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10/04/2002 | LUXEMBOURG | N°14779

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 avril 2002, 14779


Tribunal administratif N° 14779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2002 Audience publique du 10 avril 2002

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame …, contre une décision des ministres du Travail et de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée en date de ce jour au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscri

t au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame ...

Tribunal administratif N° 14779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2002 Audience publique du 10 avril 2002

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Requête en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur et Madame …, contre une décision des ministres du Travail et de la Justice en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée en date de ce jour au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leurs enfants mineurs …, née le … 1990, …, née le … 1993 et …, né le …, tous de nationalité yougoslave, tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport à une décision du 4 mars 2002 signée conjointement par les ministres de la Justice d'une part et du Travail et de l'Emploi d'autre part, leur ayant refusé la délivrance d'une autorisation de séjour et les ayant invités à quitter le territoire luxembourgeois avec leur famille dans le délai d'un mois, la demande s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour, inscrit sous le numéro 14778 du rôle, contre ladite décision ministérielle;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Olivier LANG, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 4 mars 2002, signée par les représentants des ministres de la Justice d'une part et du Travail et de l'Emploi d'autre part, Monsieur … et son épouse, Madame …, ainsi que leurs enfants mineurs …, née le … 1990, …, née le … 1993 et …, né le … 1996, tous de nationalité yougoslave, se sont vu refuser l'autorisation de séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sollicitée le 16 juillet 2001. La même décision les invita à quitter le territoire du Grand-Duché dans le délai d'un mois. Par requête déposée 5 avril 2002, inscrite sous le numéro 14778 du rôle, les époux …-… ont introduit un recours contentieux contre la prédite décision ministérielle.

2 Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 14779 du rôle, ils ont introduit un recours tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport à la décision leur refusant l'entrée et le séjour au pays.

A l'appui de leur demande, ils font exposer que la mesure de rapatriement leur causera un préjudice grave et définitif, étant donné qu'ils ont abandonné toutes les attaches qu'ils avaient dans leur pays d'origine pour fuir une situation dans laquelle ils subissaient quotidiennement des menaces graves de groupes incontrôlés de la population et de la police militaire yougoslave. Ils ajoutent que les deux enfants … et … sont actuellement parfaitement intégrées à leur milieu scolaire et amical. Ils estiment qu'une mesure d'éloignement ne se justifierait par aucune raison impérieuse et serait contraire à une conduite raisonnable de l'autorité administrative.

Ils estiment en outre que les moyens invoqués à l'appui de leur recours au fond sont sérieux. Ils se prévalent d'abord d'un vice affectant la légalité externe de la décision ministérielle du 4 mars 2002 en ce qu'elle n'a été signée que par les représentants de deux ministres, alors que la demande ayant donné lieu à la décision devait être adressée à trois autorités administratives distinctes réunies dans le cadre d'un service commun réunissant les ministères du Travail et de l'Emploi d'une part, de la Justice d'autre part et de la Famille de troisième part. Ils se basent de plus sur la procédure dite de régularisation mise en oeuvre par le gouvernement luxembourgeois dont ils estiment remplir les conditions pour bénéficier d'une autorisation de séjour. Ils estiment finalement que la décision de refus est nulle comme étant insuffisamment motivée.

Le délégué du gouvernement estime que les moyens invoqués par les demandeurs dans le cadre de leur recours au fond ne sont pas sérieux. Il rappelle à cet effet que la loi modifiée du 28 juin 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers, sur base de laquelle la décision litigieuse a été prise, confère au seul ministre de la Justice la compétence de prendre les décisions en matière d'autorisations de séjour. Il estime par ailleurs que la décision est suffisamment motivée, en ce qu'elle souligne que les demandeurs ne remplissent pas la condition de l'existence de moyens d'existence personnels suffisants légalement acquis. - Il conteste par ailleurs tout risque de préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs, en soulignant qu'il serait faux d'affirmer qu'en cas de retour dans leur pays d'origine, les membres de la famille … encourraient un quelconque danger. Il relève, dans ce contexte, que leur demande en reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée définitivement par décision juridictionnelle. Il ajoute que le fait de ne pas disposer de moyens d'existence dans son pays d'origine n'est pas à considérer comme un préjudice grave et définitif, seul pouvant être pris en considération un danger manifeste pour la vie, danger inexistant dans le cas d'espèce.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

La décision ministérielle du 4 mars 2002 constitue essentiellement une décision négative en ce qu'elle refuse aux consorts …-… l'autorisation de séjour. Accessoirement et par voie de conséquence, ceux-ci sont invités, dans la même décision, de quitter le territoire dans le délai d'un mois.

3 Or, le sursis à exécution ne saurait être ordonné par rapport à une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure. Une telle décision est en revanche susceptible de faire l'objet d'une mesure de sauvegarde. Il est indifférent, à cet effet, que la partie demanderesse base sa requête sur le seul article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999, relatif à la demande d'effet suspensif d'un recours, dès lors qu'il se dégage par ailleurs du libellé de la requête qu'il sollicite une mesure provisoire nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts, prévue par l'article 12 de la même loi.

Tel est le cas en l'espèce, étant donné qu'il ressort clairement du libellé de la requête introductive d'instance que les demandeurs sollicitent l'institution d'une mesure provisoire ayant pour effet de les autoriser à continuer à résider sur le territoire en attendant que le tribunal administratif ait statué sur le mérite de leur recours au fond.

L'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose que le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

En l'espèce, eu égard à la compétence du ministre de la Justice d'accorder ou de refuser seul les autorisations de séjour, le moyen tiré de l'absence de signature du ministre de la Famille sur la décision de refus d'autorisation de séjour du 4 mars 2002 ne semble pas suffisamment sérieux. La décision en question semble d'ailleurs motivée à suffisance de droit en ce qu'elle énonce un motif légal de refus d'accorder l'autorisation de séjour, à savoir l'absence de moyens d'existence personnels suffisants. Finalement, à supposer que le dépliant édité au nom des ministères du Travail et de l'Emploi, d'une part, de la Justice d'autre part, et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse de troisième part, intitulé "Informations pratiques aux personnes concernées – Régularisation du 15 mai au 13 juillet 2001 de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg", qui énonce que certaines catégories de personnes peuvent être régularisées, c'est-à-dire bénéficier d'une autorisation de séjour alors même qu'elles se trouvent de manière irrégulière sur le territoire national, puisse créer des droits pour ces personnes et des obligations pour le gouvernement, toujours est-il que les demandeurs restent en défaut d'établir qu'ils tombent dans l'une quelconque des sept catégories de bénéficiaires y énumérées.

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond n'apparaissent pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, comme suffisamment sérieux.

4 Etant donné que les conditions tenant à l'existence de moyens sérieux et d'un préjudice grave et définitif doivent être cumulativement remplies, la seule absence de moyens sérieux entraîne l'échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement, reçoit la demande en la forme, au fond, la déclare non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 10 avril 2002 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de Mme. Wealer, greffière assumée.

s. Wealer s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14779
Date de la décision : 10/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-10;14779 ?

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