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02/05/2001 | LUXEMBOURG | N°13237

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2001, 13237


Tribunal administratif N° 13237 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2001 Audience publique du 2 mai 2001

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Requête en sursis à exécution introduite par MM. … LUDOVICO et …, contre des décisions du collège échevinal et du bourgmestre de la commune de … en présence de la société anonyme … S.A., en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 11 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs Francisco LUDOVICO,...

Tribunal administratif N° 13237 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2001 Audience publique du 2 mai 2001

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Requête en sursis à exécution introduite par MM. … LUDOVICO et …, contre des décisions du collège échevinal et du bourgmestre de la commune de … en présence de la société anonyme … S.A., en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 11 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs Francisco LUDOVICO, retraité, demeurant à …, et …, retraité, demeurant à …, tendant à conférer un effet suspensif au recours en annulation introduit le même jour, portant le numéro 13238 du rôle, dirigé 1) contre une décision du collège échevinal de la commune de … du 23 janvier 2001 décidant, par application de l'article 5.4. du règlement communal sur les bâtisses, de maintenir constructible la parcelle inscrite au cadastre de la commune de …, section B de …, sous le numéro …, et d'accorder toutes les exceptions nécessaires en rapport avec un projet de construction d'une maison d'habitation au même endroit, présenté par la société anonyme … S.A., établie à …, et 2) contre une décision du bourgmestre de la commune de … du 30 janvier 2001 accordant à la société anonyme … S.A., préqualifiée, l'autorisation de démolir la construction existante et de construire à sa place une maison d'habitation;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 12 avril 2001, portant signification de la prédite requête en effet sursis à exécution à l'administration communale de …, ainsi qu'à la société anonyme … S.A., préqualifiées;

Vu l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Ouï Maître Patrick KINSCH pour les demandeurs, Maître Georges PIERRET pour l'administration communale de … et Maître Claude WASSENICH pour la société anonyme … S.A. en leurs plaidoiries respectives les 25 et 30 avril 2001.

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Par décision du 23 janvier 2001, le collège échevinal de la commune de …, déclarant se baser sur l'article 5.4. du règlement communal sur les bâtisses, maintint constructible la parcelle inscrite au cadastre de la commune de …, section B de …, sous le numéro 88/2848, et accorda toutes les exceptions nécessaires en rapport avec un projet de construction d'une maison d'habitation au même endroit, présenté par la société anonyme … S.A. Le 30 janvier suivant, le bourgmestre de la commune de … accorda à la société en question l'autorisation de démolir la construction existante et de construire à sa place une maison d'habitation.

Par requête déposée le 11 avril 2001 et inscrite sous le numéro 13238 du rôle, MM. … LUDOVICO et … ont introduit un recours en annulation contre les décisions précitées prises respectivement par le collège échevinal et le bourgmestre de la commune de …, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 13237 du rôle, ils sollicitent un sursis à exécution de ces deux décisions, en attendant la solution du litige au fond.

La commune de … et la société … soulèvent l'irrecevabilité de la demande au motif qu'aucun des demandeurs ne disposerait d'un intérêt suffisant pour agir, Monsieur … n'habitant pas un immeuble construit sur un terrain adjacent à celui devant recevoir la construction litigieuse, et Monsieur LUDIVICO n'ayant pas à se plaindre de la nouvelle construction, celle-ci ayant les mêmes dimensions que l'ancienne construction.

Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir est à rejeter, étant donné qu'en droit, en vertu de la jurisprudence des juridictions administratives, il suffit d'être propriétaire d'un terrain adjacent à un terrain devant recevoir une construction litigieuse, sans qu'il soit nécessaire, en plus, d'habiter un immeuble voisin, et qu'en fait, s'il est vrai que la nouvelle construction aura la même surface que l'ancienne maison, elle sera plus élevée que celle-ci – fait allégué par les demandeurs et non contesté par les parties défenderesses – et aggravera de la sorte la situation des voisins de son terrain d'implantation.

Au fond, les défenderesses estiment que MM. LUDOVICO et … ne font pas valoir un risque de préjudice grave et définitif, étant donné qu'en cas d'annulation, par le juge du fond, de l'autorisation de construire attaquée, les demandeurs pourraient s'adresser aux tribunal judiciaires pour faire ordonner la démolition de la construction illégale. Ils font valoir par ailleurs qu'en cas d'arrêt du chantier, le préjudice du maître de l'ouvrage serait plus grave que celui que subiraient les demandeurs en cas de rejet de la demande en sursis à exécution.

Concernant les moyens invoqués à l'appui du recours, ils sont d'avis qu'ils ne sont pas suffisamment sérieux pour faire admettre une chance réelle d'annulation de l'autorisation de construire litigieuse.

Les demandeurs critiquent les reculs accusés par la construction projetée qui ont été spécialement autorisés par une décision dérogatoire aux reculs ordinaires prévus par l'article 2.14 du règlement sur les bâtisses. Ils exposent que la décision en question trouve sa source, en vertu du libellé même de l'autorisation de bâtir délivrée par le bourgmestre, dans une décision antérieure du collège échevinal qui, se basant sur l'article 5.4. du règlement sur les bâtisses – qui dispose que dans le cas où dans les zones partiellement construites une parcelle devient inconstructible par les prescriptions du règlement sur les bâtisses, des exceptions peuvent être accordées par le collège des bourgmestre et échevins – a arrêté, par décision du 23 janvier 2001, de "maintenir constructible" la parcelle litigieuse et "d'accorder toutes les exceptions nécessaires en rapport avec le projet présent." Or, ils contestent les conditions d'application de la disposition en question du règlement sur les bâtisses, au motif qu'il ne serait pas prouvé que ce soit par l'effet du règlement sur les bâtisses, édicté en 1997, que la parcelle en question serait devenue inconstructible. Ils contestent par ailleurs la légalité de la disposition en question, le collège des bourgmestre et échevins ne pouvant se voir autoriser par le conseil communal, seul compétent en la matière, via une subdélégation de pouvoirs, à déroger, de manière générale, aux dispositions du règlement sur les bâtisses, afin d'autoriser une construction qui ne serait pas susceptible d'être autorisée en vertu des règles générales définies par le conseil communal.

Les parties défenderesses rétorquent que la légalité de l'autorisation de construire se dégage non de la disposition de l'art 5.4. du règlement sur les bâtisses, mais de l'article 2.24 c) du même règlement, selon lequel les alignements des bâtiments existants demeurent réservés.

Les demandeurs concluent à l'inapplicabilité de cette disposition au présent litige, au motif qu'il ne s'agirait pas, dans la présente espèce, d'un bâtiment existant, mais d'une nouvelle construction.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

En l'espèce, la construction de la maison projetée, si elle était illégale, risquerait de causer aux demandeurs un préjudice grave et définitif, ceci au vu de la jurisprudence des juridictions judiciaires qui refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite (v. Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle).

Concernant le danger que l'exécution de la décision attaquée risque de causer aux demandeurs un préjudice grave et définitif, il n'y a pas lieu de suivre le raisonnement développé par le mandataire de ceux-ci à l'audience, et consistant à affirmer que pour constater l'existence d'un tel risque de préjudice, le juge devrait comparer les inconvénients respectifs entre l'hypothèse d'une exécution de la décision attaquée et celle d'une suspension de l'exécution de la décision en attendant la solution du litige au fond, et opter pour celle des solutions qui engendre le moins d'inconvénients.

En réalité, la loi prévoit que les décisions administratives sont exécutoires en principe, le juge, saisi dans le cadre de l'article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999, ne pouvant ordonner le sursis à exécution que lorsque l'exécution immédiate de la décision risque de causer à l'administré un préjudice grave et définitif. L'existence d'un tel préjudice ne se mesure donc pas par rapport à l'intérêt relatif de l'exécution immédiate de la décision administrative attaquée, mais par rapport à la situation préjudiciable – en droit et en fait – susceptible d'être créée par l'exécution immédiate de la décision et respectivement la possibilité ou l'impossibilité de recréer la situation initiale au cas où le recours engagé au fond contre la décision est couronné de succès.

Concernant les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés et accorder le sursis lorsqu'ils paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à pouvoir entraîner l'annulation ou la réformation de la décision critiquée.

En l'espèce, il est vrai que, dans le secteur d'implantation de la construction litigieuse, la marge de recul prévue par le règlement sur les bâtisses est de dix mètres, et qu'en vertu du libellé même de l'autorisation de construire attaquée, le bourgmestre s'est basé sur la décision du collège échevinal, elle-même prise en vertu de l'article 5.4. du règlement sur les bâtisses, pour déroger à l'exigence de cette marge de reculement.

Or, en vertu de la jurisprudence des juridictions administratives, de laquelle le juge du provisoire ne saurait se départir, si rien ne s'oppose à ce que par un règlement, le conseil communal charge le bourgmestre de compléter certaines parties accessoires de son oeuvre, la fixation des conditions à remplir par le particulier se proposant d'ériger une construction ne saurait faire l'objet d'une subdélégation par le conseil, fût-elle donnée au bourgmestre ou au collège des bourgmestre et échevins selon le cas. En particulier, un règlement communal ne saurait permettre la possibilité de faire des exceptions à la réglementation existante par un organe d'exécution, sans qu'un texte réglementaire ne fixe aucune condition, ni aucun paramètre dans le cadre desquels cette exception peut être faite (C.E. 19 novembre 1980, Pas.

25, 100; trib. adm. 15 juillet 1997, n° 9842 du rôle; 15 mars 1999, n° 10748 du rôle).

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'illégalité de la disposition de l'article 5.4. du règlement sur les bâtisses de la commune de …, qui constitue la base de la décision du collège échevinal du 23 janvier 2001, elle-même constituant la base de l'autorisation de construire délivrée par le bourgmestre le 30 janvier suivant, apparaît comme sérieux.

L'argument présenté par les parties défenderesses, selon lequel la base légale de l'autorisation de construire serait à rechercher, non dans la disposition invoquée de l'article 5.4. du règlement sur les bâtisses, mais dans celle de l'article 2.24 c) du même règlement, selon lequel les alignements des bâtiments existants demeurent réservés, n'est pas de nature à remettre en question le sérieux de l'argumentation des demandeurs, étant donné que la disposition invoquée paraît s'appliquer aux bâtiments ayant existé au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les bâtisses et dont les marges de reculement ne correspondent plus, depuis cette entrée en vigueur, aux exigences réglementaires, mais non à des constructions nouvellement érigées sur des terrains sur lesquels se trouvaient d'anciennes constructions entièrement démolies, tel que c'est le cas, le projet qui est en train d'être réalisé actuellement l'étant sur un terrain ayant accueilli une maison entièrement démolie en vertu d'un permis de démolir en bonne et due forme du 30 janvier 2001. Admettre le contraire équivaudrait à rendre impossible l'adaptation d'une réglementation à de nouvelles exigences urbanistiques, comme celle de prévoir des alignements uniformes, chaque terrain ayant eu une construction restant alors figé avec les anciens alignements.

L'argument dégagé ex post par les demandeurs, au vu des pièces par elles versées en vue de visualiser la situation de la parcelle litigieuse et dont il ressort par ailleurs que cette parcelle fait l'objet d'un projet de modification du plan d'aménagement général communal dans le sens du changement des marges de reculement de manière à les faire concorder avec l'autorisation de construire faisant l'objet du présent litige, tendant à soutenir qu'au vu de ce changement du plan d'aménagement général, la construction autorisée serait conforme aux exigences réglementaires en vigueur, n'est à son tour pas de nature à remettre en cause le caractère sérieux des moyens présentés à l'appui de la demande principale. En effet, l'autorisation en question a été délivrée à un moment où la procédure de modification du plan d'aménagement général communal était toujours en cours, seul le vote provisoire de la modification étant intervenue à ce moment et le vote définitif ayant eu lieu le 23 février 2001, soit postérieurement à la délivrance de l'autorisation, une approbation du vote définitif par l'autorité de tutelle faisant d'ailleurs toujours défaut à l'heure actuelle.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'en attendant la solution du litige au fond, il y a lieu d'ordonner le sursis à exécution de l'autorisation de construire litigieuse. Il n'y a par contre pas lieu d'étendre cette mesure à la décision du collège des bourgmestre et échevins du 23 janvier 2001, portant maintien du caractère constructible de la parcelle en question et octroi de toutes les exceptions nécessaires en rapport avec le projet en question, cette décision n'étant pas susceptible d'exécution à défaut du caractère exécutoire de l'autorisation de construire dont le sursis à exécution sera ordonné.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié en ce qui concerne l'autorisation de construire visée, partant ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de l'autorisation de construire délivrée le 30 janvier 2001 (n° 04/2001) par le bourgmestre de la commune de … à la société … S.A., en attendant la solution du litige au fond, actuellement pendant devant le tribunal administratif et portant le numéro 13238 du rôle, déclare le recours sans objet en ce qui concerne la décision du collège des bourgmestre et échevins n° 0190/01 du 23 janvier 2001, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 2 mai 2001 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13237
Date de la décision : 02/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-02;13237 ?

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