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12/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11959C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 octobre 2000, 11959C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11959C Inscrit 28 avril 2000

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Audience publique du 12 octobre 2000 Recours formé par Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour (appel) (Jugement entrepris du 23 mars 2000 / n° du rôle 11696)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2000 p

ar Maître Patrick BIRDEN, avocat à la Cour, au nom de Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO, s...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11959C Inscrit 28 avril 2000

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Audience publique du 12 octobre 2000 Recours formé par Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour (appel) (Jugement entrepris du 23 mars 2000 / n° du rôle 11696)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2000 par Maître Patrick BIRDEN, avocat à la Cour, au nom de Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO, sans état, déclarant demeurer à L-1618 Luxembourg, 16, rue Irmine, contre un jugement rendu en matière d’autorisation de séjour par le tribunal administratif à la date du 23 mars 2000 à la requête de Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO.

Vu l’avis du dépôt dudit acte d’appel par le greffe de la Cour administrative daté du 2 mai 2000.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 31 mai 2000 par la déléguée du Gouvernement Claudine KONSBRUCK au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.

Vu l’avis du dépôt dudit mémoire daté du 31 mai 2000.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 23 mars 2000.

Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et Maître Claude PAULY, en remplacement de Maître Patrick BIRDEN, ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs observations orales.

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Par la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 1999 Maître Patrick BIRDEN, avocat à la Cour, au nom de Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO, déclarant demeurer à L-1618 Luxembourg, 16, rue Irmine, a demandé l’annulation d’une décision du 1 ministre de la Justice du 6 avril 1999, notifiée le 1er septembre 1999, lui refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et lui enjoignant de quitter le pays dès notification de l’arrêté.

Par décision du 23 mars 2000, le tribunal administratif, statuant contradictoirement, a reçu le recours en annulation en la forme, au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Par requête déposée le 28 avril 2000, Maître Patrick Birden a interjeté appel contre ce jugement auquel il reproche de causer torts et griefs.

Des emplois occupés entre septembre 1990 et juin 1995 prouveraient que FONSECA MONTEIRO serait apte à occuper un emploi salarié et qu'il peut gagner sa vie.

Qu’il ne constituerait en outre pas un danger pour l'ordre public, même si son comportement personnel faisait preuve d'un certain pittoresque.

Que FONSECA MONTEIRO, né le 7 octobre 1973 à Luxembourg, aurait toujours vécu au Luxembourg, n'aurait jamais séjourné au Cap Vert de sorte que les seuls liens familiaux existants pour le moment seraient ceux avec ses frères et sœurs habitant tous le Grand-Duché.

Le délégué du Gouvernement, par mémoire en réponse déposé en date du 31 mai 2000 au greffe de la Cour administrative, a demandé la confirmation du premier jugement.

Les premiers juges ont décidé à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que le ministre de la Justice a pu refuser l’entrée et le séjour de l’appelant en se basant sur l’absence de preuve de moyens personnels suffisants dans son chef.

C’est encore à bon droit que le tribunal administratif a retenu que si le refus ministériel se trouve, en principe, justifié à suffisance de droit par ledit motif, de sorte qu’il devient superfétatoire d’examiner les autres motifs de refus invoqués à l’appui de l’arrêté déféré, il convient cependant encore d’examiner le moyen d’annulation soulevé par le demandeur tiré du fait qu’il est au Luxembourg et que ses frères et sœurs résideraient au Luxembourg, moyen qui s’analyse en la violation de l’article 8 alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée la « Convention européenne des droits de l’homme » (CEDH), dans la mesure où il estime globalement qu’il y aurait violation de son droit au maintien de sa vie familiale, lequel tiendrait la disposition précitée de la loi du 28 mars 1972 en échec.

En droit international, il est de principe que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers. Cependant, les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de ladite convention.

A ce sujet, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que:

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être 2 économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » La Cour européenne des droits de l’homme a affirmé le principe que le refoulement ou l'éloignement d'un étranger d'un pays où vivent des membres proches de sa famille peut porter atteinte à son droit à la vie familiale et constituer une violation de la Convention européenne des droits de l’homme dans son article 8 (Abdulaziz, Cabales et Balkandali, 28 mai 1985, Cour européenne des droits de l’homme, arrêts et décisions, Série A. 94; Berrehab, 21 juin 1988, Cour européenne des droits de l’homme, arrêts et décisions, Série A. 138).

Toutefois, l'article 8 garantit seulement l'exercice du droit au respect d'une vie familiale « existante » et ne comporte pas le droit de choisir l'implantation géographique de cette vie familiale: l'Etat n'est pas tenu de laisser un étranger pénétrer sur son territoire pour y créer des liens familiaux nouveaux et il ne saurait y avoir violation de l'article 8 par une mesure de refoulement ou d'éloignement si l'unité de la vie familiale peut se reconstituer ailleurs (Cruz Varas et autres, 20 mars 1991, Cour européenne des droits de l’homme, arrêts et décisions, Série A. 201, § 68).

Si, dans le cadre des restrictions autorisées au droit garanti (art. 8, § 2), ce droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale s'efface devant les nécessités du contrôle de l'immigration et, plus généralement, de la protection de l'ordre public, cette solution générale ne vaut pas, toutefois, pour les « immigrés de la deuxième génération » qui bénéficient d'une protection renforcée contre les mesures d'éloignement du territoire.

La Cour européenne des droits de l’homme, particulièrement attentive au fait que l'étranger a sa vie familiale effective dans l'Etat d'accueil et n'a avec son Etat d'origine, hors le lien de nationalité, aucun lien réel, analyse la mesure d'expulsion - source de déracinement et perturbation grave de la vie familiale - comme une atteinte « disproportionnée » au droit au respect de la vie familiale, (Moustaquim c/ Belgique, 18 février 1991, RTDH, 1991, p. 377 ;

Beldjoudi c/ France, 26 mars 1992, RTDH, 1993, p. 445) à moins que l’étranger intégré se soit rendu coupable d’infractions graves contre l’ordre public ou qu’il ait maintenu des liens avec son pays d’origine. (Boughanemi c/ France, 24 avril 1996; Chorfi c/ Belgique, 7 août 1996).

Il y a partant lieu de constater que l’arrêté ministériel du 6 avril 1999 refusant l’entrée et le séjour au Luxembourg à FONSECA MONTEIRO Pedro Antonio, en l’absence d’infractions graves contre l’ordre public et à défaut de liens avec son pays d’origine, constitue une ingérence au sens de l’article 8 alinéa premier de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le jugement entrepris est par conséquent à réformer dans ce sens.

Le mandataire de l’appelant ayant informé la Cour que son client bénéficie de l’assistance judiciaire, il échet de lui en donner acte.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement, 3 reçoit l’acte d’appel du 28 avril 2000 en la forme;

le déclare fondé;

par réformation du jugement du 23 mars 2000, annule la décision du ministre de la Justice du 6 avril 1999 refusant l’entrée et le séjour à Pedro Antonio FONSECA MONTEIRO;

renvoie l’affaire devant le ministre de la Justice;

donne acte à l’appelant qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire;

impose les frais des deux instances à la partie intimée.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur, et lu par le président Georges KILL en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11959C
Date de la décision : 12/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-12;11959c ?

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