La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2002 | LUXEMBOURG | N°15576

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2002, 15576


Tribunal administratif N° 15576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 22 novembre 2002

===============================

Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Madame …, contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg en matière de licenciement

--------------------------------------


ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, employée de l'Etat, demeurant...

Tribunal administratif N° 15576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 22 novembre 2002

===============================

Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Madame …, contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg en matière de licenciement

--------------------------------------

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, employée de l'Etat, demeurant à B-…, tendant à conférer un effet suspensif aux recours en réformation, subsidiairement en annulation introduits respectivement les 10 juillet 2002, portant le numéro 15104 du rôle, dirigé contre une décision de la Banque centrale du Luxembourg du 31 mai 2002 portant résiliation de son contrat de travail moyennant un préavis de six mois prenant cours le 1er juin 2002 et se terminant le 30 novembre 2002, d'une part, et 28 octobre 2002, portant le numéro 15502 du rôle, dirigé contre une décision de la même banque de début octobre 2002, matérialisée par la fiche de salaire de Madame …, portant indication que sa sortie en tant qu'employée aurait lieu le 15 octobre 2002 et que son salaire ne lui serait versé que pour la période du 1er octobre 2002 au 15 octobre 2002, d'autre part, et à ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans la condamnation de la Banque centrale du Luxembourg à lui verser son salaire principalement jusqu'à la décision définitive à intervenir sur le fond, sinon subsidiairement et pour le moins jusqu'au 30 novembre 2002, ainsi que dans son maintien dans le système actuel de la sécurité sociale;

Vu la rupture du délibéré du 20 novembre 2002;

Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Ouï Maîtres Fernand ENTRINGER pour la demanderesse et Louis BERNS, à l'audience du 13 novembre 2002, et Nancy Carier à l'audience du 21 novembre 2002 pour la Banque centrale du Luxembourg en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

2 Suivant contrat de travail non daté, prenant effet au 1er janvier 1999, Madame … fut engagée à la Banque centrale du Luxembourg. Suivant l'article 1er dudit contrat de travail, celui-ci fut basé sur l'article 4 du règlement grand-ducal du 21 juin 1984 fixant le statut des agents de l'Institut monétaire luxembourgeois. Le même article 1er prévoyait encore qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi relative au statut monétaire de la Banque centrale du Luxembourg, le contrat de travail serait basé sur l'article 14, (3), (b) de la loi en question.

L'article 2 du contrat dispose que le temps passé par Madame … au service de la Banque nationale de Belgique serait compté pour sa durée effective comme temps passé au service de la Banque centrale en ce qui concerne le calcul de l'ancienneté à la Banque centrale et le calcul de la pension de la Banque centrale.

Suivant lettre recommandée du 31 mai 2002, Madame … se vit notifier la résiliation, avec préavis, de son contrat de travail. Elle fut informée qu'en raison de son ancienneté, le préavis était de six mois, prenant cours le 1er juin 2002 et se terminant le 30 novembre 2002.

Ayant demandé les raisons de ce licenciement, elle fut informée que celui-ci avait eu lieu en raison de ses absences (143 jours en 2002) de son lieu de travail.

Par requête déposée le 10 juillet 2002, inscrit sous le numéro 15104 du rôle, Madame … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de licenciement par la Banque centrale. Le recours est basé sur ce que Madame … estime bénéficier du statut de l'employé public tel que régi par la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat, qu'en vertu de son ancienneté auprès de la Banque nationale de Belgique qui lui a été bonifiée pour le calcul de son ancienneté auprès de la Banque centrale du Luxembourg, elle bénéficierait actuellement d'une ancienneté de plus de dix ans ce qui, en vertu de l'article 7 de la loi précitée du 27 janvier 1972, interdirait son licenciement sauf à titre de mesure disciplinaire. Le recours ajoute que la résiliation du contrat d'emploi en cas d'absence prolongée ou d'absences répétées pour raison de santé ne peut être prononcée que moyennant l'observation d'un certain nombre de formalités dont aucune n'aurait été respectée en l'espèce.

Suivant fiche de salaire non datée lui adressée début octobre 2002, Madame … s'est vue informer que sa sortie en tant qu'employée aurait lieu le 15 octobre 2002 et que son salaire lui était versé pour la période du 1er au 15 octobre 2002.

Se plaignant de ce que son licenciement lui avait été notifié le 31 mai 2002 avec un préavis se terminant le 30 novembre 2002, elle a encore introduit, suivant requête déposée le 28 octobre 2002, inscrite sous le numéro 15502 du rôle, un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de ne lui verser son traitement que jusqu'au 15 octobre 2002. Elle conteste l'applicabilité, à son égard, de l'article 32, 2. de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, invoqué par la Banque centrale à l'appui de sa décision, la disposition en question prévoyant que le contrat de travail cesse de plein droit le jour de l'épuisement des droits du salarié à l'indemnité pécuniaire de maladie lui accordée conformément aux dispositions de l'article 14 du code des assurances sociales, à moins qu'il y ait attribution d'une pension d'invalidité, étant donné que, selon la demanderesse, cette disposition n'est pas applicable aux employés de l'Etat qui bénéficient d'un droit non limité dans le temps de continuer à toucher leur traitement en cas de maladie, sauf à leur appliquer l'article 7, 3.

précité de la loi du 27 janvier 1972.

Par requête déposée le 8 novembre 2002 Madame … sollicite le sursis à exécution par rapport aux deux décisions précitées de la Banque centrale, à savoir d'une part celle du 3 licenciement avec préavis, et d'autre part celle de ne plus lui payer son salaire au-delà du 15 octobre 2002. Elle demande par ailleurs l'institution d'une mesure de sauvegarde consistant d'une part dans la condamnation de la Banque centrale à lui verser son salaire principalement jusqu'à la décision définitive à intervenir sur le fond, sinon subsidiairement et pour le moins jusqu'au 30 novembre 2002, et, d'autre part, dans son maintien dans le système actuel de la sécurité sociale.

La Banque centrale conteste la compétence des juridictions administratives à connaître de la demande au motif que Madame … ne bénéficierait pas du statut d'employée de l'Etat.

Elle estime que Madame … serait une employée qui ne remplit pas toutes les conditions pour être employée de l'Etat et dont la situation serait régie par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ainsi que le prévoit l'article 14, (3), (b), 2e tiret de la loi du 23 décembre 1998 relative au statut monétaire de la Banque centrale du Luxembourg. Son contrat de travail, conclu avant l'entrée en vigueur de ladite loi, étant basé sur l'article 4 du règlement grand-

ducal du 21 juin 1984, précité, qui vise le personnel recruté hors cadre et non sur l'article 2 du même règlement qui détermine le cadre du personnel, témoignerait de ce qu'elle aurait été engagée sous le régime de l'employée privée.

Madame … estime avoir été engagée sous le statut de l'employé public. Elle s'empare de la prestation de serment qui lui a été imposé avant l'entrée en fonctions, un tel serment ne se concevant que pour des agents relevant du secteur public.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En vertu de l'article 84 de la Constitution, le tribunal administratif, et partant son président appelé à édicter des mesures provisoires, n'est pas compétent pour connaître des contestations qui ont pour objet des droits civils. Il est partant incompétent pour connaître des questions relatives à la résiliation du contrat de travail des salariés dont le statut est régi par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. En revanche, il est compétent pour connaître des contestations relatives au contrat d'emploi et à la rémunération des employés de l'Etat, parmi 4 lesquelles sont comprises celles au licenciement (v. trib. adm. 12 mai 1998, Pas. adm. 2002, V° Fonction publique, n° 27, et les autres références y citées).

Le moyen tiré de la prestation de serment ne présente pas le caractère sérieux nécessaire pour emporter la conviction du soussigné. En effet, l'article 14, (2) de la loi du 23 décembre 1998, précitée, impose la prestation de serment à tous les agents de la Banque centrale, que leur statut relève de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat ou de celui de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

Le moyen invoqué par la Banque centrale, tiré de l'article 14, (3), (b) de la loi du 23 décembre 1998 ne saurait, en l'état actuel de l'instruction de l'affaire, permettre de conclure au statut – public ou privé – de Madame …. En effet, étant donné que le contrat de travail de Madame … est basé sur "l'article 14, (3), (b)" – sans autre spécification – de la loi du 23 décembre 1998, et que cette disposition vise, à son premier tiret, les employés qui remplissent les conditions pour être employés de l'Etat, et, à son second tiret, ceux qui ne remplissent pas ces conditions, on ne saurait tirer du visa de la disposition précitée une indication concernant le statut public ou non de l'engagement de la demanderesse.

L'article 4 du règlement grand-ducal du 21 juin 1984, précité, était de la teneur suivante: "En cas de nécessité et dans le cadre de l'organigramme dûment approuvé, la direction de l'Institut [monétaire luxembourgeois] peut recruter des agents à qualification particulière et justifiant d'une expérience professionnelle d'au moins dix ans acquise en dehors de l'Institut dans les matières financières et monétaires. Les agents à qualification particulière sont dispensés, pour l'admission au service de l'Institut, des conditions de nationalité, d'âge, de stage et d'examen de fin de stage. Ils sont engagés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Il peut être dérogé à leur égard aux dispositions du régime général de la fonction publique en matière de rémunération et de pension." Au stade actuel de l'instruction de l'affaire, il ne se dégage pas d'une manière univoque de l'article 4 du règlement grand-ducal du 21 juin 1984, précité, qu'il ne viserait que des agents relevant du statut des employés privés.

La nationalité belge de la demanderesse, qui, dans un régime de droit commun des employés publics, empêcherait celle-ci de bénéficier du statut d'employé public, en vertu de l'article 3 de la loi du 27 janvier 1972, qui exige que l'employé ait la nationalité luxembourgeoise, ne constitue pas un empêchement péremptoire pour bénéficier du statut en question dans le cadre de la Banque centrale. En effet, en vertu de l'article 14, (3), (c) de la loi du 23 décembre 1998, précitée, les agents occupés antérieurement à l'entrée en vigueur de ladite loi bénéficient le leur statut antérieur, en particulier ceux ayant bénéficié de l'application du règlement grand-ducal du 21 juin 1984. Or, le règlement grand-ducal en question dispense, en son article 4, les agents à qualification particulière de la condition de la nationalité luxembourgeoise, l'article 14, (3) de la loi du 20 mai 1983 portant création de l'Institut monétaire luxembourgeois, qui constitue la base légale du règlement grand-ducal précité, disposant par ailleurs que le régime de service des agents de l'Institut est un régime de droit public et que les droits et devoirs, et notamment les conditions de nomination, de rémunération et de retraite, sont arrêtés par un règlement grand-ducal qui peut déroger au statut des fonctionnaires et employés de l'Etat.

Il suit de ce qui précède que, sans pouvoir se prononcer sur le statut public ou privé de Madame …, sous peine de préjuger le fond, le président du tribunal administratif constate que 5 les moyens invoqués par celle-ci en faveur de sa thèse consistant à soutenir qu'elle bénéficie d'un statut public, apparaissent comme sérieux au stade actuel de l'instruction de l'affaire.

Pour pouvoir bénéficier d'un sursis à exécution ou d'une mesure de sauvegarde, une partie doit établir, par ailleurs, que la décision administrative faisant l'objet du recours en réformation ou en annulation risque de lui causer un préjudice grave et définitif.

Il est vrai que le préjudice résultant d'une perte de traitement peut être grave et définitif, à condition qu'il affecte son bénéficiaire dans ses conditions d'existence, l'oblige à modifier son train de vie et à réorienter ses projets d'avenir.

En l'espèce, la demanderesse n'a établi aucun élément concret permettant au juge d'apprécier dans quelle mesure son licenciement affecte ses conditions d'existence.

Il y a partant lieu d'ordonner la réouverture des débats en vue d'examiner si l'exécution de la mesure critiquée risque de lui causer un préjudice grave et définitif.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, avant dire droit, ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre position sur la question de savoir si l'exécution des mesures faisant l'objet des recours au fond risque de causer à la demanderesse un préjudice grave et définitif, refixe l'affaire au 27 novembre 2002 à 14.30 heures pour continuation des débats, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 22 novembre 2002 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15576
Date de la décision : 22/11/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-11-22;15576 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award