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16/05/2002 | LUXEMBOURG | N°14876

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2002, 14876


Tribunal administratif N° 14876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2002 Audience publique du 16 mai 2002

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame …, en matière d'aide sociale

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mai 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame â€

¦, ainsi qu'au nom de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, te...

Tribunal administratif N° 14876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2002 Audience publique du 16 mai 2002

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame …, en matière d'aide sociale

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 7 mai 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ainsi qu'au nom de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l'institution d'une mesure de sauvegarde dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour, inscrit sous le numéro 14875 du rôle, dirigé contre une décision implicite de la ministre de la Famille leur refusant une aide sociale telle que consacrée à l'article 4 (5) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile;

Vu l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Depuis 3 juin 1999, Monsieur … et son épouse, la dame …, ainsi que leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, ci-après désignés par "les consorts …", sont demandeurs d'asile déposé au Luxembourg. Leur demande d'asile a été rejetée par décision du ministre de la Justice du 28 novembre 2001. Un recours gracieux introduit le 11 janvier 2002 étant resté sans réponse, ils ont introduit le 7 mai 2002 un recours contentieux contre la décision de refus de leur accorder le statut de réfugiés.

Se plaignant de ce que, depuis leur arrivée, ils étaient entièrement pris en charge du point de vue alimentaire par le ministère de la Famille qui leur remettait des bons alimentaires leur permettant de manger dans des restaurants et leur remettait mensuellement la somme de LUF 11.000,- pour couvrir leurs autres dépenses, ils ne reçoivent plus, depuis mars 2002, de bons alimentaires, ni, depuis mai 2002, la somme de EUR 272,68 (correspondant à LUF 11.000,-), ils ont, par requête du 7 mai 2002, inscrite sous le numéro 14875 du rôle, introduit un recours en annulation contre le refus implicite de leur accorder une aide sociale telle que prévue par l'article 4, alinéa 5 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile. Par requête déposée le même jour, 2 inscrite sous le numéro 14876 du rôle, les consorts … ont introduit une demande en institution d'une mesure de sauvegarde consistant dans l'ordre à faire à l'autorité compétente de leur verser dans les 48 heures de la notification de l'ordonnance à intervenir, une aide sociale sur base des dispositions légales applicables en la matière, et de leur délivrer les bons alimentaires, en attendant qu'ils puissent solliciter du juge des référés statuant en matière civile une provision à faire valoir sur les montants des dommages-intérêts à allouer par le juge du fond.

Le délégué du gouvernement expose que Monsieur …, malgré le fait que sa situation de demandeur d'asile lui interdit légalement de s'adonner à un travail rémunéré, travaille depuis février 2002 au restaurant rapide … à Echternach et qu'après avoir été rendu attentif qu'il n'avait pas le droit d'y travailler, il aurait persisté dans son attitude, ce qui aurait amené l'administration suspendre l'aide sociale lui versée, du moins en ce qui concerne les bons alimentaires et la somme d'argent lui versés mensuellement, l'administration estimant qu'il serait, en fait, à même de subvenir lui-même à ses besoins et à ceux de sa famille.

Les demandeurs contestent que Monsieur … exerce un emploi rémunéré, concédant qu'il donne seulement, occasionnellement, un coup de main à l'exploitant du restaurant sans toucher une rémunération. Ils versent une lettre de la gérante du restaurant dans laquelle celle-

ci confirme cette affirmation.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Le demandeur se base sur l'article 4, alinéa 5 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée, en vertu duquel en cas de présentation d'une demande d'asile, une pièce attestant l'enregistrement de la demande est remise à chaque demandeur ayant au moins quatorze ans, cette attestation conférant "le droit à une aide sociale suivant les modalités à fixer par règlement grand-ducal." Il ressort du libellé de la disposition en question que le demandeur d'asile, par le seul fait de déposer une demande au ministère de la Justice, a un véritable droit à une aide sociale.

Lors de l'élaboration de la loi précitée du 3 avril 1996, les différentes instances législatives ont insisté sur ce que du seul fait du dépôt de la demande d'asile, le demandeur voit naître dans son chef un droit à une aide sociale (v. amendements adoptés par la commission juridique, doc. parl. n° 38065, ad 6, p. 3; rapport de la commission juridique, doc. parl. n° 380611, ad article 11, p. 15), et cela en dépit du danger que cette seule aide sociale attire un nombre trop considérable de demandeurs d'asile (avis complémentaire du Conseil d'Etat, doc. parl. n° 38066, ad amendement 6, p. 4).

Etant donné que la qualité de demandeur d'asile des consorts … n'est pas contestée, il y a lieu de constater que les motifs invoqués à l'appui de la demande au fond sont suffisamment sérieux pour faire admettre par le président du tribunal, statuant au provisoire, qu'ils ont droit, en principe, à une aide sociale par le seul fait d'avoir la qualité de demandeurs d'asile.

3 Le législateur n'a cependant pas abandonné au juge le pouvoir de fixer la nature et l'importance de l'aide sociale en question. Il a en revanche chargé le pouvoir exécutif de prévoir les modalités de cette aide.

Or, force est de constater qu'à l'heure actuelle, un règlement grand-ducal tel que prévu par la loi n'a pas été publié au Mémorial.

Si cette attitude du pouvoir exécutif empêche les consorts … de se voir allouer par voie de justice l'intégralité de l'aide sociale à laquelle ils ont droit, faute de détermination de cette aide par le texte réglementaire légalement prévu à ces fins, il faut constater d'autre part que la loi, qui ne doit rester inapplicable que dans la mesure où son exécution est absolument impossible, accorde aux demandeurs d'asile le droit à une aide sociale et que, même à défaut de texte réglementaire définissant avec précision la consistance de cette aide, celle-ci ne saurait en aucun cas rester en deçà du minimum vital et ne pas comprendre au moins le droit de se nourrir et de se loger, ce droit se dégageant du seul texte de la loi.

Il ressort des renseignements fournis que les consorts … sont logés par les soins du ministère de la Famille qui a cependant arrêté de fournir toute autre aide, notamment des bons alimentaires et le versement d'argent liquide, affirmant que Monsieur … travaille et gagne ainsi sa vie.

Il se dégage en effet des pièces versées, notamment d'une information de la police grand-ducale datée du 13 mai 2002 et d'une attestation de l'assistante d'hygiène sociale Nathalie Angèle KRIER, que Monsieur … travaille dans le restaurant rapide EURO-IMBISS MUSTAFA à Echternach. Devant ces pièces, l'affirmation selon laquelle il le ferait à titre gratuit n'est pas, en l'état actuel de l'instruction de l'affaire, de nature à emporter la conviction du juge statuant au provisoire.

Etant donné qu'il paraît, eu égard aux éléments d'appréciation auxquels le juge du provisoire peut actuellement avoir égard, que Monsieur … dispose de moyens financiers, indépendamment de la question de savoir s'il les touche légalement ou non, cette question n'étant pas pertinente en l'espèce, de sorte qu'il peut se nourrir par ses propres moyens financiers, le juge appelé à ordonner une mesure de sauvegarde ne saurait, à défaut du texte réglementaire prévu par la loi, appelé à définir la consistance de l'aide sociale à laquelle il a droit, lui allouer au provisoire une aide tendant à parfaire ses revenus dont il dispose par ailleurs. Eu égard aux obligations alimentaires découlant légalement à sa charge à l'égard de son épouse et de ses enfants, ceux-ci disposent, à leur tour, des moyens pour subvenir à leurs besoins alimentaires.

Il suit de ce qui précède que la demande est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, accueille la demande en institution d'une mesure de sauvegarde en la forme, 4 au fond, la déclare non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 16 mai 2002 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de Mme Wealer, greffière.

s. Wealer s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14876
Date de la décision : 16/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-16;14876 ?

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