'autorisation de séjour au pays et les invitant à quitter le territoire dans le délai d'un mois, cette décision faisant l'objet d'un recours en annulation déposé le même jour;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Arnaud RANZENBERGER, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision conjointe des ministres de la Justice d'une part et du Travail et de l'Emploi d'autre part, du 30 décembre 2002, Monsieur et Madame …-… ainsi que leurs deux enfants mineurs … et …, ci-après dénommés "les consorts …" se sont vu refuser l'autorisation de séjourner au pays, la même décision les invitant encore à quitter le territoire dans le délai d'un mois.

Par requête déposée le 16 mai 2003, inscrite sous le numéro 16437 du rôle, ils ont introduit un recours en annulation contre la prédite décision ministérielle et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 16439 du rôle, ils demandent au président du tribunal administratif d'ordonner le sursis à exécution de la décision ministérielle du 30 décembre 2002.

2 S'il est vrai qu'une décision administrative négative ne modifiant pas une situation de droit ou de fait antérieure n'est pas de nature à donner lieu à une décision juridictionnelle de sursis à exécution, une telle décision peut cependant donner lieu à une mesure de sauvegarde.

Il est indifférent, à cet effet, que le demandeur base sa requête sur le seul article 11 de ladite loi, relatif à la demande d'effet suspensif d'un recours, dès lors qu'il se dégage par ailleurs du libellé de la requête qu'il sollicite une mesure provisoire nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts, prévue par l'article 12 de la même loi.

Comme il ressort clairement du dispositif de la requête introductive d'instance que les consorts … demandent qu'une expulsion ou un refoulement ne puisse avoir lieu sans examen individuel de leur situation par le juge du fond, il appert que la demande est à examiner au regard de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999.

En vertu de cette disposition légale, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Les consorts … font exposer qu'un retour dans leur pays leur causerait un préjudice grave et définitif. En effet, ils auraient abandonné toutes les attaches avec leur pays d'origine pour fuir une situation dans laquelle ils subissaient des menaces graves des autorités locales, Monsieur … ayant pour le surplus été appelé sous les drapeaux. Installés au Luxembourg depuis plus de trois ans et demi, leurs enfants y étant nés, ils s'y seraient entre-temps intégrés.

Un retour forcé au Monténégro leur ferait perdre le bénéfice de cette intégration et les exposerait au risque de représailles. Une telle mesure serait gravement disproportionnée.

Ils estiment par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui de leur demande au fond sont sérieux. Il s'agit des moyens suivants:

- la décision de refus serait entachée d'illégalité pour ne pas être pourvue de signature, de sorte que les demandeurs ne seraient pas en mesure de contrôler si l'auteur de la décision avait compétence pour la prendre;

- le motif tiré de l'absence de moyens d'existence suffisants légalement acquis pour leur permettre de supporter leurs frais de séjour ne serait pas justifié, étant donné que Monsieur … est actuellement dans l'attente d'un permis de travail qu'il a sollicité et qu'il sera à même de nourrir sa famille dès qu'un tel permis lui aura été livré, tout comme il y était 3 capable avant de résilier son ancien contrat de travail pour se mettre en conformité avec la réglementation en vigueur selon laquelle un permis de travail n'est pas délivré aux personnes qui sont engagées dans une relation de travail sans être en possession d'un tel permis;

- la décision mettrait en péril l'intégrité de la vie familiale, les deux enfants … et … étant nés au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement s'oppose à la mesure sollicitée en estimant qu'eu égard à la situation actuelle au Monténégro, un rapatriement, même provisoire, des consorts … vers leur pays d'origine ne serait pas de nature à causer à ceux-ci un préjudice grave et définitif. Il est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués dans le cadre du recours au fond ne présentent pas le caractère sérieux nécessaire pour pouvoir justifier une mesure de sauvegarde.

Il est vrai qu'en l'espèce, les consorts … n'ont pas fait état d'éléments spécifiques de nature à compromettre définitivement leur situation en cas de retour dans leur pays d'origine, comme p. ex. la perte d'une année scolaire de leurs enfants ou l'obligation d'entretenir un membre de la famille résidant au Luxembourg. On peut cependant admettre qu'encore qu'en cas d'un rapatriement préalable à un succès possible du recours au fond, les demandeurs, auxquels il a été enjoint de quitter le territoire avec leurs enfants mineurs, aient la possibilité théorique d'organiser leur retour au Grand-Duché de Luxembourg, le risque d'un préjudice grave et définitif dès avant leur hypothétique retour est réel. En effet, il n'est pas certain qu'ils disposent des fonds nécessaires pour financer le voyage de retour pour eux-mêmes ainsi que pour leurs enfants mineurs.

En revanche, en l'état actuel de l'instruction du dossier, les moyens qu'ils invoquent à l'appui de leur recours au fond ne paraissent pas suffisamment sérieux pour pouvoir justifier une mesure de sauvegarde en leur faveur.

En effet, le moyen tiré de l'absence de signature de la décision leur refusant l'entrée et le séjour du 30 décembre 2002 semble démenti en fait, la décision en question étant effectivement pourvue des signatures de deux conseillers de direction première classe. Les demandeurs n'ont par ailleurs pas fait état d'éléments concrets pouvant faire admettre que les signataires de la décision ne disposaient pas d'une délégation de signature valable.

Les arguments tendant à faire accréditer l'idée que Monsieur … disposerait des moyens suffisants pour supporter les frais de séjour de la famille ne semblent à leur tour pas convaincants, étant donné qu'il ne dispose pas, actuellement, d'un permis de travail, de sorte que les revenus dont il fait état ne sont pas des revenus légalement acquis, condition pourtant exigée par les tribunaux pour apprécier l'existence de moyens financiers suffisants pour justifier l'octroi d'un permis de séjour. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que les consorts … ne paraissent remplir aucune des conditions posées dans la brochure éditée conjointement par les ministres de la Famille, de la Justice et du Travail en vue de la régularisation des étrangers en situation irrégulière, notamment en ce qui concerne celle de la durée de leur résidence au pays.

Le moyen tiré de la mise en péril de la vie familiale des demandeurs ne semble pas non plus devoir emporter la conviction du tribunal, étant donné que le refus d'entrée et de séjour concerne les quatre membres de la famille qui ne se trouvent donc pas menacés de séparation par l'effet de la décision.

4 Il y a finalement lieu de mentionner que les explications concernant les dangers auxquels les demandeurs se voyaient exposés et qui motivaient leur départ du Monténégro ne devraient pas non plus entrer en ligne de compte, étant donné que ces aspects ont déjà fait l'objet de débats et d'une décision dans le cadre d'une demande d'octroi du statut de réfugié définitivement rejetée par un arrêt de la Cour administrative du 27 septembre 2001 coulé en force de chose jugée.

Comme une mesure de sauvegarde ne saurait être instituée qu'en cas de réunion cumulative des conditions tenant au risque d'un préjudice grave et définitif et à l'existence de moyens sérieux, la demande est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit la demande en la forme, la déclare non justifiée et en déboute, laisse les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 20 mai 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16439
Date de la décision : 20/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-20;16439 ?

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