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23/08/2000 | LUXEMBOURG | N°12210

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2000, 12210


N° 12210 du rôle Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 23 août 2000

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Recours formé par Monsieur … AGOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12210 du rôle, déposée le 7 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AGOVIC, de nat

ionalité yougoslave, né le … à …(Monténégro), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulatio...

N° 12210 du rôle Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 23 août 2000

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Recours formé par Monsieur … AGOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12210 du rôle, déposée le 7 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AGOVIC, de nationalité yougoslave, né le … à …(Monténégro), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, lui notifiée le 6 juillet 2000, déclarant sa demande d’octroi du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 août 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 août 2000 par Maître Louis TINTI au nom de Monsieur … AGOVIC ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 2 juin 1999, Monsieur … AGOVIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le même jour, Monsieur AGOVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.Monsieur AGOVIC fut entendu en date du 5 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par courrier datant du 31 mai 2000, notifié en date du 6 juillet 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur AGOVIC que sa demande avait été rejetée au motif suivant: " (…) Vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève. Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ”. A l’encontre de cette décision Monsieur AGOVIC a fait introduire un recours contentieux tendant à son annulation par requête déposée en date du 7 août 2000.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur expose avoir quitté son pays d’origine, en l’occurrence le Kosovo, sur les conseils de sa tante qui aurait été “ inquiète par la situation qui était celle qui régnait au Kosovo à ce moment ” et dont la famille aurait reçu à ce moment “ l’ordre de partir ”. Il signale que la situation au Kosovo demeurerait toujours instable à l’heure actuelle et reproche à la décision déférée de reposer sur une erreur manifeste d’appréciation des faits, ceci dans la mesure où il serait membre du groupe ethnique des Bosniaques ne parlant que la langue serbo-croate et qu’il serait partant à considérer comme appartenant à une minorité ethnique actuellement persécutée au Kosovo. Il fait valoir qu’en cas de retour au Kosovo sa vie serait gravement menacée par les Albanais du Kosovo pour des raisons tenant à son appartenance au groupe des Bosniaques et rappelle que ce n’aurait été qu’au moment où sa tante aurait reçu l’ordre de quitter le Kosovo que lui-même aurait décidé de quitter également son pays d’origine.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur n’aurait invoqué aucun motif susceptible de lui valoir le statut de réfugié politique et se serait limité dans ses déclarations à indiquer avoir pris la fuite sur les conseils de sa tante. Il relève en outre que contrairement aux affirmations du demandeur, ce dernier serait non pas originaire du Kosovo mais du Monténégro où il aurait vécu jusqu’à son départ pour le Luxembourg. Il estime à cet égard que cette considération ne serait pas ébranlée par le fait pour le demandeur d’avoir résidé pendant un mois chez son oncle et sa tante au Kosovo.

Dans son mémoire en réplique Monsieur AGOVIC demande acte de ce qu’il est effectivement originaire du Monténégro et non de la province du Kosovo.Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ”.

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ”.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Monténégro.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur a affirmé ne pas savoir pourquoi il a quitté son pays d’origine ou de provenance et, interrogé sur les raisons qui l’empêchent actuellement encore de rentrer dans son pays, il a répondu : “ Je ne sais pas. Je pense que je vais rester pour travailler ici ”. Il a encore répondu clairement par la négative à la question s’il avait personnellement subi des persécutions.

S’il est vrai que le demandeur a fait valoir à travers son recours contentieux un danger pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine, le tribunal doit cependant constater que, ce faisant, le demandeur s’est référé à la situation régnant au Kosovo qui n’est pas son pays d’origine et que par ailleurs il n’a en tout état de cause pas apporté suffisamment de précisions quant aux persécutions qu’il risquerait personnellement de subir. Les autorités luxembourgeoises ont partant été mises dans l’impossibilité d’examiner, outre la situation générale régnant dans son pays de provenance, la situation particulière de Monsieur AGOVIC et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté.

Il résulte des considérations qui précèdent que les faits avancés par le demandeur ne sont manifestement pas de nature à tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée. Le recours formé par le demandeur est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 août 2000 par:

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

May Schockweiler


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12210
Date de la décision : 23/08/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-08-23;12210 ?

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