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04/04/2001 | LUXEMBOURG | N°13140

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2001, 13140


Tribunal administratif N° 13140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2001 Audience publique du 4 avril 2001

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … OMEROVIC, contre une décision du ministre de la Justice en matière d'entrée et de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 29 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLETZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur … OMEROVIC, né le … à …, originaire de …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tend...

Tribunal administratif N° 13140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2001 Audience publique du 4 avril 2001

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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … OMEROVIC, contre une décision du ministre de la Justice en matière d'entrée et de séjour

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 29 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLETZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … OMEROVIC, né le … à …, originaire de …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à conférer un effet suspensif au recours en annulation introduit la veille, portant le numéro 13136 du rôle, dirigé contre une décision du ministre de la Justice du 24 novembre 2000, lui notifiée le 5 janvier 2001, prononçant à son encontre l'ordre de quitter le territoire, faute de quoi il serait procédé à un éloignement forcé;

Vu l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Ardavan FATHOLETZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier daté du 24 novembre 2000, notifié le 5 janvier 2001, le ministre de la Justice a fait savoir à Monsieur … OMEROVIC ce qui suit:

"J'ai l'honneur de vous confirmer qu'en date du 19 octobre 2000 la Cour Administrative a rejeté votre demande d'asile que vous avez déposée en date du 25 mars 1999.

Vos voies de recours étant à présent épuisées, vous êtes invité à quitter le territoire dans le mois à partir de la notification de la présente, faute de quoi il sera procédé à un éloignement forcé conformément à l'article 13 de la loi du 3 août 1996 portant création 1.

d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2. d'un régime de protection temporaire." Par requête déposée le 28 mars 2001, enregistrée sous le numéro 13136 du rôle, Monsieur OMEROVIC a introduit un recours en annulation contre la décision lui ordonnant 2 de quitter le territoire, et par requête déposée le lendemain, il demande au président du tribunal d'ordonner le sursis à exécution de la décision en question en attendant la solution du litige au fond.

Il fait exposer que l'exécution de la décision risque de lui causer un préjudice grave et irréparable dans la mesure où le refoulement vers son pays d'origine mettrait en jeu tant son intégrité physique, étant donné que sa vie serait menacée par des extrémistes serbes soutenus par les autorités en place, que sa vie familiale, étant donné que la demande d'asile de son épouse, qui habite avec lui au Luxembourg, est toujours pendante. Il estime par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision attaquée sont sérieux.

Le délégué du gouvernement estime que la lettre du ministre de la Justice du 24 novembre 2000 ne constitue pas une décision, mais une simple information de ce que la demande d'asile de Monsieur OMEROVIC a été définitivement rejetée au terme d'une procédure s'étant soldée par un arrêt de la Cour administrative du 12 octobre 2000, de sorte que, par voie de conséquence et sans qu'une telle information ne fût par ailleurs nécessaire, celui-ci est obligé depuis lors, en vertu de la loi, de quitter le territoire luxembourgeois. Il expose par ailleurs que la situation en Bosnie a changé et qu'il n'y a plus, actuellement, un danger de persécution dans le chef de ses habitants, de sorte qu'en cas de retour, le demandeur ne risquerait pas de subir un préjudice grave et irréparable. Concernant le sérieux des moyens invoqués à l'appui de la demande au fond, il estime que, concernant le prétendu danger pour la vie du demandeur, ce danger a été mesuré par les juridictions administratives et écarté comme non donné, et, quant à la mise en danger de la vie familiale de Monsieur OMEROVIC, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne confère pas à l'étranger le choix de mener sa vie familiale où bon lui semble et que rien n'empêche son épouse et ses enfants de rentrer avec lui en Bosnie.

Pour constituer une décision administrative susceptible d'un recours contentieux, un acte émanant d'une autorité administrative doit constituer dans l'intention de celui qui l'émet une véritable décision et être de nature à faire grief. En l'espèce, c'est à tort que le délégué du gouvernement qualifie la lettre du ministre de la Justice du 24 novembre 2000 de simple information sur les suites nécessaires du rejet définitif de la demande d'asile du demandeur.

En effet, un tel rejet n'entraîne pas automatiquement l'obligation de quitter le territoire national, l'étranger pouvant encore, en principe, bénéficier d'autres dispositions légales l'autorisant à séjourner au pays. En intimant au demandeur de quitter le pays, le ministre de la Justice a pris une décision administrative dont le rejet de la demande d'asile constitue une condition nécessaire, mais pas suffisante. Il s'ensuit que l'invitation de quitter le pays s'analyse non en un simple constat de l'échec de la procédure en obtention du statut de réfugié, mais en une décision administrative autonome susceptible comme telle d'un recours contentieux séparé.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

En l'espèce, les moyens relatifs aux dangers auxquels s'exposerait Monsieur OMEROVIC en cas de retour dans son pays d'origine ne paraissent pas comme sérieux, étant 3 donné que la réalité de ces dangers a été examinée au cours de la procédure contentieuse à laquelle a donné lieu sa demande d'asile, et a été définitivement écartée par le tribunal administratif dans son jugement du 5 avril 2000 et l'arrêt confirmatif de la Cour administrative du 12 octobre 2000. En appréciant de nouveau ces éléments, le président du tribunal risquerait de se mettre en contradiction avec ce qui a été définitivement décidé par les juges du fond.

En revanche, le problème de la mise en danger de la vie familiale du demandeur peut encore être examiné dans le cadre de la présente instance, étant donné qu'il est étranger à la procédure de demande d'asile de Monsieur OMEROVIC.

Dans ce contexte, il se dégage des pièces versées que l'épouse du demandeur, Madame …, a présenté une demande d'asile tant pour elle-même que pour les deux enfants mineurs communs …, et que le processus décisionnel afférent n'est pas encore achevé, une décision ministérielle de refus ayant été prise le 17 janvier 2001 et un recours gracieux contre cette décision étant actuellement pendant.

A cet égard, il n'est pas possible de suivre le raisonnement du délégué du gouvernement consistant à affirmer que la vie familiale du demandeur ne serait pas en danger en cas de retour dans son pays d'origine, son épouse et ses enfants pouvant l'y accompagner, étant donné qu'en cas de succès de leur demande d'asile, Madame OMEROVIC-… et ses deux enfants seraient autorisés à rester définitivement sur le territoire du Grand-Duché et Monsieur OMEROVIC bénéficierait alors du droit de s'installer avec sa famille au Luxembourg, par application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant la vie familiale.

Le moyen dirigé contre la décision ministérielle du 24 novembre 2000 invitant Monsieur OMEROVIC à quitter le territoire du Grand-Duché tiré de sa contrariété à l'article 8 de la Convention précitée apparaît, au stade actuel de la procédure, comme suffisamment sérieux et comme de nature à engendrer au détriment du demandeur un préjudice grave et irréparable, de sorte qu'il y a lieu d'ordonner le sursis à exécution de la décision en question en attendant, soit la solution du litige au fond sur lequel se greffe la présente procédure, ainsi que le prévoit l'article 11 (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, soit une décision négative définitive concernant la demande d'asile présentée par Madame OMEROVIC-… Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare justifié, dit qu'il sera sursis à l'exécution de ladite décision en attendant, soit que le tribunal administratif ait statué au fond sur le mérite du recours introduit sous le numéro 13136 du rôle, soit qu'une décision négative définitive soit intervenue concernant la demande d'asile politique présentée par Madame OMEROVIC-… aux autorités luxembourgeoises, réserve les frais.

4 Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 4 avril 2001 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13140
Date de la décision : 04/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-04;13140 ?

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