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28/11/2002 | LUXEMBOURG | N°15576

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2002, 15576


Tribunal administratif N° 15576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 28 novembre 2002

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Madame …, contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg en matière de licenciement

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l'Etat, demeurant à B-…, te...

Tribunal administratif N° 15576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 28 novembre 2002

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Madame …, contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg en matière de licenciement

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l'Etat, demeurant à B-…, tendant à conférer un effet suspensif aux recours en réformation, subsidiairement en annulation introduits respectivement les 10 juillet 2002, portant le numéro 15104 du rôle, dirigé contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg du 31 mai 2002 portant résiliation de son contrat de travail moyennant un préavis de six mois prenant cours le 1er juin 2002 et se terminant le 30 novembre 2002, d'une part, et 28 octobre 2002, portant le numéro 15502 du rôle, dirigé contre une décision de la même banque de début octobre 2002, matérialisée par la fiche de salaire de Madame …, portant indication que sa sortie en tant qu'employée aurait lieu le 15 octobre 2002 et que son salaire ne lui serait versé que pour la période du 1er octobre 2002 au 15 octobre 2002, d'autre part, et à ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans la condamnation de la Banque centrale du Luxembourg à lui verser son salaire principalement jusqu'à la décision définitive à intervenir sur le fond, sinon subsidiairement et pour le moins jusqu'au 30 novembre 2002, ainsi que dans son maintien dans le système actuel de la sécurité sociale;

Vu l'ordonnance avant dire droit du 22 novembre 2002;

Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Ouï Maîtres Fernand ENTRINGER pour la demanderesse et Louis BERNS pour la Banque centrale du Luxembourg en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant contrat de travail non daté, prenant effet au 1er janvier 1999, Madame … fut engagée à la Banque centrale du Luxembourg. Suivant l'article 1er dudit contrat de travail, celui-ci fut basé sur l'article 4 du règlement grand-ducal du 21 juin 1984 fixant le statut des agents de l'Institut monétaire luxembourgeois. Le même article 1er prévoyait encore qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi relative au statut monétaire de la Banque centrale du Luxembourg, le contrat de travail serait basé sur l'article 14, (3), (b) de la loi en question.

L'article 2 du contrat dispose que le temps passé par Madame … au service de la Banque nationale de Belgique serait compté pour sa durée effective comme temps passé au service de la Banque centrale en ce qui concerne le calcul de l'ancienneté à la Banque centrale et le calcul de la pension de la Banque centrale.

Suivant lettre recommandée du 31 mai 2002, Madame … se vit notifier la résiliation, avec préavis, de son contrat de travail. Elle fut informée qu'en raison de son ancienneté, le préavis était de six mois, prenant cours le 1er juin 2002 et se terminant le 30 novembre 2002.

Ayant demandé les raisons de ce licenciement, elle fut informée que celui-ci avait eu lieu en raison de ses absences (143 jours en 2002) de son lieu de travail.

Par requête déposée le 10 juillet 2002, inscrit sous le numéro 15104 du rôle, Madame … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de licenciement par la Banque centrale. Le recours est basé sur ce que Madame … estime bénéficier du statut de l'employé public tel que régi par la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat, qu'en vertu de son ancienneté auprès de la Banque nationale de Belgique qui lui a été bonifiée pour le calcul de son ancienneté auprès de la Banque centrale du Luxembourg, elle bénéficierait actuellement d'une ancienneté de plus de dix ans ce qui, en vertu de l'article 7 de la loi précitée du 27 janvier 1972, interdirait son licenciement sauf à titre de mesure disciplinaire. Le recours ajoute que la résiliation du contrat d'emploi en cas d'absence prolongée ou d'absences répétées pour raison de santé ne peut être prononcée que moyennant l'observation d'un certain nombre de formalités dont aucune n'aurait été respectée en l'espèce.

Suivant fiche de salaire non datée lui adressée début octobre 2002, Madame … s'est vue informer que sa sortie en tant qu'employée aurait lieu le 15 octobre 2002 et que son salaire lui était versé pour la période du 1er au 15 octobre 2002.

Se plaignant de ce que son licenciement lui avait été notifié le 31 mai 2002 avec un préavis se terminant le 30 novembre 2002, elle a encore introduit, suivant requête déposée le 28 octobre 2002, inscrite sous le numéro 15502 du rôle, un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de ne lui verser son traitement que jusqu'au 15 octobre 2002. Elle conteste l'applicabilité, à son égard, de l'article 32, 2. de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, invoqué par la Banque centrale à l'appui de sa décision, la disposition en question prévoyant que le contrat de travail cesse de plein droit le jour de l'épuisement des droits du salarié à l'indemnité pécuniaire de maladie lui accordée conformément aux dispositions de l'article 14 du code des assurances sociales, à moins qu'il y ait attribution d'une pension d'invalidité, étant donné que, selon la demanderesse, cette disposition n'est pas applicable aux employés de l'Etat qui bénéficient d'un droit non limité dans le temps de continuer à toucher leur traitement en cas de maladie, sauf à leur appliquer l'article 7, 3.

précité de la loi du 27 janvier 1972.

Par requête déposée le 8 novembre 2002 Madame … sollicite le sursis à exécution par rapport aux deux décisions précitées de la Banque centrale, à savoir d'une part celle du licenciement avec préavis, et d'autre part celle de ne plus lui payer son salaire au-delà du 15 octobre 2002. Elle demande par ailleurs l'institution d'une mesure de sauvegarde consistant d'une part dans la condamnation de la Banque centrale à lui verser son salaire principalement jusqu'à la décision définitive à intervenir sur le fond, sinon subsidiairement et pour le moins jusqu'au 30 novembre 2002, et, d'autre part, dans son maintien dans le système actuel de la sécurité sociale.

Par ordonnance avant dire droit du 22 novembre, ayant constaté qu'une mesure de sauvegarde ne peut être prise qu'au cas où la décision administrative critiquée risque de causer à la partie demanderesse un préjudice grave et définitif, le soussigné s'est déclaré compétent pour connaître du litige et a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre position sur la question de savoir si l'exécution des mesures faisant l'objet des recours au fond risque de causer à la demanderesse un tel préjudice, étant donné qu'un tel risque conditionne à la fois le sursis à exécution et l'institution d'une mesure de sauvegarde.

Dans des développements exhaustifs et sincères, qui permettent au juge de se faire une idée de sa situation personnelle, Madame … expose qu'elle gagnait, avant son licenciement, 3.838,88 € nets par mois. Son mari gagne 5.000,- € nets par mois. Le couple a deux enfants, à savoir un fils de 20 ans qui fait des études universitaires et une fille de 17 ans qui fréquente un lycée.

Comme suite au licenciement de la demanderesse, les revenus du ménage ont chuté de 43,43 %, sans que les charges diminuent de manière correspondante. Celles-ci sont constituées essentiellement des frais de ménage et des frais d'entretien du fils qui fait des études. Madame … a contracté, ensemble avec son mari, pour financer ces études, un prêt bancaire remboursable en une fois en janvier 2003. Sa couverture sociale lui apparaît comme essentielle, étant donné sa santé chancelante et les frais médicaux élevés auxquels elle doit faire face de manière régulière.

Elle estime que le fait qu'elle est soutenue financièrement par son mari ne peut entrer en ligne de compte, car "on ne sait jamais de quoi demain sera fait !" Il est vrai que le préjudice résultant d'une perte de traitement peut être grave et définitif, à condition qu'il affecte son bénéficiaire dans ses conditions d'existence, l'oblige à modifier son train de vie et à réorienter ses projets d'avenir.

Tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, Madame … profite des revenus de son mari.

Ce soutien financier ne constitue pas une simple commodité, mais un véritable droit découlant des droits et obligations du mariage. Eu égard aux revenus non négligeables de son mari, le ménage doit pouvoir faire face, pendant la période à prendre en question, à la baisse des revenus du ménage.

Eu égard au fait que les effets de l'ordonnance de sursis à exécution ou d'institution d'une mesure de sauvegarde cessent dès que le tribunal a rendu un jugement au fond, ce jugement intervenant par ailleurs assez rapidement eu égard aux délais d'instruction essentiellement brefs prévus par la loi, le président du tribunal doit apprécier si l'exécution immédiate de la mesure faisant l'objet du recours risque de causer à l'administré un préjudice dont les effets, même en cas de succès du recours au fond, risquent de se produire immédiatement et de se prolonger au-delà de la décision à intervenir au fond.

Or, si une perte intégrale ou quasi intégrale de revenus peut constituer un tel préjudice, dans ce sens qu'elle oblige son bénéficiaire à modifier du jour au lendemain l'organisation de sa vie et que cette modification peut avoir des répercussions qui se prolongent dans le temps et qu'un succès de la demande au fond n'efface pas d'une manière certaine, tel n'est pas le cas d'une diminution de revenus qui permet de maintenir un certain niveau de vie en attendant la fixation définitive des droits par le juge du fond.

La condition d'un risque de préjudice grave et définitif n'étant pas remplie en l'espèce, la demande tendant respectivement au sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, vidant l'ordonnance du 22 novembre 2002, déclare les demandes de sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde non fondées et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 novembre 2002 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de Mme Wealer, greffière.

s. Wealer s. Ravarani 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15576
Date de la décision : 28/11/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-11-28;15576 ?

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