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25/09/2000 | LUXEMBOURG | N°12284

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2000, 12284


Nos. 12284 et 12324 du rôle Inscrits les 30 août et 15 septembre 2000 Audience publique du 25 septembre 2000

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Requêtes en sursis à exécution, subsidiairement en institution de mesures de sauvegarde introduites par I. la société anonyme MOVILLIAT CONSTRUCTION S.A., … II. Madame …, contre une décision du bourgmestre de la commune de …, en présence des époux X. et Y., …, en matière d'autorisation de construire

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ORDONNANCE

I.

Vu la requête déposée le 30 août 2

000 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 12284 du rôle, par Maître Roland ASSA, avoca...

Nos. 12284 et 12324 du rôle Inscrits les 30 août et 15 septembre 2000 Audience publique du 25 septembre 2000

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Requêtes en sursis à exécution, subsidiairement en institution de mesures de sauvegarde introduites par I. la société anonyme MOVILLIAT CONSTRUCTION S.A., … II. Madame …, contre une décision du bourgmestre de la commune de …, en présence des époux X. et Y., …, en matière d'autorisation de construire

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ORDONNANCE

I.

Vu la requête déposée le 30 août 2000 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 12284 du rôle, par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme MOVILLIAT CONSTRUCTION S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son administrateur délégué Monsieur …, tendant à ordonner le sursis à exécution d'une mesure de fermeture de chantier ordonnée le 4 juillet 2000 par le bourgmestre de la commune de …, par rapport à un chantier à L-…, faisant l'objet d'une autorisation de bâtir une maison unifamiliale délivrée le 24 janvier 2000 à Madame …, employée communale, demeurant à L-…, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans la réouverture provisoire dudit chantier, le litige au fond faisant l'objet d'une requête en annulation déposée le 25 juillet 2000, portant le numéro 12149 du rôle;

Vu l'exploit de l'huissier Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution sinon en obtention d'une mesure de sauvegarde à l'administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ainsi qu'aux époux X. et Y., demeurant ensemble à L-…;

II.

Vu la requête déposée le 15 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 12323 du rôle, par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, préqualifiée, tendant à ordonner le sursis à exécution de la mesure de fermeture de chantier ordonnée le 4 juillet 2000 par le bourgmestre de la commune de …, par rapport au chantier prédésigné, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans la réouverture provisoire dudit chantier, le litige au fond faisant l'objet d'une requête en annulation déposée le même jour, portant le numéro 12323 du rôle;

Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

2 Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maîtres Yves HUBERTY, en remplacement de Maître ASSA, Maître Olivier TAMAIN, en remplacement de Maître Georges PIERRET, Florence TURK-TORQUEBIAU, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat constitué pour l'administration communale de …, ainsi que Maître Malou WEIRICH, avocat constitué pour les époux SIBENALER-TRIERWEILER, en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 mars 2000, le bourgmestre de la commune de … délivra à Madame …, demeurant à L-…, l'autorisation de construire une maison d'habitation unifamiliale à L-… Le 4 juillet 2000, le bourgmestre ordonna la fermeture du chantier au motif que la construction, en raison de la mise en place d'un escalier descendant, à l'extérieur de la construction, à partir du rez-de-chaussée vers la cave, ne respectait pas les limites de reculement latéral réglementaires.

Le 25 juillet 2000, la société anonyme MOVILLIAT CONSTRUCTION S.A., établie et ayant son siège social à L-…, se disant représentée par son administrateur délégué Monsieur Jules MOVILLIAT, a introduit un recours en réformation, sinon en annulation de la décision de fermeture de chantier du 4 juillet 2000, et par requête déposée le 30 août 2000, elle demande au président du tribunal de prononcer le sursis à exécution concernant ladite décision de fermeture de chantier, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde consistant dans la réouverture provisoire du chantier en attendant la solution du litige au fond. Elle demande en ordre plus subsidiaire encore une abréviation des délais légaux pour l'instruction de l'affaire. Elle a appelé en intervention les époux X. et Y., demeurant ensemble à L-…, propriétaires du terrain voisin, en leur qualité de tiers intéressés.

Par requête du 15 septembre 2000, Madame …, préqualifiée, a à son tour introduit une requête en réformation, sinon en annulation de la décision de fermeture du chantier du 4 juillet 2000, et par requête du même jour, elle demande au président du tribunal d'ordonner le sursis à exécution de ladite décision, sinon d'ordonner une mesure de sauvegarde tendant à l'autoriser à continuer les travaux de construction en attendant la solution du litige au fond, sinon encore à se voir autoriser à effectuer tous les travaux de construction ne touchant pas l'escalier litigieux.

Les demandes introduites respectivement par la société MOVILLIAT CONSTRUCTION et Madame … sont connexes étant donné qu'elles ont le même objet, de sorte que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule et même ordonnance.

L'administration communale de … soulève l'irrecevabilité de la demande introduite par MOVILLIAT CONSTRUCTION, pour défaut de qualité. Celle-ci rétorque que la décision de fermeture de chantier lui a été notifiée, qu'elle est directement concernée par la décision en tant que chargée de l'exécution des travaux de construction, et qu'elle est personnellement affectée par la décision en ce qu'elle est de nature à porter atteinte à sa renommée en général et à peser sur les relations avec sa cliente pour le compte de laquelle elle construit.

L'intérêt à agir conditionnant la recevabilité d'un recours administratif ne doit pas seulement être né et actuel, mais encore personnel et direct. Un intérêt indirect à agir ne suffit 3 pas pour former un recours contentieux, encore qu'il soit le cas échéant jugé suffisant pour intervenir dans une instance, soit en y étant appelé, soit en y apparaissant volontairement (trib.

adm. 11 octobre 1999, Pas. adm. n° 1/2000, V° Procédure contentieuse, n° 5).

En l'espèce, même si la décision de fermeture de chantier a été adressée à la société MOVILLIAT CONTRUCTION, sa véritable destinataire a été Madame …, bénéficiaire de l'autorisation de construire. Le préjudice qu'elle invoque est indirect dans la mesure où les éléments qu'elle fait valoir trouvent leur source immédiate non dans l'arrêt du chantier, mais dans la perte de confiance éventuelle du public et de sa cliente à son égard. Encore faudrait-il que ceux-ci entendent rendre la demanderesse responsable de l'arrêt du chantier, ce qui ne ressort d'aucun des éléments du dossier. Il se dégage de l'ensemble de ces considérations que le caractère direct du dommage invoqué par la demanderesse ne semble pas établi, au vu de l'état actuel du dossier, avec la certitude suffisante pour permettre de conclure que le juge du fond va statuer dans le même sens, de sorte que son recours est à déclarer irrecevable. Cette irrecevabilité couvre tant la demande principale en sursis à exécution, que les demandes subsidiaires en institution d'une mesure de sauvegarde et d'abréviation des délais d'instruction du litige au fond.

En revanche, Madame THEISSEN justifie d'un intérêt personnel direct suffisant pour être recevable à solliciter une mesure provisoire au sujet de la décision critiquée.

L'administration communale de … soulève l'irrecevabilité de la demande en sursis à exécution, au motif qu'elle s'apparente à une décision négative qui, elle, n'est pas susceptible d'une mesure de sursis à exécution.

Ce raisonnement ne saurait valoir, étant donné que s'il est vrai qu'une décision négative, c'est-à-dire qui dénie à un administré un droit, n'est pas susceptible d'un sursis à exécution en ce qu'une telle mesure ne serait pas de nature à lui reconnaître positivement le droit contesté, un sursis à exécution ordonné par rapport à un arrêt de chantier a pour effet de suspendre provisoirement dans ses effets la décision de fermeture, ce qui a comme conséquence immédiate qu'aussi longtemps que la décision de sursis à exécution sort ses effets, la construction peut continuer.

La demande en sursis à exécution est partant recevable.

La demanderesse fait exposer que l'escalier litigieux était prévu sur les plans qui avaient été communiqués lors de la demande d'autorisation de bâtir, et que le bourgmestre serait mal venu de se prévaloir ex post de la circonstance que son implantation ne respecterait pas la limite de recul latéral réglementaire. Elle ajoute que la construction est terminée, seulement des travaux de parachèvement à l'intérieur restant à faire, de sorte que la décision de fermeture ne saurait plus avoir d'effet.

L'administration communale rétorque que la construction de l'escalier litigieux est illégale comme ne respectant pas les limites réglementaires par rapport à la propriété voisine.

Elle souligne que sur le "plan masse" versé à l'appui de l'obtention de l'autorisation de construire, renseignant l'implantation de l'immeuble, l'escalier n'était pas renseigné.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un 4 préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En l'espèce, l'arrêt du chantier pendant une période prolongée et le retard pris par conséquent par l'achèvement de la construction risque de causer à la demanderesse un préjudice grave et difficilement réparable par des mesures de réparation par équivalent pouvant intervenir a posteriori.

Par ailleurs, les moyens invoqués par la demanderesse, tirés de ce que la construction de l'escalier litigieux a été autorisée, n'apparaissent pas suffisamment sérieux au stade actuel de l'instruction du dossier. Il se dégage en effet des pièces versées que s'il est bien vrai que la partie graphique de l'autorisation de construire, comportant notamment des plans de construction à l'échelle 1 : 50, joints à la demande d'autorisation et approuvés, renseigne du côté gauche de la maison, la construction d'un escalier, la partie écrite de la même autorisation renseigne sub 27 que le recul de la construction sur la limite latérale doit être de trois mètres au moins. A cela s'ajoute que sur le plan masse à l'échelle 1 : 500, également joint à la demande de permis de construire et approuvé, l'escalier litigieux n'est pas indiqué, le recul latéral minimal y indiqué étant de 3,50 m.

Or, la construction de l'escalier, d'une largeur de 1,50 m, ne laisse plus qu'un espace de deux mètres entre la maison de Madame … et la limite de sa propriété du côté des consorts X.-Y.

Il ne semble pas que la demanderesse puisse faire fruit de l'article 15 du règlement sur les bâtisses, qui dispose que le reculement sur les limites de propriété est mesuré dès le nu de la façade, compte tenu des terrasses non couvertes et non fermées, des seuils, des perrons, des balcons et autres installations semblables pour conclure que la construction de l'escalier ne puisse pas être prise en compte pour le calcul de la marge de reculement latéral, étant donné qu'il se dégage des photographies versées que l'escalier en question est intégré à la construction et fait partant partie de la surface bâtie.

Il suit des considérations qui précèdent que les moyens invoqués à l'appui de la demande n'apparaissent pas suffisamment sérieux, au stade actuel de l'instruction de la demande, pour permettre au juge saisi d'ordonner un sursis à exécution.

Les demandes subsidiaires en institution d'une mesure de sauvegarde tenant à permettre la continuation de la construction dans son ensemble sinon, du moins en ce qui concerne les parties du bâtiment qui ne se rapportent pas à l'escalier litigieux, sont à leur tour à rejeter, étant donné qu'elles sont également soumises à l'exigence de moyens sérieux permettant de conclure que la demande puisse aboutir au fond. Or, les moyens concernant le fond de l'affaire sont les mêmes en ce qui concerne la demande principale qu'en ce qui concerne les demandes subsidiaires. Quant à la demande tendant à permettre la continuation de la construction pour toutes les parties de l'immeuble ne se rapportant pas à l'escalier litigieux, il y a lieu de retenir que le bourgmestre a le pouvoir d'arrêter le chantier dans son intégralité en cas de travaux non autorisés. ce serait par ailleurs enlever à la mesure de fermeture de chantier son caractère comminatoire que d'autoriser tous les autres travaux que ceux qualifiés d'illégaux.

Par ces motifs, 5 le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, joint les demandes introduites sous les numéros respectifs 12284 et 12324 du rôle, déclare le recours introduit sous le numéro 12284 irrecevable, condamne la demanderesse aux frais de l'instance, reçoit le recours en sursis à exécution introduit sous le numéro 12324 du rôle en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 septembre 2000 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12284
Date de la décision : 25/09/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-09-25;12284 ?

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