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28/11/2002 | LUXEMBOURG | N°15645

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2002, 15645


Tribunal administratif N° 15645 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 28 novembre 2002

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, en matière d'exercice de la profession de médecin

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 25 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 15645 du rôle, par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur …, médecin, demeurant à L-…, tendant à voir ordonner le sursis à exécution d'une...

Tribunal administratif N° 15645 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 28 novembre 2002

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, en matière d'exercice de la profession de médecin

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 25 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 15645 du rôle, par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, médecin, demeurant à L-…, tendant à voir ordonner le sursis à exécution d'une décision du ministre de la Santé du 8 novembre 2002 ayant retiré à celui-ci l'autorisation d'exercer la profession de médecin, cette demande s'inscrivant dans le cadre d'une requête en réformation, et subsidiairement en annulation, introduite le 21 novembre 2002, inscrite sous le numéro 15633 du rôle, contre la prédite décision de portant retrait;

Vu l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Guy PERROT, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 8 novembre 2002, le ministre de la Santé a pris l'arrêté suivant:

"Vu les requêtes répétées et notamment celle du 20 mars 2002 du Collège médical tendant au retrait de l'autorisation d'exercer la profession de médecin de Monsieur le docteur …, demeurant à …;

Vu la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l'exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire, et notamment son article 15;

Vu les rapports d'expertise séparés en date respectivement du 7 et du 9 juillet 2002 effectués par les trois médecins-experts désignés conformément à l'article 15 de la loi modifiée du 29 avril 1983 précité;

2 Considérant que le rapport d'expertise du 9 juillet 2002 conclut à un manque évident de connaissances médicales de base, à un problème de compréhension linguistique ainsi qu'à un problème de surdité sénile qui rendent inapte Monsieur le Dr … à l'exercice de la profession de médecin;

Arrête:

Art. 1er: L'autorisation d'exercer la profession de médecin en qualité de médecin généraliste, accordée en date du 21 juin 1994 à Monsieur le Dr …, demeurant à …, est retirée avec effet immédiat.

Art. 2: Le présent arrêté est communiqué à Monsieur le Dr … pour exécution.

Une copie en est adressée pour information et gouverne à Monsieur le Président du Collège médical, à Madame le Directeur de la Santé et à Monsieur le Président de l'Union des Caisses de maladie." Par requête déposée le 21 novembre 2002, inscrite sous le numéro 15633 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle du 8 novembre 2002, et par requête du 25 novembre 2002, inscrite sous le numéro 15645 du rôle, il a introduit une demande en sursis à exécution de la décision ministérielle du 8 novembre 2002 ainsi qu'une demande en allocation d'une indemnité de procédure de 2.000,- €.

A l'appui de son recours, Monsieur … fait exposer que l'exécution de la mesure de retrait de son autorisation d'exercer la profession de médecin lui causera un préjudice grave et définitif, puisqu'elle l'empêchera de continuer à gagner sa vie et qu'elle va entraîner, sous peu, la perte de sa clientèle qui va se diriger vers d'autres cabinets médicaux. – Il estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux. Il fait valoir à cet effet:

- que la décision est entachée d'un vice de procédure car elle résulte d'expertises effectuées près d'un an après la saisine du ministre, alors que la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l'exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-

vétérinaire prévoit qu'une seule expertise doit "être effectuée au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la saisine du ministre";

- qu'en présence de deux expertises remises au ministre, l'exigence d'une seule expertise n'a pas été respectée;

- que la composition du collège médical et des membres ayant pris part aux requêtes de saisine du ministre n'ayant pas été indiquée, la décision ministérielle serait entachée d'une irrégularité formelle;

- que la décision serait entachée d'un défaut de motivation, sinon d'une contrariété de motifs, étant donné qu'elle mentionnerait la présence de deux expertises, mais se baserait exclusivement sur une seule, la plus défavorable au demandeur;

3 - que la disposition légale invoquée par le ministre à l'appui de son recours ne lui permettrait que de prononcer une suspension du médecin, mais pas un retrait de l'autorisation d'exercer la profession;

- que le ministre se serait à tort cru lié par les requêtes du Collège médical l'invitant à engager la procédure de suspension à l'égard du demandeur.

Le délégué du gouvernement estime que l'exécution immédiate de la mesure incriminée ne causera pas au demandeur un préjudice grave et définitif. Retraçant le calendrier de l'instruction de la plainte déposée contre le docteur …, il explique que les retards pris dans l'instruction de l'affaire sont dus aux demandes de communication du dossier et de fixation d'entrevues de la part du mandataire du demandeur, et qu'on ne saurait se plaindre de retards dans l'instruction de l'affaire lorsqu'on est soi-même à leur origine. Il ajoute que la loi ne prévoit pas de sanction au cas où l'instruction dure plus longtemps que le prévoit la loi. Il estime que la procédure légalement prévue ne saurait être viciée lorsque les experts nommés ne peuvent pas se mettre d'accord pour rédiger un rapport commun. Sans nier qu'au cas où la loi prévoit le recours à un organisme consultatif, l'avis émis doit indiquer la composition de cet organisme, il estime qu'au cas où un organe collégial n'émet pas d'avis, mais n'intervient dans une procédure qu'en qualité de partie plaignante qui fait déclencher la procédure, les règles afférentes, tirées de l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, sont sans application. Il nie une absence ou une contradiction des motifs dans le chef de la décision du ministre, étant donné que le ministre a bien pris en considération les deux avis lui remis, mais qu'il s'est rallié aux conclusions du rapport émanant de deux experts, ne suivant pas les conclusions de l'expert ayant remis un avis minoritaire. Il estime que le ministre était en droit, sur base de la disposition légale invoquée dans l'arrêté du 8 novembre 2002, à savoir l'article 15 de la loi du 29 avril 1983, précitée, de retirer l'autorisation d'exercer la profession de médecin au demandeur. Il rejette finalement l'affirmation que le ministre se serait cru lié par la prise de position du Collège médical.

En vertu de l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée à brève échéance.

L'interdiction, même temporaire, d'exercer une profession entraîne dans le chef de celui qui subit la mesure le risque d'un préjudice à la fois grave, étant donné qu'il ne peut plus gagner normalement sa vie par le travail pour lequel il a été formé, et définitif, étant donné qu'il subit inéluctablement une perte de clientèle et doit ultérieurement, se réadapter voire se recycler.

En l'espèce, le risque d'un préjudice grave et définitif consécutivement à l'interdiction faite à Monsieur … d'exercer la profession de médecin généraliste est donné.

Concernant le sérieux des moyens invoqués au fond, il convient de souligner qu'il n'appartient pas au soussigné de se prononcer sur les compétences ou les incompétences de Monsieur … en matière médicale, mais de vérifier si les moyens invoqués par lui dans l'instance engagée au fond présentent de sérieuses chances de succès.

4 Dans ce contexte, il faut constater que, logiquement, le moyen énoncé en cinquième lieu dans la requête en sursis à exécution (et exposé sub C, 1. dans la requête au fond), relatif à la question du pouvoir du ministre de retirer au demandeur, dans le cadre de la procédure engagée, l'autorisation d'exercer sa profession, conditionne les autres moyens, puisque ceux-ci supposent une réponse affirmative à cette question.

L'article 15, alinéa 1er de la loi du 29 avril 1983, précitée, dispose dans son alinéa 1er que l'autorisation d'exercer la profession de médecin ou de médecin-dentiste visée aux articles 1er, 2, 8 et 9 est suspendue ou retirée lorsque les conditions y prévues ne sont plus remplies.

Les dispositions visées par l'article 15, alinéa 1er prévoient des conditions relatives aux diplômes dont respectivement un médecin ou un médecin-dentiste doit être titulaire, ajoutant qu'il doit par ailleurs remplir les conditions de moralité et d'honorabilité ainsi que de santé physique et psychique nécessaires à l'exercice de la profession de médecin.

L'article 15, alinéa 2 prévoit qu'en cas d'inaptitude, le ministre de la santé peut décider de la suspension temporaire du droit d'exercer, celle-ci étant prononcée pour une période déterminée après recours obligatoire à l'avis de trois médecins.

Il se dégage des travaux préparatoires de la loi du 31 juillet 1995 ayant, entre autres, modifié l'article 15 de la loi du 29 avril 1983, que le terme d'inaptitude vise cumulativement les notions d'infirmité, de comportement pathologique et d'incompétence manifeste (doc. parl.

n° 3975-1, avis du Conseil d'Etat, examen des articles, sub art. 15, p. 4).

Par courrier du 20 juillet 2001, le ministre de la Santé informa Monsieur … qu'il engageait "la procédure telle qu'elle est prévue par l'article 15, al. 2 de la loi modifiée du 29 avril 1983 (…)." Par lettre du 17 avril 2002, il l'invita à désigner un expert devant faire partie du collège d'experts prévu par la loi, lui faisant savoir que le Collège médical persistait dans son attitude consistant à conclure à son "inaptitude" à l'exercice de la profession de médecin.

Finalement, l'arrêté ministériel du 8 novembre portant retrait de l'autorisation de Monsieur … d'exercer la profession de médecin est basée sur les conclusions de deux des trois experts qui ont conclu à un manque évident, dans le chef de celui-ci, de connaissances médicales de base, à un problème de compréhension linguistique ainsi qu'à un problème de surdité sénile le rendant "inapte" à l'exercice de la profession de médecin, le troisième étant parvenu à une conclusion contraire.

Il s'en dégage que la procédure ayant finalement abouti au retrait de l'autorisation de Monsieur … d'exercer la profession de médecin a été engagée et menée sur base de l'article 15, alinéa 2 de la loi modifiée du 29 avril 1983 qui permet au ministre de la Santé, dans le cas"d'inaptitude", de décider la suspension temporaire du droit d'exercer.

Il n'appartient pas au soussigné, sous peine de préjuger le fond, de décider si le ministre avait le pouvoir, après avoir engagé la procédure prévue par l'article 15, alinéa 2 de la loi modifiée du 29 avril 1983 au motif d'une inaptitude présumée de Monsieur …, de prononcer, au terme de cette procédure, non une suspension temporaire du médecin, seule mesure prévue par la disposition en question, mais un retrait de l'autorisation d'exercer la profession de médecin.

En revanche, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, le moyen tiré de l'absence de pouvoir du ministre, dans le cadre de la procédure par lui engagée, de prononcer le retrait de 5 l'autorisation de Monsieur … d'exercer la profession de médecin, est suffisamment sérieux pour remplir les conditions de l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée.

L'affaire n'étant par ailleurs pas en mesure d'être plaidée à brève échéance, les conditions nécessaires pour prononcer un sursis à exécution sont partant remplies, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande.

Les conditions de l'article 33 de la loi du 21 juin 1999, précitée n'étant par contre pas remplies, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d'une indemnité de procédure.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la requête en sursis à exécution recevable, au fond la déclare justifiée, partant, en attendant que le tribunal administratif ait statué au fond sur le mérite du recours introduit sous le numéro 15633 du rôle, ordonne le sursis à exécution de l'arrêté du ministre de la Santé du 8 novembre 2002 portant retrait de l'autorisation de Monsieur … d'exercer la profession de médecin, rejette la demande en allocation d'une indemnité de procédure, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 novembre 2002 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de Mme Wealer, greffière.

s. Wealer s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15645
Date de la décision : 28/11/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-11-28;15645 ?

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