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11/04/2003 | LUXEMBOURG | N°16268

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 avril 2003, 16268


Tribunal administratif N° 16268 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2003 Audience publique du 11 avril 2003

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Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts en matière d’aide sociale

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 10 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, agissant tant en...

Tribunal administratif N° 16268 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2003 Audience publique du 11 avril 2003

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Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts en matière d’aide sociale

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 10 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité albanaise, déclarant demeurer à L-…, tendant à l'institution d'une mesure de sauvegarde dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour, inscrit sous le numéro 16267 du rôle, dirigé contre une décision implicite du ministre de la Justice de leur délivrer l’attestation telle que prévue par l’article 4 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d'une demande d'asile, 2) d’un régime de protection temporaire, sur base de laquelle ils auraient le droit d’obtenir une aide sociale ;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 avril 2003 à 10.15 heures.

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Les époux … et … se virent notifier à personne en date du 7 janvier 2002 une décision du ministre de la Justice datant du 8 octobre 2001 portant refus dans leur chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcé sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d'une demande d'asile, 2) d’un régime de protection temporaire.

Par courrier de leur mandataire du 6 février 2002, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Le ministre, après avoir procédé au réexamen du dossier, informa le mandataire des consorts …-…, par courrier du 26 février 2002, qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux, aucune suite favorable n’avait été réservée au recours gracieux et confirma ainsi sa décision prérelatée du 8 octobre 2001.

A la suite de l’introduction en date du 11 novembre 2002 d’une requête formée par les époux …-… tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision précitée du ministre de la Justice du 8 octobre 2001, telle que confirmée par celle également précitée du 26 février 2002, la deuxième chambre du tribunal administratif a décidé, dans son jugement du 20 mars 2003, inscrit sous le numéro 15591 du rôle, qu’au jour du dépôt de la prédite requête en relevé de déchéance, c’est-à-dire en date du 11 novembre 2002, le délai imparti pour agir en justice contre les décisions précitées n’avait pas encore expiré, de sorte que leur requête était à considérer comme étant sans objet.

Se plaignant de ce que depuis la date du 11 novembre 2002, c’est-à-dire depuis le dépôt de la requête précitée tendant au relevé de déchéance, le ministre de la Justice leur refuse la délivrance d’une attestation telle que prévue par l’article 4 de la loi précitée du 3 avril 1996, malgré d’itératives démarches effectuées de leur part plus particulièrement depuis le prononcé et la notification du jugement précité du 20 mars 2003, ils ont, par requête du 10 avril 2003, inscrite sous le numéro 16267 du rôle, introduit un recours en annulation contre le refus implicite du ministre de la Justice refusant de faire droit à leur demande tendant à l’obtention d’une pièce attestant l’enregistrement d’une demande d’asile, c’est-à-dire d’une pièce confirmant qu’ils sont toujours à considérer comme des demandeurs d’asile au Luxembourg, telle que prévue par l’article 4, alinéa 5 de la loi précitée du 3 avril 1996.

Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 16268 du rôle, les consorts … ont introduit une demande en institution d’une mesure de sauvegarde consistant dans l’ordre à faire à l’autorité compétente de leur délivrer dans les vingt quatre heures de la notification de l’ordonnance à intervenir, une « pièce attestant l’enregistrement de la demande d’asile politique introduite sous la référence R-3131 », afin qu’ils puissent solliciter auprès du ministère de la Famille les aides sociales auxquelles ils estiment avoir droit.

Le délégué du gouvernement confirme tout d’abord, sur question afférente du soussigné, l’existence d’une décision orale du ministre de la Justice de refuser la délivrance aux époux … de l’attestation par eux sollicitée.

Il expose encore qu’à la suite du jugement précité du 20 mars 2003, des éléments nouveaux seraient apparus suivant lesquels, contrairement à la conclusion retenue par le tribunal administratif dans sa décision précitée, la décision confirmative du ministre de la Justice du 26 février 2002, confirmant à défaut d’éléments pertinents nouveaux la décision initiale de refus de reconnaissance du statut de réfugié dans le chef des époux …, aurait été notifiée par voie de lettre recommandée à un fondé de pouvoir des époux …, en la personne du gérant du centre d’hébergement pour demandeurs d’asile X. à Y.. Il estime, sur base de ces éléments nouveaux, que la preuve serait rapportée que la décision en question a été notifiée aux demandeurs en date du 1er mars 2002, suivant les indications figurant sur le récépissé de remise d’un envoi recommandé délivré par l’entreprise des P&T, de sorte que les consorts … ne seraient plus à considérer comme demandeurs d’asile au Luxembourg, dans la mesure où le délai de recours contentieux susceptible d’être dirigé contre les décisions de refus de reconnaissance du statut de réfugié, aurait expiré depuis longtemps.

Il ressort encore des explications du délégué du gouvernement, ainsi que des indications figurant dans une attestation datée du 10 avril 2003, établie par le commissariat du gouvernement aux étrangers, que depuis la date du 8 février 2002, la famille …, composée de deux adultes et de quatre enfants, loge au centre d’hébergement pour demandeurs d’asile X. à Y. et qu’ils ont actuellement toujours le droit d’y résider. Il est vrai que dans ce contexte, le mandataire des demandeurs a précisé au cours des plaidoiries que les demandeurs habiteraient en fait à L-… L., …, dans un autre foyer réservé à l’hébergement des demandeurs d’asile, situation que le délégué du gouvernement n’arrivait pas à éclairer autrement.

Sur question afférente du soussigné au cours des plaidoiries, le mandataire des demandeurs a déclaré qu’à ce jour il n’avait toujours pas introduit de recours contentieux tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 8 octobre 2001 et 26 février 2002, par lesquelles leurs demandes tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ont été déclarées non fondées, en motivant cette défaillance par référence au jugement précité du tribunal administratif du 20 mars 2003, suivant lequel, d’après son interprétation, aucun délai contentieux ne serait en train de courir, en attendant au contraire que notamment la décision confirmative précitée du ministre de la Justice du 26 février 2002 soit notifiée en bonne et due forme à ses mandants. Il suit de ces explications que pour le moment, les consorts … n’ont pas l’intention d’introduire un recours contentieux contre les décisions ministérielles précitées.

Le mandataire des demandeurs a encore expliqué au cours des plaidoiries qu’à part le fait de bénéficier gratuitement d’une possibilité de logement dans un foyer d’hébergement pour demandeurs d’asile au Luxembourg, ses mandants ne bénéficieraient pas d’autres aides sociales de la part du ministère de la Famille, et notamment qu’ils ne bénéficieraient pas d’une aide alimentaire.

En vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut, au provisoire, ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder des intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Les demandeurs se basent sur l’article 4, paragraphe (5) de la loi précitée du 3 avril 1996, en vertu duquel en cas de présentation d’une demande d'asile, une pièce attestant l’enregistrement de la demande est remise à chaque demandeur ayant au moins quatorze ans, cette attestation conférant « le droit à une aide sociale suivant les modalités à fixer par règlement grand-ducal ».

Il se dégage du libellé de la disposition en question que le demandeur d’asile, par le seul fait de déposer une demande au ministère de la Justice, a un véritable droit à une aide sociale. Lors de l’élaboration de la loi précitée du 3 avril 1996, les différentes instances législatives ont insisté sur ce que du seul fait du dépôt de la demande d’asile, le demandeur voit naître dans son chef un droit à une aide sociale (v. amendements adoptés par la commission juridique, doc. parl. n° 38065, ad 6, p. 3; rapport de la commission juridique, doc. parl. n° 380611, ad article 11, p. 15), et cela en dépit du danger que cette seule aide sociale attire un nombre trop considérable de demandeurs d’asile (avis complémentaire du Conseil d’Etat, doc. parl. n° 38066, ad amendement 6, p. 4).

Il se dégage encore de la disposition légale qui précède que seules les personnes ayant la qualité de demandeurs d’asile sont susceptibles de se voir délivrer l’attestation telle que prévue par l’article 4, paragraphe (3) de la loi précitée du 3 avril 1996. Il échet partant de vérifier si les demandeurs ont invoqué des motifs suffisamment sérieux pour faire admettre par la juridiction du président du tribunal, statuant au provisoire, qu’ils ont droit, en principe, à la délivrance d’une telle attestation, c’est-à-dire qu’ils sont à considérer comme demandeurs d’asile au Grand-Duché de Luxembourg.

Il suit des faits ci-avant énoncés que les consorts … ont introduit une demande d’asile au Luxembourg, qui a fait l’objet de deux décisions de refus de reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef, par les lettres précitées du 8 octobre 2001 et 26 février 2002. Il ressort encore du jugement précité du 20 mars 2003, qu’à la date de l’introduction de la requête tendant au relevé de déchéance, aucun délai contentieux pour introduire un recours contre les décisions ministérielles précitées n’avait commencé à courir, du fait du défaut de notification de la décision confirmative du 26 février 2002 aux demandeurs.

Il semble se dégager toutefois de la requête en relevé de forclusion déposée au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2002, tel que cela ressort également du jugement précité du 20 mars 2003, qu’au jour de l’introduction de ladite requête, tant les demandeurs que leur avocat avaient connaissance des deux décisions portant refus de reconnaissance dans le chef des demandeurs du statut de réfugié, et plus particulièrement de la décision confirmative du 26 février 2002, du fait d’avoir énoncé lesdites décisions, ainsi que leur contenu dans la prédite requête. Il semble pouvoir en être dégagé qu’au plus tard au moment de l’introduction de la requête en relevé de forclusion, c’est-à-dire en date du 11 novembre 2002, les demandeurs et leur mandataire professionnel avaient pu avoir une connaissance non seulement de l’existence de ladite décision confirmative mais également de son contenu, de sorte qu’il semble, au stade actuel d’instruction du dossier, qu’il a été satisfait, à cette date, à l’obligation prévue par l’article 10, deuxième alinéa, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, suivant laquelle « la décision finale [en l’espèce de la décision confirmative précitée du 26 février 2002] est en outre notifiée à la partie elle-même [c’est-à-dire aux époux …] », peu importe d’ailleurs la manière dont lesdits époux … ont pu prendre connaissance de la décision en question, et abstraction faite des prétendus éléments nouveaux apportés par le délégué du gouvernement au cours de l’audience à laquelle la présente affaire a été plaidée et basés sur ce qu’en réalité, la décision confirmative précitée du 26 février 2002 a été remise au gérant du foyer d’hébergement pour demandeurs d’asile dans lequel les époux … étaient censés résider depuis la date du 8 février 2002, qui ne sauraient en tout état de cause remettre en question le jugement précité du 20 mars 2003 ayant acquis force de chose jugée, aucun recours à son encontre n’étant admissible suivant l’article 4, alinéa 1er de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance.

Il suit encore des considérations qui précèdent que du fait de la connaissance, en date du 11 novembre 2002, tant par le mandataire professionnel des parties que par les parties elles-mêmes des deux décisions litigieuses du 8 octobre 2001 et 26 février 2002, le délai contentieux tel que prévu par l’article 12, paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996, fixé à un mois, semble avoir commencé à courir au plus tard le 11 novembre 2002 pour expirer au plus tard le 11 décembre 2002, et qu’au stade actuel d’instruction de l’affaire il n’existe donc pas de motifs suffisamment sérieux pour faire admettre à la juridiction du président du tribunal administratif qu’à l’heure actuelle, les consorts … soient à considérer comme demandeurs d’asile auxquels le ministre de la Justice a dû délivrer une attestation suivant les dispositions de l’article 4 de la loi précitée du 3 avril 1996.

Les conditions tenant au caractère sérieux des moyens invoqués au fond et celles du risque d’un préjudice grave et définitif devant être cumulativement remplies, la demande en obtention d’une mesure de sauvegarde est à rejeter, sans qu’il y ait lieu d’examiner la question du risque d’un tel préjudice.

Il suit de ce qui précède que la demande tendant à l’obtention d’une mesure de sauvegarde est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné, vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement des magistrats plus anciens en rang, légitimement empêchés, statuant contradictoirement ;

reçoit la demande tendant à l’obtention d’une mesure de sauvegarde en la forme ;

au fond, la déclare non fondée et en déboute ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 11 avril 2003 à 16.00 heures par M. Schockweiler, vice-président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16268
Date de la décision : 11/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-11;16268 ?

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