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18/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16129

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2003, 16129


Tribunal administratif N° 16129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2003 Audience publique du 18 mars 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par la société … S. à r. l., … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d'autorisation d'établissement

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 14 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S. à r. l., avec s...

Tribunal administratif N° 16129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2003 Audience publique du 18 mars 2003

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Requête en sursis à exécution introduite par la société … S. à r. l., … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d'autorisation d'établissement

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 14 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S. à r. l., avec siège à L-…, tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport à une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 décembre 2002 portant retrait immédiat de l'autorisation d'établissement n° 75568L lui délivrée le 13 mars 2001, la même décision étant attaquée par un recours au fond introduit le même jour, inscrit sous le numéro 16128 du rôle;

Vu l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Claude WASSENICH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 23 décembre 2002, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement retira à la société à responsabilité limitée … s. à r. l. l'autorisation d'établissement n° 75568L qui lui avait été délivrée le 13 mars 2001. Le ministre estima que la société en question ne remplissait pas la condition de l'établissement tel qu'exigé par la loi du 30 juillet 2002 concernant l'établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route et portant transposition de la directive 98/76/CE du Conseil du 1er octobre 1998, en ce qu'elle ne veillait pas à l'exercice effectif et permanent de la direction des activités au siège d'exploitation.

Par requête déposée le 14 mars 2003, inscrite sous le numéro 16128 du rôle, la société … SARL a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle du 23 décembre 2003, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 16129 du rôle, elle a introduit une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de la décision en question.

2 Elle fait exposer qu'elle exploite une entreprise de transports internationaux de marchandises moyennant la mise en circulation de 65 camions et l'emploi de 80 personnes.

Elle craint que le retrait de l'autorisation de faire le commerce, qui a entraîné, le 6 mars 2003, le retrait, par le ministre des Transports, de sa licence communautaire, lui cause un préjudice grave et définitif étant donné que lorsqu'elle ne pourra plus exercer son activité pendant le délai d'instruction du recours au fond, elle n'aura plus de revenus et ne sera plus à même de faire face à ses obligations pécuniaires, ce qui l'acculera à la faillite.

Elle estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux. Ces moyens sont:

- la violation de la séparation des pouvoirs, tirée de ce que l'autorité administrative ne saurait elle-même retirer une autorisation qu'elle a délivrée antérieurement. Ce faisant elle s'octroierait un pouvoir juridictionnel. La demanderesse sollicite la saisine de la Cour constitutionnelle d'une question afférente;

- la violation des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que l'effet immédiatement exécutoire de la décision attaquée, avant son examen par une juridiction, la priverait d'un recours juridictionnel effectif;

- la violation de l'article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes qui exige la notification de la décision administrative finale faisant grief à la partie elle-même, formalité omise dans la présente espèce;

- la violation de la loi du 30 juillet 2002, précitée, en ce que la procédure de retrait de l'autorisation d'établissement dont bénéficiait la société … S. à r. l. avait été entamée avant l'entrée en vigueur, le 1er novembre 2002, de la nouvelle loi, sans être nouvellement initiée, en violation de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité;

- violation de la loi du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, en ce que la décision de retrait aurait été prise sans l'avis préalable de la commission prévue par l'article 2 de ladite loi;

- illégalité de la décision en ce que celle-ci aurait été prise par un attaché de gouvernement sur base de décisions de commissions dont il faisait partie;

- omission, par le ministre, d'annexer à la décision litigieuse l'avis de la commission prévue par la loi modifiée du 28 décembre 1988, précitée, auquel sa décision renvoie;

- omission de la prise en compte de nouveaux éléments fournis en cours d'instruction;

en particulier le refus de la prise en compte d'un contrat de travail existant antérieurement à la prise de la décision litigieuse, prouvant la présence, au Luxembourg, d'un mandataire habilité à engager la société à l'égard des tiers, ce qui contredirait l'affirmation du ministre de l'absence d'un établissement au Luxembourg au sens de l'article 2 de la loi précitée du 30 juillet 2002;

- absence de motivation suffisante de la décision attaquée;

3 - erreur de fait viciant la décision; en particulier, l'invocation erronée de l'absence d'entreposage, au siège de la société, des disques tachygraphiques et de la comptabilité de la société;

- appréciation erronée de la notion d'établissement telle qu'exigée par l'article 2 de la loi du 30 juillet 2002;

- exigences allant au-delà des conditions légales pour se voir délivrer une autorisation d'établissement de transporteur; en particulier, le ministre ne saurait "créer une obligation de mise à disposition et une obligation de direction des véhicules à partir du Luxembourg", de même qu'il ne saurait exiger la présence, en permanence, du gérant de la société;

- refus illégal de prendre en compte l'existence d'un contrat de travail avec une personne autorisée à engager la société à l'égard des tiers.

Le délégué du gouvernement conteste le danger d'un préjudice grave et définitif. Il souligne que l'autorisation l'établissement a été retirée à la demanderesse en décembre 2002 déjà sans qu'elle en ait pâti jusqu'à l'heure actuelle, de sorte qu'on verrait mal pourquoi elle risquerait actuellement un préjudice. Il ajoute que le préjudice que la demanderesse peut subir n'est que pécuniaire, de sorte qu'en cas de succès de la demande au fond, les pertes éventuelles pourraient être compensées par l'allocation de dommages-intérêts. – Il estime par ailleurs que les moyens invoqués au fond manquent du sérieux nécessaire pour justifier le sursis à exécution.

Encore que la demanderesse entende se prévaloir des dispositions de l'article 11 d'une "loi du 16 juillet 1999", inexistante, elle a probablement entendu baser sa demande sur l'article 11 de la de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. En vertu de ladite disposition, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

S'il est vrai que le risque d'un préjudice matériel pouvant être réparé par l'allocation de dommages-intérêts ne constitue pas un préjudice grave et définitif au sens de la loi, il en est autrement si cette perte financière met en péril l'existence même d'une entreprise. En l'espèce, il se dégage des pièces versées que suite au retrait, le 23 décembre 2002, de l'autorisation d'établissement dont bénéficiait la société … S. à r. l., le ministre des Transports vient de lui retirer, par décision datée du 6 mars 2003 que la demanderesse affirme avoir reçue le 11 mars suivant, sa licence communautaire, de sorte que, depuis le 14 mars 2003, ses camions sont bloqués et l'activité de la société se trouve réduite à zéro. Il s'ensuit que si cette situation perdure, la demanderesse risque de ne plus pouvoir faire face à ses charges et de se trouver en état de cessation des paiements devant entraîner, dans un délai relativement court, sa déclaration en faillite.

Un tel danger constitue le risque d'un préjudice grave et définitif au sens de la loi.

Le juge appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens 4 présentés et accorder le sursis lorsqu'ils paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à pouvoir entraîner l'annulation ou la réformation de la décision critiquée.

En l'espèce, si tous les moyens présentés par la société … S. à r. l. n'ont pas la même valeur et si, en particulier, ceux tirés de l'inconstitutionnalité de la décision ministérielle ainsi que de sa contrariété à la Convention européenne des droits de l'homme ne présentent aucun caractère sérieux, et que par ailleurs ceux tirés du contenu formel de la décision incriminée ne paraissent pas assez sérieux pour emporter la conviction du soussigné qu'ils pourraient entraîner l'annulation de la décision ministérielle par les juges du fond, en revanche, les moyens tirés de la notion d'établissement au sens de l'article 2 de la loi du 30 juillet 2002 et du respect des conditions en découlant par la demanderesse, paraissent suffisamment sérieux pour paraître comme pouvant, le cas échéant, trouver l'adhésion des juges du fond.

Dans ces conditions, et eu égard aux délais légaux normaux pour l'instruction de la demande, il y a lieu de faire droit à la demande de sursis à exécution.

Cette décision est encore tirée, d'une part, de la considération que la décision de retrait de l'autorisation d'établissement a été prise le 23 décembre 2002 sans qu'elle ait été concrètement mise en œuvre pendant plus de deux mois, de sorte que l'extrême urgence à exécuter la décision attaquée laisse d'être prouvée, et, d'autre part, de celle que la poursuite d'une activité potentiellement illégale, pendant le délai assez bref de l'instruction de la demande au fond, est moins préjudiciable à l'intérêt général que la disparition d'une entreprise ainsi que la possible action en responsabilité civile qui pourrait être dirigée contre l'Etat en cas de succès de la demande au fond.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié, dit qu'il sera sursis à l'exécution de la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 décembre 2002 portant retrait de l'autorisation d'établissement n° 75568L dont bénéficie la société à responsabilité limitée … en attendant que le tribunal administratif ait statué au fond sur le mérite du recours introduit sous le numéro 16128 du rôle, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 18 mars 2003 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16129
Date de la décision : 18/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-18;16129 ?

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