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20/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15995

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 février 2003, 15995


Numéro 15995 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 20 février 2003 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15995 du rôle, déposée le 17 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat

à la Cour, assisté de Maître Pascale SPELTZ, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’...

Numéro 15995 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 20 février 2003 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15995 du rôle, déposée le 17 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale SPELTZ, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Anosimanjaka (Madagascar), de nationalité malgache, demeurant actuellement à L-…, tendant à prononcer le sursis à exécution d’une décision du ministre de la Justice du 29 novembre 2002 portant refus de prolonger son autorisation de séjour pour étudiants pour l’année scolaire 2002/2003 et l’invitant à quitter le pays sans délai;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï Maître Pascale SPELTZ et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 29 novembre 2002, Monsieur …, préqualifié, se vit rejeter sa demande en délivrance d’une autorisation de séjour pour étudiants pour l’année académique 2002/2003 aux motifs suivants :

« Votre année académique 1999/2000 au Département des études en gestion et en informatique, 1ère année DUT, au Centre Universitaire s’était soldée par un échec. Votre autorisation de séjour fut exceptionnellement reconduite pour une nouvelle durée de 12 mois pendant laquelle vous avez accompli avec succès votre 1ère année en DUT. Par la suite l’année académique 2001/2002 au Département des études en gestion et en informatique, 2e année DUT, au Centre Universitaire s’est à nouveau soldée par un échec. Je m’empresse de vous rappeler que l’année académique ne peut être reconduite qu’une seule fois en cas d’échec et que le cycle des trois premières années d’études doit être accompli endéans quatre ans.

Par conséquent vous ne remplissez plus les conditions prescrites pour l’obtention d’une autorisation de séjour provisoire pour étudiants pour l’année scolaire 2002/2003.

En outre, l’autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée alors que vous ne disposez pas de moyens d’existence personnels conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui dispose que la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous vous trouvez en séjour irrégulier au pays depuis le 15 septembre 2002, vous êtes invité à quitter le pays sans délai ».

Par requête déposée le 10 février 2003, inscrite sous le numéro 15962 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 29 novembre 2002.

Suivant requête du 17 février 2003, inscrite sous le numéro 15995 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution de cette même décision ministérielle du 29 novembre 2002.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Alors même que le délégué du Gouvernement a déposé le mémoire en réponse dans le cadre du recours au fond inscrit sous le numéro 15962 du rôle en date du 19 février 2003 avant les plaidoiries concernant la requête de sursis à exécution sous analyse, il n’y a pas lieu d’admettre que le dit recours au fond est en état d’être plaidé et décidé à brève échéance, étant donné que le demandeur est susceptible de faire l'objet d'une mesure de rapatriement forcé dès avant la plaidoirie de l'affaire au fond (cf. TA (prés.) 29 juin 2000, n° 12063, Arrunategui Espinoza). Il ressort en effet des éléments du dossier administratif déposé au tribunal que le demandeur a fait l’objet d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour du 17 janvier 2003 et que la décision de refus ministérielle du 29 novembre 2002 a été transmise au commissariat de la police grand-ducale Merl-Belair avec prière notamment de surveiller le départ du demandeur.

A l’appui de sa requête, le demandeur affirme qu’il invoquerait des moyens sérieux à la base de son recours au fond et que la décision ministérielle attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif alors qu’en cas de départ immédiat, il ne pourrait pas terminer son année académique à l’Institut Supérieur de Technologie et qu’il se verrait ainsi définitivement privé de sa chance de décrocher un diplôme au Luxembourg.

Les moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours au fond contre la décision ministérielle précitée du 29 novembre 2002 reviennent à soulever d’abord l’illégalité de cette décision au motif que le ministre se serait fondé sur l’impossibilité pour le demandeur de poursuivre les études au Centre universitaire sans prendre en considération son admission en 1ère année au département de l’informatique appliquée à l’Institut Supérieur de Technologie.

Quant au motif de refus tiré du défaut de moyens d’existence suffisants, le demandeur fait valoir que le ministre aurait violé la loi en y rajoutant la condition que les moyens d’existence devraient être indépendants de l’aide que de tierces personnes pourraient s’engager à fournir, cette condition n’étant pas inscrite dans la loi qui ne préverrait aucune exigence quant à la provenance des fonds. Le demandeur conclut encore à l’annulation de la décision ministérielle du 29 novembre 2002 en arguant qu’on ne saurait, sans détourner l’esprit de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ;

2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, exiger d’un étudiant d’être en possession de moyens d’existence personnels suffisants en dehors de l’aide apportée par de tierces personnes, alors que le statut d’étudiant ne permettrait pas de se livrer à un emploi rémunéré pendant le temps des études. Il renvoie à l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, lequel soumettrait les étudiants originaires des Etats membres de l’Union européenne ou de l’Accord sur l’Espace Economique Européen seulement à une obligation de déclaration ou de preuve de l’existence de ressources à l’égard des autorités afin d’éviter qu’ils ne deviennent, durant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale, pour soutenir que, même s’il n’est pas directement visé par ledit article 1er, l’objectif devrait être le même pour les étudiants ressortissants d’Etats tiers, à savoir la justification de ressources propres afin de prévenir le risque qu’ils ne deviennent pendant leur séjour une charge pour l’Etat luxembourgeois. Le demandeur affirme que ce serait dans la conscience qu’on ne saurait exiger des étudiants la justification de revenus propres provenant d’une activité salariée que le ministre aurait interprété l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dans le sens de délivrer des autorisations de séjour aux étudiants satisfaisant aux autres conditions légales et notamment au demandeur même du chef des années académiques antérieures.

Le délégué du Gouvernement rétorque en contestant l’existence d’un préjudice grave et définitif dans le chef du demandeur qui, en cas d’annulation de la décision ministérielle du 29 novembre 2002, pourrait toujours retourner au pays et continuer ses études. Concernant le caractère sérieux des moyens soulevés par le demandeur, le représentant étatique fait valoir qu’on ne saurait forcer le ministre à tolérer le maintien artificiel d’un ressortissant d’un Etat tiers après deux échecs « sous le couvert d’un prétendu statut d’étudiant ». Il renvoie aux jurisprudences existantes quant à l’exigence de la preuve de moyens personnels suffisants et expose que l’application de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 constituerait une faculté pour le ministre, de manière qu’on ne pourrait pas lui faire le reproche de ne plus accorder la faveur d’une autorisation de séjour pour étudiant au demandeur et d’appliquer la loi s’il « constate le manque de sérieux de ce prétendu étudiant ».

Il y a lieu de souligner que le juge appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés et accorder le sursis lorsqu’ils paraissent, en l’état de l’instruction du dossier, de nature à entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée.

En l’espèce, en l’état actuel d’instruction de l’affaire, les moyens d’annulation soulevés par le demandeur à l’appui de son recours au fond n’apparaissent pas, dans leur globalité, comme suffisamment sérieux pour pouvoir justifier la mesure sollicitée.

En effet, il échet de constater, en ce qui concerne la condition des moyens personnels suffisants dont un étranger non communautaire doit bénéficier pour résider au Grand-Duché de Luxembourg, qu’au vu de la jurisprudence des juridictions administratives selon laquelle, d’une part, l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 permet au ministre de la Justice de refuser l’octroi d’un permis de séjour lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, n° 9669 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 121, et autres références y citées) et, d’autre part, une prise en charge signée par un tiers ainsi qu’une aide financière apportée au demandeur par une telle personne ne sont pas à considérer comme constituant des moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (trib. adm. 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 122, et autres références y citées), l’examen nécessairement sommaire du susdit moyen soulevé au fond par le demandeur ne fait pas apparaître que le ministre de la Justice aurait méconnu la disposition légale précitée, laquelle paraissant, eu égard aux éléments dont le soussigné peut avoir égard, légalement justifier les décisions ministérielles, étant entendu que ni la loi précitée du 28 mars 1972 ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ne prévoit une exception ou exemption de cette condition en faveur des étudiants (cf. trib. adm. 2 juillet 1997, n° 9595, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 131, et autres références y citées). En effet, le demandeur n’a pas rapporté, au stade actuel de l’instruction de l’affaire, la preuve de moyens d’existence personnels légalement perçus, mais soumis comme seule preuve de ressources à sa disposition une déclaration de prise en charge émise par son cousin, Monsieur …, demeurant à Luxembourg.

En outre, même en admettant que les moyens de subsistance fournis à un étudiant par ses parents tenus d’une obligation alimentaire légale à son égard puissent être considérés comme moyens personnels, aucun indice de l’existence de tels moyens de subsistance ne ressort du dossier en l’état actuel d’instruction de l’affaire.

Etant donné qu’au vu des considérations précitées, le premier motif de refus, basé sur le défaut de moyens personnels suffisants, tels qu’exigés par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, semble être de nature à justifier la décision ministérielle du 29 novembre 2002 et qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au ministre le renouvellement de l’autorisation de séjour en faveur d’un étudiant suite à un changement complet de l’orientation de sa formation, les moyens d’annulation soulevés par le demandeur à l’encontre de la décision ministérielle du 29 novembre 2002 n’apparaissent pas comme étant suffisamment sérieux pour justifier la mesure sollicitée.

Etant donné que les conditions tenant à l’existence de moyens sérieux et d’un préjudice grave et définitif doivent être cumulativement remplies, la seule absence de moyens sérieux entraîne l’échec de la demande.

PAR CES MOTIFS le soussigné, juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des autres magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en effet suspensif en la forme, au fond, le déclare non fondé et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 février 2003 par M. SCHROEDER, juge au tribunal administratif, en présence de M. LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. SCHROEDER 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15995
Date de la décision : 20/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-20;15995 ?

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