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16/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16410

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2003, 16410


Tribunal administratif N° 16410 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2002 Audience publique du 16 mai 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par MM. … et …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal en présence de M. … et de Mme …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 9 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à…, et de Monsieur …, professeur, de...

Tribunal administratif N° 16410 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2002 Audience publique du 16 mai 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par MM. … et …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal en présence de M. … et de Mme …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 9 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à…, et de Monsieur …, professeur, demeurant à…, tendant à conférer un effet suspensif au recours en annulation introduit le même jour, portant le numéro 16409, dirigé contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal du 10 février 2003, portant autorisation de Monsieur … et de Madame …, les deux demeurant à …, à construire une maison unifamiliale à Bridel, …, …;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l'administration communale de Kopstal, établie en sa maison communale sise à Kopstal, 28, rue de Saeul, ainsi qu'à Monsieur … et Madame …, préqualifiés;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Maître Patrick KINSCH pour les demandeurs, Maître Pierre THIELEN pour l'administration communale de Kopstal et Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, pour Monsieur … et Madame … entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 10 février 2003, le bourgmestre de la commune de Kopstal délivra à Monsieur … et à Madame … l'autorisation de construire une maison unifamiliale à Bridel, …, ….

Estimant que l'autorisation viole différentes dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de Kopstal, Messieurs … et … ont introduit le 9 mai 2003 un recours, inscrit sous le numéro 16409 du rôle, tendant à l'annulation de ladite autorisation de construire, et le 2 même jour, ils ont déposé une requête tendant à ordonner un sursis à l'exécution de l'autorisation de construire attaquée, en attendant la solution du litige au fond.

Concernant les moyens invoqués au fond pour conclure à l'illégalité de l'autorisation litigieuse, les demandeurs font exposer que :

- la construction constitue, par son volume excessif et par le fait qu'en cas d'incendie, l'accès des sapeurs-pompiers sera rendu mal-commode voire impossible du fait de l'étroitesse du chemin d'accès, une construction interdite en vertu de l'article 2.2.1. du règlement sur les bâtisses de la commune de Kopstal;

- la parcelle appartenant à Monsieur … et Madame … ne constitue pas une place à bâtir comme ne répondant pas aux exigences du règlement sur les bâtisses de la commune de Kopstal. En effet, d'une part, la construction n'est pas destinée à être implantée dans la bande de quinze mètres à partir de l'alignement de la rue, tel que cela est exigé par l'article 2.2.2.2.

du règlement sur les bâtisses, mais à une distance d'au moins cinquante mètres, derrière une autre construction, sans qu'un plan d'alignement dérogatoire, tel que prévu par la même disposition du règlement sur les bâtisses, ne permette en l'espèce de s'écarter de ladite exigence, et, d'autre part, l'article 2.2.2.4 du règlement sur les bâtisses, qui permet, sous certaines conditions, des constructions en deuxième position sur la même parcelle, ne tient pas en échec l'exigence de l'article 2.2.2.2. qui limite à quinze mètres la profondeur de la construction, sauf plan d'alignement, inexistant en l'espèce; de toute manière, l'article 2.2.2.4 n'est pas applicable en l'espèce, puisque la parcelle sur laquelle Monsieur … et Madame … ont l'intention de construire, ne comporte aucune autre construction que la leur, l'article 2.2.2.4 ne s'appliquant qu'en cas de construction en seconde position sur une seule et même parcelle.

La commune et Monsieur … ainsi que Madame … soulèvent l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'intérêt à agir dans le chef des demandeurs. Ils relèvent que Monsieur … n'est pas un voisin direct comme n'habitant pas une maison construite sur une parcelle limitrophe à celle devant recevoir la construction litigieuse; de toute manière, les deux demandeurs ne bénéficieraient pas d'une vue directe sur la construction en question.

Il se dégage cependant des pièces versées, en particulier d'un plan cadastral récent, que la parcelle de Monsieur … est contiguë à celle de Monsieur … et de Madame … et que celle de Monsieur …, sans y être véritablement contiguë, s'y rapproche cependant à quelques mètres de distance et que l'un et l'autre jouissent d'une vue directe sur la parcelle litigieuse. Il s'ensuit qu'en cas de réalisation de la construction incriminée, la situation de voisins de l'un et l'autre sera aggravée, ce qui suffit à caractériser leur intérêt à agir.

Le moyen tiré de l'absence d'intérêt à agir est partant à rejeter. La requête ayant par ailleurs été introduite dans les formes et délai de la loi, elle est recevable.

Au fond, les parties défenderesses estiment que les moyens invoqués par les demandeurs ne sont pas sérieux et qu'ils ne risquent pas de subir un préjudice grave et définitif en cas de réalisation de la construction.

Concernant le sérieux des moyens, elles font plaider que conformément à l'article 2.2.2.1. du règlement sur les bâtisses, la hauteur de la construction est respectée, le gabarit de l'ouvrage projeté restant même très en deçà de ce que la réglementation en vigueur aurait permis. Pourvue d'un chemin d'accès large d'au moins quatre mètres, la construction serait 3 aisément accessible au service incendie. Un plan d'alignement ne serait concevable qu'en cas d'une pluralité de constructions et ne serait pas nécessaire lorsque, comme en l'espèce, une seule construction est projetée en seconde position. Finalement, la disposition de l'article 2.2.2.4. du règlement sur les bâtisses serait respectée, en ce que la construction serait érigée sur une même parcelle.

Les demandeurs ne feraient pas état, par ailleurs, d'un risque de préjudice grave et définitif, étant donné que le propre d'habiter dans une agglomération c'est d'avoir des voisins.

En vertu de l'article 11, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Concernant le sérieux des moyens invoqués, c'est à bon droit que la commune fait remarquer que la construction ne dépasse pas les prescriptions relatives à la hauteur, telles qu'elles se dégagent de l'article 2.2.2.1. du règlement sur les bâtisses. Ce n'est cependant pas la violation de cette disposition qui est invoquée par les demandeurs.

Ceux-ci se plaignent en effet du non-respect de l'article 2.2.2.2. relatif à l'implantation et à la profondeur des constructions, libellé comme suit:

"Sans préjudice aux dispositions du paragraphe 2.2.2.3. ci-après [relatif à la forme et à la dimension des parcelles, non litigieuses en l'espèce], les constructions servant à l'habitation seront implantées dans une bande de 15 mètres de profondeur, parallèle à l'alignement des rues et distante de 6 mètres de ce dernier.

Un plan d'alignement pourra déroger aux dispositions de l'alinéa qui précède. Pour la construction de maisons unifamiliales isolées ne comportant pas plus d'un niveau réservé à l'habitation en plus des combles aménagés (bungalow), la profondeur peut être étendue au-

delà de la bande de 15 mètres sans qu'elle ne puisse dépasser 25 mètres." Il se dégage des plans versés que la construction projetée sera construite à une distance supérieure à cinquante mètres de l'axe de la rue desservante. A défaut de plan d'alignement dérogatoire dont l'existence serait établie, l'implantation de la construction ne semble pas respecter les exigences de la disposition précitée.

A supposer que l'article 2.2.2.4. du règlement sur les bâtisses, relatif aux marges de reculement latéral et postérieur, invoqué à l'audience par la commune, et qui permet en son alinéa 4 des constructions en deuxième position, soit applicable, la construction projetée ne semble pas non plus remplir les exigences de cette disposition qui vise les constructions en deuxième position sur une "même parcelle." La commune fait plaider que cette expression viserait la construction d'une seule maison sur une seule et même parcelle, et non sur deux ou plusieurs parcelles. Il semble cependant se dégager du libellé et du contexte de la disposition en question que celle-ci permet la construction d'une deuxième maison, en seconde position, sur une seule et même parcelle, à condition que certaines autres conditions concernant les reculs et le chemin d'accès soient remplies.

4 Il suit de ce qui précède qu'en l'état actuel de l'instruction du dossier, les moyens invoqués par MM. … et … apparaissent comme sérieux.

Un préjudice est grave au sens de l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 lorsqu'il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu'impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Au cas où un propriétaire construit un immeuble qui ne respecte pas la réglementation relative à l'emplacement et au recul des constructions qui se trouvent dans le champ de vision direct de ses voisins, ceux-ci subissent un préjudice dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver leur situation de voisins. Dépassant par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu'impose la vie en société, un tel préjudice doit dès lors être considéré comme grave, étant donné qu'il constitue une violation intolérable de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

De plus, au vu de la jurisprudence des juridictions judiciaires qui refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite (v. Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle), le préjudice allégué serait encore définitif au cas où la construction serait achevée sous le couvert de l'autorisation attaquée, alors même qu'elle serait annulée.

Il suit de ce qui précède que le préjudice allégué par Messieurs … et … est grave et définitif au sens de l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée.

Finalement, au vu des délais d'instruction de l'affaire légalement prévus, celle-ci n'est pas en état d'être plaidée et décidée avant plusieurs mois, de sorte qu'il y a lieu, en attendant la solution du litige au fond, d'ordonner le sursis à exécution de l'autorisation de construire litigieuse.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié, partant ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de l'autorisation de construire délivrée le 10 février 2003 (n° 04/2003) par le bourgmestre de la commune de Kopstal à Monsieur … et à Madame …, en attendant la solution du litige au fond, actuellement pendant devant le tribunal administratif et portant le numéro 16409 du rôle, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 16 mai 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

5 s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16410
Date de la décision : 16/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-16;16410 ?

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