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24/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11997

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2000, 11997


N° 11997 du rôle Inscrit le 12 mai 2000 Audience publique du 24 mai 2000

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … DUPONG, Luxembourg, en matière de stage notarial

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 12 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DUPONG, juriste, demeurant à L-…, tendant à l'institution d'une mesure de

sauvegarde dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour sous le numéro 11998 du...

N° 11997 du rôle Inscrit le 12 mai 2000 Audience publique du 24 mai 2000

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Requête en institution d'une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … DUPONG, Luxembourg, en matière de stage notarial

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 12 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DUPONG, juriste, demeurant à L-…, tendant à l'institution d'une mesure de sauvegarde dans le cadre d'un recours en annulation introduit le même jour sous le numéro 11998 du rôle, dirigé contre une décision de la commission du stage judiciaire du 4 mai 2000 lui ayant refusé l'admission au stage notarial à partir du 1er mai 2000 sous réserve de la réussite des épreuves supplémentaires de la première session du cours complémentaire en droit luxembourgeois;

Vu l'article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Dean SPIELMANN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 avril 2000, Monsieur … DUPONG, juriste, demeurant à L-…, sollicita auprès de la commission du stage judiciaire prévue par l'article 9 du règlement modifié du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire et réglementant l'accès au notariat, l'admission conditionnelle au stage notarial à partir du 1er mai 2000, sous réserve de la réussite des épreuves supplémentaires de la première session des cours complémentaires en droit luxembourgeois.

Par courrier du 4 mai 2000, la commission du stage l'informa du refus de l'admission au stage notarial, au motif que la condition posée par l'article 28 du règlement grand-ducal modifiée du 21 janvier 1978, en vertu duquel le stage notarial s'effectue pendant la première année du stage judiciaire, sous réserve de la réussite à la première session des cours complémentaires, ne se trouva pas remplie, une réussite à cette session faisant défaut dans le chef du requérant. La commission l'informa encore que le stage notarial pourrait avoir lieu, le cas échéant, après l'examen de fin de stage judiciaire.

Par requête du 12 mai 2000, Monsieur DUPONG a introduit un recours en annulation contre cette décision de refus.

Par requête du même jour, il a saisi le président du tribunal d'une demande d'institution d'une mesure de sauvegarde consistant dans son admission conditionnelle au stage notarial à partir du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sous réserve de la réussite des épreuves supplémentaires de la première session des cours complémentaires en droit luxembourgeois.

La demande est régulière en la forme, partant recevable.

En vertu de l'article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Le délégué du gouvernement conteste l'existence d'un risque de préjudice grave et définitif, au motif que l'impossibilité d'effectuer le stage notarial durant la première année du stage judiciaire ne priverait pas le demandeur de la possibilité d'effectuer le stage en question après l'accomplissement du stage judiciaire.

L'impossibilité d'effectuer le stage notarial concomitamment avec le stage judiciaire, tel que le prévoit l'article 28, alinéa 2 du règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978, précité, entraîne dans le chef de celui qui doit alors effectuer ce stage après l'accomplissement du stage judiciaire, un préjudice grave et définitif, puisque sa période de stage est rallongée d'autant et retarde d'autant l'entrée dans la carrière professionnelle qu'il a choisie.

Le délégué du gouvernement dénie encore aux moyens invoqués à la base du recours au fond le caractère sérieux.

Les moyens invoqués par Monsieur DUPONG à l'appui de son recours en annulation pendant devant le tribunal administratif, peuvent être résumés comme suit:

- le règlement grand-ducal du 8 avril 1999 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire et réglementant l'accès au notariat est illégal et inconstitutionnel en ce que le règlement sort du cadre légal de la loi du 18 juin 1969 portant réforme de l'enseignement supérieur dont l'article 9 viole la Constitution: la décision de refus d'admission au stage notarial se base sur le règlement grand-ducal du 21 janvier 1978, modifié entre autres par un règlement grand-ducal du 8 avril 1999. Ce règlement est inconstitutionnel comme ne trouvant pas de base légale. En effet la loi du 9 décembre 1976 relative à l'organisation du notariat n'a pas conféré au Grand-Duc le pouvoir de réglementer l'accès à la profession de notaire. L'article 9 de la loi du 18 juin 1969 portant réforme de l'enseignement supérieur, outre la question de l'applicabilité de cette loi après l'entrée en vigueur de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l'enseignement supérieur, ne saurait constituer une base légale pour des dispositions réglementaires réglementant l'accès au notariat, dès lors que cette matière ne rentre pas dans le champ d'application d'une loi sur l'enseignement supérieur. La disposition de l'article 9 de la loi précitée du 18 juin 1969 est d'ailleurs inconstitutionnelle en ce qu'elle autorise le pouvoir exécutif de prendre des règlements dérogeant à des dispositions législatives existantes.

La base habilitante pour réglementer l'accès à la profession de notaire se trouve, non dans la loi du 9 décembre 1976 relative à l'organisation du notariat, mais dans la loi du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur. Cette loi n'a pas été abrogée dans son intégralité par la loi du 11 août 1996 portant réforme de l'enseignement supérieur, celle-ci se bornant à prévoir, dans son article 34, que les dispositions légales et réglementaires contraires à cette loi sont abrogées. L'article 9 de la loi du 18 juin 1969 autorise expressément le pouvoir exécutif à réglementer la formation spécialisée en vue d'accéder à certaines professions, l'alinéa 4 prévoyant par ailleurs explicitement l'organisation, par le pouvoir réglementaire, de l'accès au notariat. Les seules dispositions mêmes d'un acte législatif, à l'exclusion de son intitulé, ayant force obligatoire (Cour d'appel 25 janvier 1958, Pas. 17, 248), la disposition de l'article 9 de la loi du 18 juin 1969 constitue une base légale adéquate pour l'exercice du pouvoir réglementaire concernant l'accès à la profession de notaire, l'intitulé de ladite loi étant indifférent au regard de la valeur et de la portée de cette base.

D'autre part, la question de la constitutionnalité des lois habilitantes, que Monsieur DUPONG conteste en déniant au législateur le droit de déléguer à l'exécutif le pouvoir de prendre des mesures réglementaires dans des matières réservées par la Constitution à la loi, est résolue affirmativement par la doctrine (v. Josse MERTENS, Le Fondement juridique des Lois de Pouvoirs spéciaux, Larcier 1945, p. 92 et.; Alfred LOESCH, Le Pouvoirs réglementaire du Grand-Duc, Pas. 15, p. 58; Pierre PESCATORE, Essai sur la notion de loi, Livre jubilaire du Conseil d'Etat, 1956, n° 44, p. 405) et non remis en question, jusqu'à l'heure actuelle, par la jurisprudence, de sorte qu'il n'appartient pas au président du tribunal administratif, statuant au provisoire, d'asseoir une décision sur un hypothétique succès du moyen afférent. Il y a lieu d'ajouter que s'il est vrai que la disposition de l'article 9, alinéa 2 de la loi du 18 juin 1969, en ce qu'elle dispose que les règlements qui organisent les stages professionnels et la formation spécialisée des candidats peuvent déroger aux lois existantes, risque d'être déclarée inconstitutionnelle, le demandeur reste en défaut d'indiquer concrètement quelle disposition du règlement portant organisation du stage judiciaire et réglementant l'accès au notariat entend déroger à une loi existante ;

- le règlement grand-ducal du 8 avril 1999 constitue une entrave à l'accès de la profession du notariat incompatible avec l'article 11 (6) de la Constitution: la profession de notaire constituant une profession libérale, l'accès à cette profession doit être régi exclusivement par la loi, conformément aux exigences de l'article 11 (6) de la Constitution, et non par un règlement grand-ducal.

Outre la circonstance que la jurisprudence a résolu de manière contraire la question du caractère libéral de la profession de notaire, en décidant qu'il s'agit d'un office ministériel (Lux. 11 juillet 1984, confirmé par arrêt du 1er avril 1987, Pas. 27, 65), l'accueil du moyen afférent impliquerait la remise en question du caractère compatible avec la Constitution des lois habilitantes, ce que le juge statuant au provisoire ne saurait faire en l'état actuel de la jurisprudence;

- l'article 28 du règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978 viole le principe de proportionnalité: l'obligation de n'effectuer le stage notarial qu'après la fin du stage judiciaire en raison de deux notes légèrement insuffisantes, alors qu'il aurait pu effectuer le stage de manière concomitante avec le stage judiciaire s'il avait obtenu des notes suffisantes dans toutes les branches, viole le principe de proportionnalité.

Quelque légères que puissent être des notes insuffisantes, leur propre est d'être insuffisantes, c'est-à-dire de témoigner d'un manque des connaissances nécessaires pour obtenir le certificat attestant les connaissances adéquates pour accéder aux professions et stages qui requièrent la possession du certificat de formation complémentaire en droit luxembourgeois. Même à admettre que le juge du fond reconnaisse et sanctionne le principe de proportionnalité, qui n'est énoncé par aucun texte légal, les faits tels qu'ils se dégagent des pièces versées ne témoignent pas d'une violation de ce principe;

- la décision de refus d'admettre Monsieur DUPONG au stage notarial viole l'article 28 du règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978: la disposition permettant d'effectuer le stage notarial de manière concomitante avec le stage judiciaire en cas de réussite à la première session des cours complémentaires, les épreuves complémentaires auxquelles le demandeur doit se soumettre se rattachent intimement à la première session, le règlement en question ne définissant pas, par ailleurs, ce qu'il faut entendre par "deuxième" session.

Même si le règlement grand-ducal en question ne définit pas de manière expresse ce qu'il faut entendre par première et deuxième session des cours complémentaires, il se dégage de la nature des choses qu'en cas d'échec, total ou partiel, lors d'une première session de contrôle des connaissances, un nouveau contrôle, organisé ultérieurement, ne peut se comprendre autrement que comme constituant une deuxième session;

- la décision de refus viole l'article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes: ayant été saisie par courrier du 12 avril 2000, la commission du stage n'a répondu que le 4 mai 2000, alors que le stage notarial a commencé le 1er mai 2000. La commission a ainsi lésé les intérêts privés de Monsieur DUPONG.

Le moyen afférent ne saurait porter à conséquence qu'au cas où les moyens tirés du refus d'admission au stage notarial seraient considérés comme sérieux, car ce n'est que dans cette hypothèse que la réponse tardive serait de nature à causer un préjudice au demandeur.

Il suit des considérations qui précèdent qu'à défaut d'invoquer des moyens qui, au stade actuel, apparaissent comme suffisamment sérieux, le demandeur est à débouter de sa demande en institution d'une mesure de sauvegarde.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la requête en institution d'une mesure de sauvegarde recevable, au fond la déclare non justifiée et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 24 mai 2000 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11997
Date de la décision : 24/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-24;11997 ?

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