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25/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12818

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2001, 12818


Tribunal administratif N° 12818 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2001 Audience publique du 25 juillet 2001

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Recours formé par Madame … BLONDIN, épouse …, …(France) contre une décision du ministre de l'Intérieur en présence de l'administration communale de Luxembourg en matière d'emploi

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12818 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2001 par Maître Anja REISDOERFER, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … BLONDIN, épou...

Tribunal administratif N° 12818 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2001 Audience publique du 25 juillet 2001

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Recours formé par Madame … BLONDIN, épouse …, …(France) contre une décision du ministre de l'Intérieur en présence de l'administration communale de Luxembourg en matière d'emploi

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12818 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2001 par Maître Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … BLONDIN, épouse …, employée par la Ville de Luxembourg et chargée du cours de danse de jazz au Conservatoire de la Ville de Luxembourg, demeurant à F-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l'Intérieur du 30 octobre 2000 portant refus de la dispenser de l'épreuve dans les trois langues administratives du pays, à savoir le luxembourgeois, le français et l'allemand, imposée aux chargés de cours de l'enseignement musical;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, ayant agi en remplacement de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 23 février 2001 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé le 9 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en duplique du mémoire en réponse de Monsieur le Délégué du Gouvernement du 9 avril 2001 », déposé en date du 8 mai 2001 au greffe du tribunal administratif au nom de la demanderesse;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mai 2001 par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié au mandataire de la demanderesse par voie de télécopie en date du 18 mai 2001;

1 Vu le mémoire en duplique déposé en date du 13 juin 2001 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 27 juin 2001 prise suite à une requête en sursis à exécution, subsidiairement en institution d’une mesure de sauvegarde introduite le 15 juin 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Anja REISDOERFER et Louis BERNS et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 avril 2000, le ministre de l'Intérieur adressa aux administrations communales, syndicats et établissements publics placés sous la surveillance des communes une circulaire, dans laquelle il rendit attentif aux dispositions du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 fixant les conditions de formation, d'admission aux emplois et de rémunération des chargés de cours des établissements d'enseignement musical du secteur communal, et en particulier à celle exigeant que les chargés de cours fassent preuve d'une connaissance adéquate des trois langues administratives du pays.

Après avoir été informée du contenu de la circulaire en question par son employeur – la Ville de Luxembourg – Madame … BLONDIN, épouse …, préqualifiée, sollicita une entrevue avec les responsables communaux pour leur expliquer qu'en raison de son ancienneté de service – 19 ans – et du caractère non rétroactif du règlement grand-ducal imposant l'épreuve de connaissance des trois langues, elle estimait ne pas être obligée de se soumettre aux dites épreuves. Elle adressa par ailleurs, le 20 octobre 2000, par l'intermédiaire de son mandataire, au ministre de l'Intérieur une demande tendant à obtenir une dispense complète de l'épreuve dans les trois langues administratives.

Par lettre du 30 octobre 2000, le ministre répondit, d'une part, que Madame BLONDIN n'avait pas encore adressé de demande à la « commission de contrôle » en vue de bénéficier d'une éventuelle dispense de l'examen dans l'une ou l'autre langue, de sorte qu'il ne pouvait pas accorder les dispenses telles que souhaitées, et, d'autre part, qu'il tenait à l'informer qu'une dispense totale des épreuves ne serait légalement pas possible.

Par requête déposée le 26 janvier 2001, Madame BLONDIN a introduit devant le tribunal administratif un recours tendant à voir constater, par réformation, au vu de sa qualité d'employé communal à durée indéterminée sur base d’un contrat non résiliable avec droit à l'application du régime de pension des fonctionnaires communaux, principalement que le ministre de l'Intérieur est tenu de l'exempter de l'épreuve de contrôle des connaissances des trois langues administratives, subsidiairement qu'il est tenu de lui accorder un délai supplémentaire de trois ans en vue de la préparation de l'épreuve de contrôle des connaissances, sinon, à voir annuler la décision ministérielle du 30 octobre 2000.

2 Avant de procéder à l’examen des moyens d’incompétence de la juridiction saisie et de ceux tendant à l’irrecevabilité du recours, voire de procéder à l’examen du fond de l’affaire, le tribunal est de prime abord appelé à examiner la question relative à l’admissibilité du mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement, les parties ayant eu l’occasion de faire valoir leurs observations y afférentes lors de l’audience fixée pour les plaidoiries de l’affaire.

Dans ce contexte, contrairement à l’opinion exprimée par le mandataire de la partie demanderesse, les parties aux procès ne sauraient faire exception ou renoncer aux dispositions légales relatives aux délais de production des mémoires, étant donné que les dispositions visées relèvent de l’organisation juridictionnelle, ce qui appelle même le tribunal à soulever d’office les questions relatives à leur respect.

Ceci dit, l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose en son paragraphe (5) que « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et les tiers intéressés sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ».

Or, sur base de la susdite disposition, le mémoire en duplique du délégué du gouvernement doit être écarté pour non-respect du délai d’un mois y fixé, tel que l’a d’ailleurs admis le délégué lors des plaidoiries de l’affaire, pour avoir certes été daté au 7 juin 2001, mais seulement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2001, le dépôt du mémoire en réplique de la partie demanderesse ayant eu lieu en date du 8 mai 2001.

Ensuite, il convient d’analyser le moyen d’incompétence discuté oralement par les parties au cours de l’audience fixée pour les plaidoiries.

En vertu de l'article 11.1. du règlement grand-ducal modifié du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l'Etat, les contestations résultant du contrat d'emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond.

Il convient de relever, dans ce contexte, que ledit article 11.1 du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975 est toujours de nature à fonder la compétence du tribunal administratif, ceci même si l’article 13 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, telle que modifiée par celle précitée du 9 juin 1995, ne comporte plus la base légale pour l’assimilation des employés des communes au régime des employés de l’Etat, étant donné qu’il n’en reste pas moins que, à défaut d’expression claire, expresse et non équivoque en sens contraire dans les dispositions mêmes de la loi en question, en vertu du principe de la pérennité des lois, en attendant la promulgation du règlement grand-ducal prévu par l’article 1.5. de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, le règlement grand-ducal valablement pris à l’époque, en date du 26 mai 1975, doit continuer à sortir ses effets dans la mesure où ses dispositions ne se trouvent pas en contradiction avec celles, hiérarchiquement supérieures ou égales, ultérieurement promulguées (cf. trib. adm. 5 juillet 1999, n° 10761 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Fonction publique, XII Employés de l’Etat - Employés communaux, n° 134 et autre référence y citée) et que l’attribution de compétence en faveur du tribunal administratif siégeant comme juge du fond résultant de l’article 11.1. du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975 n’a été contredite par aucune disposition ultérieure.

3 Ceci étant, le litige actuellement déféré ayant trait au contrat d’emploi de Madame BLONDIN amène le tribunal à examiner si celle-ci rentre dans la catégorie des employés communaux visés par ledit règlement grand-ducal du 26 mai 1975, telle que se dégageant de la législation applicable au moment de l’introduction du recours, afin de déterminer utilement sa compétence.

Dans sa requête introductive d’instance, Madame BLONDIN indique qu’elle entend tirer sa qualité d'employée communale du fait qu'elle est au service de la commune depuis le 1er septembre 1982 de façon ininterrompue, qu'elle fut engagée à chaque reprise aux termes d'une délibération du conseil communal et que les délibérations font référence aux textes réglementaires et législatifs relatifs aux fonctionnaires et employés communaux.

Il convient en premier lieu de relever que l'article 6, alinéa 2 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, qui dispose qu'à défaut d'écrit ou d'écrit spécifiant que le contrat de travail est conclu pour une durée déterminée, celui-ci est présumé être conclu pour une durée indéterminée et que l'article 10 de la même loi, qui prévoit que si la relation de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée, sont applicables aux employés publics (trib. adm. 30 juillet 1997, n° 9937 du rôle). L'exigence d'un écrit s'applique tant au premier engagement de l'employé public que, dans le cadre d'une succession de contrats à durée déterminée, à chaque contrat d'engagement subséquent considéré isolément (trib. adm. 14 juillet 1999, nos. 11079 et 11098 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 6 juillet 2000, n° 11498C du rôle).

En l'espèce, force est de constater que seulement une succession incomplète de contrats d'engagement à durée déterminée de Madame BLONDIN se dégage des pièces versées en cause. C'est ainsi que seul est versé aux débats le contrat d'engagement se rapportant à l’année scolaire 1995/96, signé le 9 janvier 1996. Ce contrat mentionne que la demanderesse est en service auprès du Conservatoire depuis le 1er septembre 1982 en qualité de chargée de cours de danse de jazz. Aux termes du contrat en question, celui-ci est régi tant par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, que par le règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant application des dispositions des articles 5, 8, 34 et 41 de la loi précitée. Le même contrat se réfère encore au règlement communal concernant l’occupation et la rémunération des chargés de cours du Conservatoire de musique du 12 juillet 1991, approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 1er août 1991, mais excepte l'applicabilité de l'article 3 dudit règlement qui dispose en son alinéa 3 que les chargés de cours du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg « jouissent du statut de l’employé communal avec contrat de louage de services à durée déterminée conformément à la législation en vigueur sur le contrat de travail ».

Une délibération du conseil communal du 25 novembre 1996, relative à l'année scolaire 1996/1997, la seule versée, précise cependant bien que les personnes concernées, dont Madame BLONDIN, sont engagées comme « chargés de cours », et elle se réfère par ailleurs de manière expresse au règlement communal du 12 juillet 1991, mais sans se référer à l'article 3 pour en excepter l'applicabilité.

Il se dégage par ailleurs de la jurisprudence administrative qu'une personne qui n'accomplit qu'une tâche à temps partiel au sein d'une administration communale, peut avoir la qualité d'employé communal, qu'elle dispose d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à durée indéterminée (trib. adm. 18 novembre 1999, précité; 19 juillet 2000, n° 11124 du rôle).

4 En l’absence d’une quelconque précision quant au statut exact sous lequel la partie demanderesse a été engagée antérieurement, notamment lors de sa première nomination, ladite délibération constitue un élément d'appréciation suffisant - non contredit utilement par l’administration communale concernée - amenant le tribunal à conclure que la demanderesse bénéficiait du statut d'employée communale au sens du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation sous analyse. - Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le délégué du gouvernement et la Ville de Luxembourg soulèvent ensuite l'irrecevabilité du recours au motif qu’il ne serait pas dirigé contre une décision administrative faisant grief, la prétendue décision du ministre de l'Intérieur du 30 octobre 2000 ne constituant qu'une simple information d'une situation légale.

Sur ce point, le tribunal administratif adopte la position prise par le président du tribunal dans son ordonnance prévisée du 27 juin 2001 en ce qu’il a retenu que la lettre du ministre de l'Intérieur du 30 octobre 2000 fait suite à une demande adressée par le mandataire de la partie demanderesse tendant à voir accorder à celle-ci une dispense totale de l'épreuve de connaissance des trois langues administratives, que le ministre y répond en exposant la situation légale et réglementaire telle qu'il l'envisage, que quant à la demande de dispense totale de l'épreuve de langues, il répond: « A titre d'information, je vous signale qu'une dispense totale de l'examen en question n'est pas prévue mais que les dispenses sont accordées au cas par cas et au vu des pièces jointes à la demande », que ce passage de la lettre du ministre formule de manière suffisamment claire un refus du ministre d'accorder à la partie demanderesse une dispense totale de l'épreuve et que s’il est vrai que le ministre se place dans le cadre des dispenses pouvant être légalement accordées à ceux qui justifient autrement la connaissance de l'une ou de l'autre des trois langues, et que la partie demanderesse a sollicité une telle dispense en se prévalant de son statut devant la dispenser de l'intégralité de l'épreuve, indépendamment de l'état concret de ses connaissances des trois langues, toujours est-il que le ministre lui signale clairement son refus de la dispenser de l'épreuve.

Il s’ensuit que la décision ministérielle du 30 octobre 2000 constitue une décision administrative faisant grief contre laquelle Madame BLONDIN est recevable à exercer un recours contentieux et le moyen d’irrecevabilité afférent laisse d’être fondé et doit être écarté.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, Madame BLONDIN demande au tribunal de dire principalement que le ministre de l'Intérieur est tenu de l'exempter de l'épreuve de contrôle des connaissances des trois langues administratives, subsidiairement qu'il est tenu de lui accorder un délai supplémentaire de trois ans en vue de la préparation de l'épreuve de contrôle des connaissances.

5 A ces fins, elle reproche au ministre de lui avoir appliqué le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 en violation de ses droits acquis en tant que bénéficiaire du statut d’employée communale. Dans cet ordre d’idées, la partie demanderesse soutient en outre que le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 porterait rétroactivement atteinte à ses droits acquis et se heurterait ainsi à l’article 2 du code civil et au principe général du droit de la non-rétroactivité des actes administratifs et ne pourrait pas être appliqué en vertu de l’article 95 de la Constitution.

La partie demanderesse soulève ensuite la violation de l’article 9 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes au motif que l’administration communale et l’autorité de tutelle auraient « délibérément méconnu les formes dans lesquelles le retrait d’un droit acquis aurait dû s’exercer ».

Ensuite, la partie demanderesse soutient que les dispositions régissant l’épreuve de contrôle de connaissances des trois langues seraient des dispositions relatives à des examens d’admissibilité éliminatoires et comme telles inaptes à être appliquées à sa situation et elle reproche au ministre de ne pas lui avoir soumis de programme ou document lui permettant de se préparer aux épreuves projetées. Elle critique encore le fait qu’aucun congé de formation spécifique n’aurait été prévu pour les concernés.

Enfin, elle fait valoir que le fait de lui imposer des épreuves de contrôle linguistiques sans en avoir prouvé la nécessité dans l’exercice de sa profession serait contraire aux dispositions du traité de Rome et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Le délégué du gouvernement expose que la loi du 28 avril 1998 portant a) harmonisation de l’enseignement musical dans le secteur communal; (…), « loin de vouloir opérer « un retrait d’un droit acquis » comme le soutient le mandataire du requérant, la loi ainsi que son règlement d’exécution s’efforcent de créer un cadre général permettant à tous les enseignants de musique du secteur communal de pouvoir bénéficier d’une carrière et d’un classement bien défini.

L’argument quant à la prétendue rétroactivité des dispositions du règlement grand-

ducal est également dénué de tout fondement étant donné que l’exigence de la maîtrise des trois langues administratives pour pouvoir bénéficier du classement prévu au règlement grand-ducal (à savoir les grades E1, E2, E3 et E3ter) ne s’applique qu’à partir de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal visé. Rien n’oblige en effet les différents chargés de cours à se soumettre à l’épreuve des trois langues administratives; le fait de ne pas participer aux examens en question ne préjuge en rien la situation existante du/des chargés de cours en question qui pourront toujours continuer à donner des cours de musique sous leur statut actuel (sic) ».

L’Etat conclut également au rejet des autres moyens pour manquer de fondement.

La Ville de Luxembourg se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne le bien-

fondé du recours, tout en donnant à considérer qu’à son avis, la qualité d’employée communale ne saurait avoir d’incidence sur les obligations de la partie demanderesse en matière de connaissance de langues.

6 Au voeu de l’article 2 du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, pris sur base de la loi précitée du 28 avril 1998, les candidats qui veulent être engagés en qualité de chargé de cours de l’enseignement musical dans le secteur communal doivent, entre autres, « avoir fait preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives telles que définies par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 1er juillet 1996 modifiant le règlement grand-ducal du 20 décembre 1990 fixant les conditions d’admission et d’examen des fonctionnaires communaux ainsi que du règlement ministériel du 14 octobre 1996 fixant les critères d’évaluation de la connaissance des trois langues administratives pour les candidats aux postes de fonctionnaire communal. Exceptionnellement, pour des raisons dûment motivées tenant à l’intérêt du service et aux nécessités de son fonctionnement, des dispenses individuelles du contrôle de la connaissance d’une de ces langues au maximum pourront être accordées par décision du Ministre de l’Intérieur ».

L’article 9 intitulé « Dispositions transitoires » du susdit règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 précise que « les chargés de cours de l’enseignement musical et les chargés de direction d’une école de musique en service à la date de l’entrée en vigueur du présent règlement grand-ducal, suite à un engagement contractuel par une commune, (…) en qualité d’employé communal ou privé, pour une tâche complète ou partielle et à durée déterminée ou indéterminée, qui ne suffisent pas aux conditions énoncées à l’article 2.4 et 2.6, devront remplir les conditions afférentes requises dans un délai de trois années à partir de la date de l’entrée en vigueur du présent règlement. (…) ».

Il convient en premier lieu de ne pas faire droit à l’argumentation de la partie demanderesse consistant à soutenir que la réglementation relative à une connaissance des trois langues officielles du pays ne lui serait pas applicable en raison de sa situation juridique d’employée communale et partant de rejeter son moyen de réformation basé sur une prétendue atteinte à ses droits acquis.

En effet, la partie demanderesse ne saurait faire valoir un droit acquis opposable à une modification de portée réglementaire de sa situation juridique. En d’autres termes, les dispositions générales, légales ou réglementaires, qui régissent la situation juridique de la partie demanderesse, en tant qu’agent public relevant du droit administratif, peuvent être modifiées à tout moment par le pouvoir législatif ou réglementaire sans que l’intéressée ne puisse en exiger le maintien.

C’est encore à tort que la partie demanderesse soutient que la nouvelle réglementation aurait un effet rétroactif, étant donné que le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 n’entend pas revenir sur le passé et modifier l’effet de l’ancienne réglementation sur les faits qui se sont passés sous son empire, notamment en remettant en cause l’admission de l’intéressée en qualité d’employée communale, mais de fixer de nouvelles règles devant régir -

pour l’avenir - l’exécution de son emploi.

Concernant le moyen tiré de la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, qui dispose que « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les 7 éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir (…) », force est de constater que ce moyen est dénué de fondement tant en ce qu’il vise la prise de la décision ministérielle sous examen qu’en ce qui concerne la prise du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, étant donné que, d’une part, la décision litigieuse du 30 octobre 2000 du ministre de l’Intérieur n’est pas intervenue d’office, mais suite à l’initiative de l’intéressée et, d’autre part, le champ d’application du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ne couvre pas la prise des décisions réglementaires, mais seulement la prise des décisions administratives individuelles (cf.

trib. adm. 21 février 2000, n° 11434 du rôle).

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut encore au rejet de l’antépénultième moyen de réformation tiré de l’inapplicabilité de l’épreuve de contrôle étant donné que, d’une part, l’article 2. 4. du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 renvoie, concernant le déroulement des épreuves aux dispositions du règlement grand-ducal précité du 1er juillet 1996, d’autre part, le fait de prévoir un cadre réglementaire unique et uniforme tant pour les épreuves préalables à l’engagement que pour celles postérieures à l’engagement n’est pas de nature à vicier la légalité du contrôle de connaissance des langues pour le personnel en service au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation et, de troisième part, même abstraction faite de la réunion d’information organisée par la FGFC ensemble avec les responsables du ministère de l’Intérieur dont a fait état le délégué du gouvernement, les chargés de cours peuvent s’adresser à tout moment à leur employeur ou au ministère de l’Intérieur afin d’obtenir de plus amples renseignements ou explications quant au déroulement des contrôles de connaissances organisés. Dans ce contexte, il convient encore d’écarter le reproche relatif au défaut d’instauration d’un congé de formation spécifique dans le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, pareille mesure relevant d’un choix politique et le tribunal n’est pas compétent pour en apprécier l’opportunité.

Concernant le moyen tiré de l’incompatibilité de la réglementation prévue par la loi précitée du 28 avril 1998 et le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 avec le droit communautaire, force est de constater que l’exigence de la connaissance des trois langues officielles du Grand-Duché de Luxembourg par des chargés de cours de l’enseignement musical, c’est-à-dire le personnel recruté afin d’assurer le prédit service public offert à une population qui peut faire usage au choix de l’une des trois langues officielles du pays, étant relevé plus particulièrement que l’enseignement dont il est question en cause s’adresse en grande partie à des enfants (à partir de l’âge de 6 ans) et des jeunes, ne constitue pas une exigence incompatible avec les dispositions communautaires, notamment elle ne saurait être analysée comme une discrimination ouverte ou déguisée vis-à-vis des non-luxembourgeois. Il s’ensuit que ce moyen laisse également d’être fondé et doit être écarté.

Enfin, aucune disposition légale ne prévoyant la possibilité pour le tribunal d’accorder un délai supplémentaire de trois ans en vue de la préparation de l'épreuve de contrôle des connaissances, le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 ayant expressément prévu à son article 9 que les chargés de cours concernés en service au moment de l’entrée en vigueur dudit règlement « qui ne suffisent pas aux conditions énoncées à l’article 2.4 et 2.6, devront remplir les conditions afférentes requises dans un délai de trois années à partir de la date de l’entrée en vigueur du présent règlement », la demande afférente formulée en ordre subsidiaire est à abjuger.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

8 Abstraction faite de ce que la faculté pour le tribunal administratif d’allouer une indemnité de procédure trouve son fondement dans l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999 et non pas dans l’article 240 du nouveau Code de procédure civile, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 50.000.- francs formulée par la partie demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné que la partie demanderesse a succombé dans ses moyens et arguments.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

écarte le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement pour avoir été déposé tardivement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le reçoit également en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 25 juillet 2001, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12818
Date de la décision : 25/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-25;12818 ?

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