La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2000 | LUXEMBOURG | N°12063

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2000, 12063


N° 12063 du rôle Inscrit le 19 juin 2000 Audience publique du 29 juin 2000

===========================

Requête en sursis à exécution introduite par Madame … ARRUNATEGUI ESPINOZA, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 19 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne ANASTASIO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Madame … ARRUNATEGUI ESPINOZA, gouvernante, demeurant à L-…, tenda...

N° 12063 du rôle Inscrit le 19 juin 2000 Audience publique du 29 juin 2000

===========================

Requête en sursis à exécution introduite par Madame … ARRUNATEGUI ESPINOZA, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 19 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne ANASTASIO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ARRUNATEGUI ESPINOZA, gouvernante, demeurant à L-…, tendant à conférer un effet suspensif au recours en réformation, subsidiairement en annulation introduit le même jour, portant le numéro 12064 du rôle, dirigé contre une décision du ministre de la Justice du 24 février 2000, portant refus de faire droit à sa demande de prolongation de son autorisation de séjour et ordonnant son expulsion;

Vu l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Ouï Maître Nadia JANAKOVIC, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par arrêté du ministre de la Justice du 24 février 2000, Madame … ARRUNATEGUI ESPINOZA, gouvernante, de nationalité péruvienne, demeurant à L-…, s'est vu retirer l'autorisation de séjour lui accordée le 22 avril 1999, au motif qu'elle ne dispose pas de moyens d'existence personnels et qu'elle ne vit pas en communauté de vie avec son époux, la même décision contenant l'invitation de quitter le pays dès notification de l'arrêté en question.

Par requête introduite le 19 juin 2000, Madame ARRUNATEGUI ESPINOZA a introduit un recours en réformation, subsidiairement en annulation contre la décision de retrait de l'autorisation de séjour du 24 février 2000. - Par requête du même jour, elle a introduit une requête tendant à ordonner le sursis à exécution de l'arrêté en question en attendant la décision au fond à rendre par le tribunal administratif.

Dans son recours, Madame ARRUNATEGUI ESPINOZA fait exposer que l'exécution de la décision l'invitant à quitter le pays risque de lui causer un préjudice grave et définitif auquel il sera très difficile de remédier si la décision de retrait de l'autorisation de séjour est annulée par le juge du fond. Elle se prévaut de ce que ses enfants et ses petits-enfants vivent au Luxembourg et qu'en cas de retour au Pérou, elle perdrait tout lien avec ceux-ci. Elle fait 2 par ailleurs plaider qu'elle est actuellement en traitement contre le cancer et qu'en cas de retour dans son pays d'origine, ses jours seraient mis en danger.

Concernant les moyens qu'elle fait valoir au fond, elle invoque l'article 10, § 1er du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté et de l'article 4, § 4 de la directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des Etats membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté pour prétendre, en tant que ressortissant d'un Etat tiers marié avec un ressortissant communautaire, au droit de s'installer avec son conjoint sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, ce droit perdurant tant que le lien matrimonial n'est pas dissous. En tant que conjoint d'un ressortissant luxembourgeois, elle estime pouvoir bénéficier des dispositions en question. Elle concède qu'elle ne vit pas actuellement dans un foyer commun avec son mari, mais elle estime qu'au vu de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, cette circonstance ne serait pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de son droit de séjour.

Elle fait valoir par ailleurs que l'arrêté portant refus de lui accorder une autorisation de séjour est entaché d'illégalité, d'une part comme ayant été pris sans que préalablement l'avis de la commission consultative en matière de police des étrangers ait été requis, comme l'exige pourtant l'article 2, 2° du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d'entrée et de séjour de certaines catégories d'étrangers faisant l'objet de conventions internationales, et d'autre part, comme violant l'article 12 du même règlement grand-ducal en ce qu'aucun délai ne lui a été accordé pour organiser son départ.

Elle se prévaut encore de la violation de l'article 8, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le respect de la vie familiale, en soulignant qu'elle vit actuellement auprès de ses trois enfants et de ses petits-

enfants et que l'exécution de la décision entreprise aurait pour effet de porter atteinte à cette vie familiale.

Elle fait finalement plaider que ce serait à tort que le ministre de la Justice lui reproche de ne pas disposer de moyens personnels, alors qu'elle aurait exercé une activité professionnelle jusqu'au moment où elle est tombée gravement malade, et que depuis lors, elle est prise en charge par ses trois enfants, de sorte qu'elle dispose des moyens financiers nécessaires pour assumer ses frais de séjour.

Concernant le risque d'un préjudice grave et définitif, le délégué du gouvernement estime que rien n'empêcherait la demanderesse de revenir au Luxembourg en cas d'annulation de la décision attaquée, de sorte que le risque d'un préjudice définitif ne serait pas donné. Il conteste par ailleurs le caractère grave du préjudice, soutenant qu'en cas de retour au Pérou, la demanderesse ne perdrait pas nécessairement tout lien avec sa famille.

Concernant le sérieux des moyens invoqués, le délégué du gouvernement répond que c'est à tort que la demanderesse invoque les textes de droit communautaire qui ne visent que des situations de circulation et sont étrangers à des situations, comme celle de l'espèce, purement internes à un Etat membre, les Etats membres étant libres de refuser l'entrée ou le séjour sur leurs territoires à des membres ressortissants d'Etats tiers, membres de la famille de résidents communautaires n'ayant jamais exercé le droit de libre circulation à l'intérieur de la communauté.

3 Concernant l'absence de saisine de la commission consultative en matière de police des étrangers, le délégué du gouvernement fait valoir que sa saisine n'est obligatoire que lorsque l'intéressé en fait la demande, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce.

Le moyen tiré de la violation de l'article 12 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972, précité, serait à écarter puisque la disposition en question ne s'appliquerait qu'aux ressortissants de l'Union européenne et des Etats ayant adhéré à l'accord de l'Espace économique européen, et non à un ressortissant péruvien.

Concernant le moyen tiré de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le délégué du gouvernement fait valoir d'abord qu'il n'y aurait pas de vie familiale de la demanderesse avec son mari, étant donné qu'il se dégagerait des pièces versées qu'il s'agit en l'espèce d'un mariage blanc. Concernant la vie familiale avec ses enfants, le délégué du gouvernement souligne que cette vie familiale n'a pas existé avant son immigration, étant donné que sa fille se trouvait déjà antérieurement au Luxembourg. Subsidiairement, il estime qu'en l'espèce, une ingérence de l'autorité publique telle que prévue par l'article 8, § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme se justifie, la demanderesse ayant manifestement abusé des pratiques administratives et législatives du pays pour obtenir une autorisation de séjour.

Le délégué du gouvernement souligne finalement que la demanderesse, qui soutient être prise en charge par ses enfants, ne prouve pas, comme l'exige la loi, des moyens personnels pour assumer ses frais de séjour.

Le délégué du gouvernement ajoute qu'étant donné que le mémoire en réponse a été déposé, l'affaire serait en état d'être plaidée à brève échéance, de sorte qu'une mesure provisoire ne se justifierait pas.

En vertu de l'article 11, (2), de la loi précitée du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En l'espèce, eu égard à la maladie grave dont souffre la demanderesse et dont la réalité est établie par un certificat médical, un rapatriement vers le Pérou risque d'entraîner pour elle un préjudice grave et définitif.

D'autre part si, dans leur ensemble, au vu de la jurisprudence des juridictions administratives en la matière, les moyens invoqués par la demanderesse ne présentent pas le caractère sérieux nécessaire pour justifier le sursis à exécution, tel n'est pas le cas du moyen tiré de l'éventuelle violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ceci au vu des éléments qui se dégagent en l'état du dossier, à savoir que la demanderesse a rejoint sa fille qui habite le Luxembourg, qu'elle habite dans le ménage de celle-ci et qu'au vu de son incapacité de travail dû à sa maladie, elle est entièrement à charge de sa fille. Le moyen en question présente les apparences de sérieux suffisants pour justifier le sursis à exécution de la mesure attaquée.

Le moyen tiré de ce que le mémoire en réponse a été déposé dans l'affaire au fond et que partant, l'affaire est susceptible d'être plaidée à brève échéance est à son tour à rejeter, 4 étant donné que la demanderesse est susceptible de faire l'objet d'une mesure de rapatriement forcé dès avant la plaidoirie de l'affaire au fond.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement, reçoit le recours en sursis à exécution dirigé contre l'arrêté ministériel du 24 février 2000 en la forme, au fond le déclare justifié, partant ordonne le sursis à exécution de l'arrêté en question, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 29 juin 2000 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12063
Date de la décision : 29/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-29;12063 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award